Cet article date de plus d'un an.

Reportage "Tout était prêt..." : ces agriculteurs proches de la retraite qui doivent repousser la transmission de leurs exploitations

Pour les agriculteurs proches du départ en retraite, les nouvelles dispositions bousculent leur calendrier de transmission, réfléchi sur plusieurs années. C'est le cas de ces deux exploitants en Loire-Atlantique que franceinfo a rencontrés.
Article rédigé par franceinfo - Loriane Delanoë
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Marie Durand, éleveuse de bovins en Loire-Atlantique. (LAURIANE DELANOË / FRANCEINFO)

Marie Durand a le moral au fond de ses bottes, au milieu de ses vaches laitières à Montbert, au sud de Nantes. Comme beaucoup d'opposants à la loi de réforme des retraites, elle attend les conclusions du Conseil constitutionnel avec impatience, car les nouvelles dispositions bousculent tout son calendrier de transmission, réfléchi sur plusieurs années. "J'ai 60 ans cette année et ça ne me réjouit pas", confie-t-elle, alors que la réforme repousse son départ de neuf mois. L’agricultrice prépare depuis un an déjà la transmission de son exploitation à son salarié. "En agriculture, et particulièrement avec une exploitation comme celle-ci, les dernières années sont les plus dures, explique-t-elle. Au niveau physique d'abord, on fatigue plus. Moi, ce sont mes mains qui me lâchent après toutes ces années de travail ..." Marie a déjà été opérée d’un pouce, car elle n’arrivait plus à effectuer le geste de pincer, ni à traire ses vaches. "Mais ce sont aussi les deux années dont on a besoin pour faire les démarches de transmission d'une exploitation", précise-t-elle.

"On se projetait déjà avec mon éventuel futur repreneur, on commençait à préparer les choses ... Pour lui, c'est un problème parce qu'il a une année de plus à attendre."

Marie Durand, éleveuse de bovins en Loire-Atlantique

à franceinfo

Marie Durand avait trouvé un repreneur potentiel pour son exploitation. Il aura "une année de plus à attendre", déplore-t-elle. (LAURIANE DELANOÊ / FRANCEINFO)

Le repreneur potentiel de l'exploitation de Marie Durand s'appelle Guillaume, il a 27 ans et il ne manque pas d'idées d’investissements, par exemple pour adapter la ferme aux sécheresses. Des projets reportés, comme la retraite de sa patronne. "La réforme des retraites pour moi, ça retarde le moment où je serai pas à la tête de l'exploitation, regrette-t-il. Donc les changements que je voulais amener, ce sera pour plus tard. C'est gênant pour Marie, mais ça l'est aussi pour moi qui ai envie de voler un peu de mes propres ailes et de gérer la ferme." Directement concernée, l'agricultrice, adhérente à la Confédération paysanne, a participé aux manifestations contre la réforme à Nantes.

Certaines exploitations craignent pour leur santé financière

L'exploitation de Marie Durand va tenir sur son modèle économique actuel, mais d’autres agriculteurs proches de la retraite s’inquiètent pour leur trésorerie. C'est le cas d'Alain Rey, apiculteur qui possède 250 ruches réparties dans le parc naturel de Brière. Cette année, il a 60 ans lui aussi, et une saison de plus à vivre au rythme des abeilles. Son repreneur potentiel, âgé de 22 ans, devait arriver l’hiver prochain après avoir terminé sa formation d'apiculteur pour une année de transmission. Mais le jeune homme acceptera-t-il d’être d’abord salarié ? Et si oui, comment gérer les comptes ? "Il va falloir dégager deux salaires, chose qu'on n'avait pas prévue dans notre budget", s’inquiète Alain Rey.

Alain Rey, apiculteur à Brière, et la saisonnière qu'il emploie pour les six mois de plus forte activité. (LORIANE DELANOË)

Aujourd'hui, l'apiculteur embauche une saisonnière pour les six mois de l'année où son activité est la plus intense. Mais Alain ne pourra plus avoir recours à elle s'il fait travailler son futur repreneur comme salarié de l'exploitation. "Cela veut dire qu'au moment où je devrais être en transmission, je vais plutôt m'occuper de notre survie ... Tous les matins, on se lève et on se demande : qu'est-ce qu'il me reste comme trésorerie ? Quelles sont les priorités ? Alors que tout était prêt... Je devais changer de véhicule par exemple, je ne vais pas pouvoir le faire. Ce sont toutes ces choses-là qui sont remises en cause." Toutes ces raisons ont poussé Alain Rey à réclamer lui aussi le retrait de la réforme lors des manifestations de Saint-Nazaire. En attendant, il continuera donc de sillonner le parc de Brière, de ruche en ruche, à bord de son vieux camion noir tout rayé.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.