Autoroute A69 : où en sont les multiples recours juridiques des opposants au projet ?

Article rédigé par Zoé Aucaigne
France Télévisions
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Des opposants au projet d'autoroute A69 à Toulouse (Haute-Garonne), le 21 avril 2024. (MAXIME LEONARD / HANS LUCAS / AFP)
Plus de vingt procédures ont été déposées contre la voie rapide en construction, qui doit relier Toulouse à Castres. Les militants espèrent obtenir gain de cause avant la fin de l'année.

"No macadam". Les opposants au projet d'autoroute A69, qui doit relier Castres à Toulouse, se mobilisent à nouveau samedi 8 juin. Ils ont décidé de défier le ministre de l'Intérieur, qui a demandé mardi l'interdiction de cette manifestation à la préfecture du Tarn. Plus de soixante organisations, dont Les Soulèvements de la Terre, Extinction Rebellion Toulouse et La Voie est libre, dénoncent un projet "écocidaire", contraire à la préservation de la biodiversité et à l'objectif de neutralité carbone.

A l'image des manifestations qui s'enchaînent, les opposants ont déposé pléthore de recours juridiques contre l'infrastructure, qui doit sortir de terre en 2025. Référés, recours pour l'annulation du projet, plaintes au pénal... Plus de vingt actions juridiques ont été menées depuis le lancement du chantier, selon un document du collectif La Voie est libre consulté par franceinfo. Où en sont ces procédures ? Combien ont été rejetées et lesquelles sont toujours en cours ? Franceinfo fait le point sur la bataille juridique contre l'A69. 

Des recours en référé n'ont pas abouti

Depuis le lancement des travaux en mars 2023, une vingtaine d'associations ont déposé neuf recours en référé devant le tribunal administratif, selon la préfecture du Tarn. Cette procédure d'urgence permet au juge de suspendre immédiatement l'exécution d'une décision administrative (dans ce cas, l'autorisation des travaux) s'il y a un doute sur sa légalité. Dans leurs recours, les opposants ont dénoncé plusieurs points dont l'abattage d'arbres le long du tracé, la destruction d'espèces protégées et de leur habitat ou l'usage de drones pour la surveillance du chantier. 

Une opération vaine, car le tribunal administratif de Toulouse a rejeté toutes ces requêtes en référé, tout comme le Conseil d'Etat lorsqu'il a été saisi en dernier ressort. Les instances ont estimé "qu'aucun des moyens invoqués par les requérantes n'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté" préfectoral.

Gilles Garric, membre de La Voie est libre, reconnaît que "dans ce type de dossier, le référé a peu de chances de fonctionner, car c'est le jugement de l'évidence". "S'il y a un éléphant dans un magasin de porcelaine, le juge voit tout de suite qu'il y a une erreur grossière dans la procédure, donc il suspend l'acte d'autorisation", illustre Julien Bétaille, maître de conférences en droit public à l'université de Toulouse 1 et spécialiste du droit de l'environnement. "Mais si on doit débattre sur les détails du droit, il ne va pas prendre de risques." 

Un jugement sur le fond attendu avant la fin de l'année

Des associations ont également déposé des recours sur le fond, c'est-à-dire qu'au-delà de la suspension des travaux, ils espèrent l'annulation de la décision préfectorale autorisant le lancement du projet, et donc l'arrêt définitif du chantier. Le juge administratif doit étudier ces requêtes avant la fin de l'année, selon La Voie est libre. "C'est une bonne nouvelle, car le jugement interviendra assez rapidement", explique Gilles Garric. Cela signifie aussi que l'audience se tiendra avant la fin des travaux, qui doivent courir jusqu'à fin 2025.

"On aura donc un argument de plus pour dire qu’il n’est pas trop tard."

Gilles Garric, membre du collectif La Voie est libre

à franceinfo

Dans le viseur des associations : l'autorisation environnementale accordée par les autorités à Atosca, la société en charge des travaux. "Cette procédure oblige l'entreprise à étudier les effets de son projet sur l'environnement avant sa mise en œuvre", explique Julien Bétaille.

Les requérants considèrent entre autres qu'aucune alternative à l'autoroute n'a été étudiée et accusent l'enquête auprès du public, menée en amont, d'être biaisée. "Seules les communes situées sur le tracé ont donné leur avis, alors que le projet va avoir un impact plus large sur le territoire. Le reste de la population n'a pas eu le temps, ni l'information nécessaire pour se prononcer", considère Gilles Garric.

Des accusations que Maxime-Yasser Abdoulhoussen, directeur du projet de l'A69 auprès de la préfecture du Tarn, balaie d'un revers de main : "Une enquête publique est un exercice de concertation très cadré. Nous avons suivi le mode opératoire requis et la commission d'enquête a assuré que les conditions de consultation ont été satisfaisantes." Concernant l'étude des autres options à l'autoroute A69, le responsable dément là encore avoir ignoré cette partie, précisant qu'en 2021, "le Conseil d'Etat a estimé que l'étude était suffisante".

Un recours contre la répression des opposants rejeté 

Les rassemblements de ces derniers mois contre le projet ont été le théâtre d'affrontements entre manifestants et policiers. En réaction, six collectifs ont par exemple déposé une plainte mi-février pour la mise en danger volontaire de la vie d'autrui après l'intervention des forces de l'ordre sur la zone à défendre (ZAD) de la Crem'arbre. 

Mais sur ce terrain, les opposants à l'A69 ont déjà essuyé un revers devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en mars : la juridiction a rejeté leur requête contre l'Etat français, alors qu'ils protestaient contre les méthodes employées par les forces de l'ordre pour les déloger des arbres dans le Tarn.

Des plaintes pour atteinte à l'environnement

Des plaintes au pénal pour dénoncer les atteintes du projet à l'environnement se greffent aux dossiers déjà en cours. Mi-mars, La Voie est libre a déposé une plainte pour destruction d'espèces protégées. "Nous n'avons toujours aucune nouvelle du parquet de Toulouse", assure le collectif. Trois autres associations environnementales ont, de leur côté, porté plainte pour pollution de l'eau sur le chantier. Selon elles, Atosca pollue les nappes phréatiques par sa gestion des eaux pluviales et souterraines.

A toutes ces actions judiciaires s'ajoutent un signalement au Parquet national financier (PNF) pour prise illégale d'intérêt, une plainte auprès de la Commission européenne pour irrespect des engagements de la France sur les émissions de gaz à effet de serre et un recours gracieux sur le contrat de concession avec Atosca.

Pourquoi multiplier ces recours ? "Ce sont les seuls outils qu'on peut continuer à utiliser, reconnaît Claire Dujardin, une des avocates des collectifs, auprès de France 3. Nous essayons de constater toutes les infractions, de ne pas laisser passer des éléments à charge pour démontrer l'illégalité du chantier." De son côté, Maxime-Yasser Abdoulhoussen assure respecter le droit au recours et estime qu'il "faut tenir compte des contestations", avant d'insister : "Un projet de voirie routière, ça peut paraître contradictoire sur le plan des émissions de gaz à effet de serre. Mais en attendant, on va avoir besoin d'infrastructures de transport."

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