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Réforme des retraites : comment chaque parti se prépare pour les débats à l'Assemblée nationale

Le projet de loi sera examiné à partir du 6 février dans l'hémicycle. Les débats s'annoncent houleux alors que le gouvernement espère en limiter la durée et faire adopter sa réforme rapidement.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 17 janvier 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Après une première épreuve de la rue, approche celle de l'hémicycle. La forte mobilisation des opposants à la réforme des retraites, qui a réuni au moins un million de personnes jeudi 19 janvier, n'était qu'un avant-goût de la bataille qui s'annonce autour du texte. Si le projet de loi, présenté en Conseil des ministres lundi 23 janvier, n'évoluera pas avant les débats à l'Assemblée, son examen par les députés ne sera pas de tout repos. Les oppositions entendent empêcher la promulgation de ce texte et, avec une majorité relative (248 députés sur les 289 requis), le parti présidentiel compte s'appuyer sur l'article 47.1 de la Constitution, qui permet de glisser cette réforme dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR) et de limiter le temps de débat. Voici comment se positionnent déjà les principales formations politiques.

La Nupes : vent debout contre le projet

La Nupes est la formation la plus remontée contre la réforme des retraites. En son sein, les députés de La France insoumise sont les plus virulents. Ils vont "déposer tous les amendements qu'il faut pour avoir une réforme juste", a promis Aurélie Trouvé, députée LFI de Seine-Saint-Denis, dimanche sur franceinfo. "Il y en a énormément vu que cette réforme est extrêmement mauvaise", a-t-elle ajouté. Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI, avait promis, dès octobre sur LCI, de reproduire l'obstruction parlementaire mise en œuvre en 2020 lors du précédent projet de réforme du gouvernement d'Edouard Philippe, abandonné en raison du Covid-19 et de la crise sanitaire. "La dernière fois, nous étions 17 parlementaires 'insoumis' et avions déposé 17 000 amendements. Aujourd'hui, nous sommes 75", avait-elle prévenu. Invité de France 3, dimanche, le député LFI de la Somme, François Ruffin, a cependant démenti cette volonté d'obstruction : "Il n'y aura pas 1 000 amendements par député", a-t-il assuré, promettant plutôt "une ferme opposition (...) qui permette au texte d'avancer".

Le parti Europe-Ecologie Les Verts (EELV) est également bien décidé à faire front. "Nous ne lâcherons rien, nous allons faire la Zad, pas juste à l'Assemblée, mais dans toute la France", a déclaré la cheffe des écologistes, Marine Tondelier, à Paris, mardi.

Outre le fond, la forme est également critiquée. Le recours à l'article 47.1 pour présenter ce projet de loi est "une manœuvre grossière, digne d'ennemis de la démocratie", par le patron des députés PCF, André Chassaigne. Cela limite à vingt jours l'examen du texte en première lecture. Les échanges, qui doivent démarrer lundi 6 février dans l'hémicycle, devront s'achever le 17 à minuit pour que le texte passe ensuite au Sénat. Ce calendrier resserré contraint les socialistes à demander le report de la journée réservée à leurs textes à l'Assemblée, prévue le 9 février, afin d'obtenir un jour supplémentaire de débats dans l'hémicycle. Leur niche parlementaire aurait été "noyée dans cette importante séquence parlementaire", déplore le patron du groupe, Boris Vallaud.

Le Rassemblement national : opposé sans obstruer

Le Rassemblement national, avec ses 88 députés, n'est pas favorable au projet de réforme des retraites et s'y opposera Marine Le Pen a critiqué, mi-janvier, face à des journalistes parlementaires, une réforme "inutile", "injuste" et "brutale", car elle "va obliger ceux qui ont démarré très tôt à cotiser beaucoup plus longtemps que ceux qui ont démarré dans la vie active tard".

Sur la méthode toutefois, elle tient à se démarquer de l'opposition de gauche. "Dans une démocratie, mener la bataille, c'est mener la bataille dans les assemblées dans lesquelles on est élu", a-t-elle ajouté. Mais "nous avons fait le choix de ne pas faire d'obstruction", a assuré l'ex-candidate à la présidentielle, jugeant que le dépôt annoncé de milliers d'amendements par les députés LFI ne servirait "strictement à rien".

Elle entend plutôt récupérer les voix des déçus de la réforme : "Nous appellerons évidemment les Français qui sont victimes de cette réforme à faire en sorte (qu'elle) puisse être réformée", en "arrêtant de voter pour ceux qui sont pour la retraite à 64 ans et encore moins pour ceux qui sont pour la retraite à 67"

Les Républicains : favorables mais attentifs

Le président de LR, Eric Ciotti, a assuré mardi sur BFMTV qu'il souhaitait "pouvoir voter" la réforme des retraites. "Il faut à droite être cohérent avec ce que nous avons toujours prôné", a-t-il argumenté. Il n'accorde toutefois pas un blanc seing au gouvernement et rappelle que "le diable peut se cacher dans les détails". Il s'est déclaré notamment "totalement opposé" à la hausse des cotisations évoquée par François Bayrou et à l'idée d'une baisse des pensions.

"Il ne reste qu'une troisième voie, demander à ceux qui sont aujourd'hui en activité de travailler un peu plus, en nuançant pour les femmes aux carrières heurtées, ceux qui ont commencé très tôt, ceux qui ont des métiers pénibles..."

Eric Ciotti, président de LR

à BFMTV

Les LR sont d'autant plus enclins à voter cette réforme qu'ils l'ont inspirée, affirme le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau. Ce dernier a toujours soutenu un report de l'âge de départ. "Je vote les textes en fonction de l'intérêt national", a-t-il ajouté, avant de préciser que le groupe LR n'était "ni une roue de secours, ni une béquille de M. Macron".

Au sein du groupe, il existe cependant des réserves. Le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a pointé ses divergences avec Eric Ciotti. "Aujourd'hui, on a une réforme terriblement comptable et la justice est quasiment inexistante", a-t-il affirmé sur franceinfo, en posant "trois conditions pour rendre cette réforme plus acceptable" : la possibilité de partir après 43 ans de carrière "à taux plein, sans décote", une "convergence" pour les régimes spéciaux et enfin pour les femmes aux carrières incomplètes "qu'on leur valide davantage de trimestres". Selon le président des Hauts-de-France, "de nombreux députés LR (...) sont aussi sur cette ligne". Il estime toutefois qu'"une fronde en interne" est exclue.

Renaissance : favorable, mais gare aux dissensions

Au sein de la majorité présidentielle, officiellement, tous semblent tirer dans le même sens. "Aucune voix ne manquera" dans les rangs des députés du parti présidentiel, a prophétisé la présidente du groupe à l'Assemblée, Aurore Bergé. "Je souhaite que toute la majorité – sans exception – soutienne, explique et vote cette réforme. Faisons bloc", a insisté Bruno Le Maire, ministre de l'Economie sur franceinfo.

Derrière les paroles confiantes, l'unité est précaire. Dans un entretien au Point, Edouard Philippe, ancien Premier ministre et patron du mouvement Horizons, allié du parti présidentiel, a assuré soutenir la réforme. Mais il semble douter de ses bienfaits. "Si l'on va vers un système qui équilibre à terme les retraites, qui contient des mesures de justice, très bien, si la mesure que le gouvernement propose a le même effet sur l'équilibre qu'un report à 65 ans, très bien", a-t-il estimé. Quant à François Bayrou, patron du MoDem, il a jugé la réforme "améliorable".

D'autres voix dissonantes se sont fait entendre. Ainsi, l'ancienne ministre et députée proche de la majorité Barbara Pompili avait expliqué lundi qu'elle ne "pourrai(t) pas voter pour" la réforme "à ce stade". Patrick Vignal, député Renaissance, affirme quant à lui qu'il "ne votera pas cette loi" si "elle n'évolue pas".

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