Réforme des retraites : salarié du privé ou du public, quelles conséquences une grève d'une heure a-t-elle sur votre salaire ?
Peut-on faire une heure, ou même une minute, de grève ? Quelle est la part de rémunération déduite dans ce cas ? Avec un mouvement de grève qui s'étire dans le temps, les salariés voulant faire grève sans perdre une journée complète de paie sont de plus en plus nombreux. Dans le public comme dans le privé, la grève n'est soumise à aucune durée minimale. Les grévistes peuvent ainsi débrayer pendant deux heures ou une demi-journée pour, par exemple, aller manifester.
Si les salariés peuvent se mettre en grève pour une courte durée, pas question, en revanche, de faire son travail au ralenti ou à moitié. Ainsi, les grèves dites "perlées", qui consistent à faire son travail tout doucement pour ralentir l'activité, sont interdites. Les salariés n'ont pas non plus le droit de n'effectuer que certaines tâches, ils doivent arrêter le travail complètement. Même chose pour les "grèves du zèle". Alors qu'une huitième journée de mobilisation est prévue mercredi 15 mars à l'appel de l'intersyndicale, franceinfo précise tous ces points.
Dans le privé, une retenue sur salaire proportionnelle au temps de grève
Une heure ou un mois de grève ? Pour les salariés du secteur privé, "il n'existe aucune durée légale minimale ou maximale", selon le site service-public.fr. La grève peut donc être de courte durée (une heure ou même moins) ou bien se poursuivre pendant une plus longue période (plusieurs jours ou semaines par exemple).
Dans tous les cas, un mouvement de grève peut être déclenché à tout moment, même si aucun préavis n'a été déposé par un ou plusieurs syndicats. Pour être qualifié de grève, le mouvement doit être suivi par au moins deux salariés. Mais un employé peut débrayer seul s'il accompagne un appel à la grève lancé au niveau national ou s'il est l'unique salarié de l'entreprise.
Le salarié n'est pas tenu de prévenir son employeur de son intention de faire grève. L'entreprise doit cependant connaître les revendications professionnelles des salariés au moment du déclenchement de la grève. Ainsi, "il vaut mieux informer votre employeur que vous faites grève à votre prise de poste, selon Eric Rocheblave, avocat en droit du travail. Si vous êtes absent, votre employeur ne sait pas si vous êtes malade, en retard ou en grève, et comme toute absence doit être justifiée, c'est mieux de l'indiquer le jour même", explique-t-il.
>> Pourquoi est-il si difficile de connaître le nombre précis de grévistes ?
La grève peut également être répétée ou fractionnée. Ainsi, selon l'exemple donné par le site officiel de l'administration française, "un arrêt total et concerté du travail d'un quart d'heure toutes les heures pendant 10 jours relève d'un exercice normal du droit de grève". En général, le droit de grève est plutôt protégé par la jurisprudence, selon Eric Rocheblave. "C'est le juge qui apprécie si c'est l'exercice du droit de grève est abusif ou pas, et la tendance est plutôt à la protection de ce droit", précise-t-il.
L'exercice du droit de grève par un salarié du privé entraîne une retenue sur son salaire, au prorata du temps non travaillé. "La retenue sur la rémunération doit être proportionnelle à la durée de l'arrêt de travail. Toute retenue supérieure est interdite", écrit le site service-public.fr.
En dehors du salaire, certains remboursements peuvent également être déduits, comme l'indemnité de déplacement par exemple. Pour ce qui est des primes, tout dépend de leur nature, selon Eric Rocheblave. "L'exercice du droit de grève ne supprime pas la prime en soi, précise l'avocat. Mais s'il s'agit, par exemple, d'une prime sur objectifs, que vous n'avez pas atteints parce que vous n'avez pas travaillé pendant une période, vous pourrez ne pas la toucher." Ces questions sont généralement réglées par le contrat de travail, toujours selon Eric Rocheblave.
Dans la fonction publique territoriale et hospitalière, une heure de grève correspond à une heure de salaire en moins
Si vous travaillez dans le public, les choses se compliquent. Pour la fonction publique territoriale et hospitalière, la grève doit obligatoirement être précédée d'un préavis transmis par un syndicat (sauf dans les communes de moins de 10 000 habitants).
C'est ensuite à l'agent de décider de la durée de sa grève, tant qu'elle se déroule sur la période définie par le préavis. Le débrayage donne lieu à une retenue sur salaire proportionnelle à la durée de la grève. "Ainsi, la retenue est égale à 1/30ᵉ pour une journée d'absence, 1/60ᵉ pour une demi-journée d'absence, 1/151,67ᵉ par heure d'absence", écrit le site de l'administration française.
Toutefois, il existe une exception. Dans la fonction publique territoriale, si un agent s'est déclaré gréviste, il peut être obligé de faire grève pendant toute la durée de son service, si son départ en cours de route "peut entraîner un risque de désordre manifeste", selon service-public.fr.
En cas de grève, la retenue est calculée sur l'ensemble de la rémunération, en incluant les éventuelles indemnités et primes (à l'exception du supplément familial de traitement), précise la même source. Les primes versées annuellement sont également amputées.
Dans la fonction publique hospitalière, certaines structures doivent assurer un service minimum. Dans ce cas, les agents qui veulent faire grève doivent prévenir leur administration à l'avance. C'est le directeur d'établissement qui organise ce service minimum. Il peut aussi obliger un agent gréviste à reprendre le travail afin d'assurer la permanence des soins. Enfin, certains agents peuvent être réquisitionnés "en cas de grève portant gravement atteinte à la continuité du service public ou aux besoins de la population", selon le site du service public. La réquisition est décidée par le préfet et peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif.
Dans la fonction publique territoriale, le droit de grève est également restreint dans certains secteurs : il s'agit de la collecte et du traitement des ordures ménagères, des transports publics, de l'aide aux personnes âgées et handicapées, des crèches, de l'accueil périscolaire et de la restauration collective et scolaire. Un préavis de grève doit être déposé et les agents doivent informer l'administration de leur intention de faire grève au moins 48 heures à l'avance (dont au moins un jour ouvré).
Dans la fonction publique d'Etat, une heure de grève coûte une journée de salaire
Ils sont l'exception. Pour les agents de la fonction publique d'Etat, une grève d'une heure ou d'une demi-journée se soldera toujours par une journée de salaire en moins. Même si la durée de grève est inférieure à une journée complète, "l''absence de service fait donne lieu à une retenue égale à 1/30e de la rémunération par jour de grève", informe le site du service public. Comme pour les agents de la fonction publique hospitalière et territoriale, la retenue est calculée sur l'ensemble de la rémunération, indemnités et primes incluses.
A noter que certains agents de la fonction publique d'Etat n'ont pas le droit de faire grève, comme les policiers, gendarmes et CRS, les militaires, les gardiens de prison, les magistrats et les agents des transmissions du ministère de l'Intérieur (chargés du bon fonctionnement des appareils informatiques, de surveillance et de conservation des données), selon le site vie-publique.fr.
Certains tentent toutefois de contourner l'interdiction. Comme lorsqu'en 2019, des policiers avaient effectué des contrôles très scrupuleux au péage du Boulou, dans les Pyrénées-Orientales, occasionnant de nombreux bouchons. Ils souhaitaient ainsi exprimer leur opposition à la remise en cause de leur statut, comme le rapportait France 3.
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