Enquête sur Ecomouv' : retour sur l'affaire en quatre actes
La justice a rouvert une enquête préliminaire sur les conditions d'attribution du contrat liant l'Etat à Ecomouv' chargée de la collecte de l'écotaxe. Francetv info revient sur la polémique autour de cette entreprise.
Depuis lundi 4 novembre, la crise de l'écotaxe tourne au scandale d'Ecomouv', du nom de la société chargée de la collecte de cette future taxe. Alors que la majorité et l'opposition se renvoient la balle dans ce dossier, un nouveau rebondissement vient alimenter la polémique. Le procureur de la République de Nanterre, Robert Gelli, a décidé mercredi de rouvrir une enquête préliminaire sur les conditions d'attribution du contrat liant l'Etat à Ecomouv'. Francetv info revient sur cette affaire en quatre actes.
Acte 1 : la signature d'un contrat juteux
Après un appel d'offres pour la mise en place du dispositif de l'écotaxe, l'Etat se lie en octobre 2011 avec Ecomouv' par un partenariat public-privé (PPP), avec l'accord de la ministre de l’Environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, de la ministre du Budget, Valérie Pécresse, et du ministre de l’Economie, François Baroin. Le contrat prévoit de confier la réalisation, la maintenance et l'exploitation du dispositif à Ecomouv' pour une durée de treize ans. Le consortium, créé pour l'occasion, regroupe autour du groupe italien Autostrade plusieurs sociétés françaises comme Thales, SFR et la SNCF.
En échange de ses obligations, Ecomouv' doit toucher 250 millions d'euros par an, soit environ 20% des recettes attendues de l'écotaxe, estimées à 1,1 milliard par an. Un gain qui se révèle supérieur à des contrats similaires dans plusieurs pays voisins. En Allemagne, par exemple, le coût de la collecte représente 13% des recettes totales, selon L'Expansion. Par ailleurs, le contrat prévoit le versement d'un milliard d'euros à Ecomouv' si l'Etat décide de le résilier.
Acte 2 : des soupçons d'irrégularités
Dès 2011, la Société des autoroutes du Nord de la France (Sanef), qui a perdu l'appel d'offres, saisit la justice pour faire annuler le marché, rapporte France Info. La société évoque un possible conflit d'intérêts, vu les liens commerciaux entre Autostrade et Rapp Trans AG, un cabinet de conseil suisse qui a travaillé avec l'Etat français sur l'écotaxe. Le tribunal administratif donne alors raison à la Sanef, mais le Conseil d'Etat juge pour sa part que "le préjudice n'est pas de nature à justifier l'annulation de l'appel d'offres", rappelle Le Parisien.
Mediapart (lien payant) revient également sur les conditions troubles de l'appel d'offres, évoquant des critères imprécis et modifiés en cours de route par l'Etat. Il existe également des soupçons de corruption, toujours selon Le Parisien, avec notamment l'intervention d'un cabinet d'avocats qui a proposé à la Sanef de l'aider à obtenir le contrat en échange d'une rétribution. Une enquête préliminaire est confiée dès 2011 au parquet de Nanterre, mais ce dernier classe l'affaire en octobre 2013.
Acte 3 : la récupération politique
Depuis le début de la semaine, la gauche multiplie les déclarations contre le contrat Ecomouv'. "Il faut dénoncer ce contrat et il faut faire une enquête", lâche lundi Eva Joly. Le lendemain, les sénateurs socialistes approuvent la création d'une commission parlementaire chargée d'enquêter sur le contrat. Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, évoque pour sa part la nécessité de "revoir toute la logique du contrat", via une "négociation très serrée" avec Ecomouv', qui "ne s'est pas acquitté de ses responsabilités".
Dans un premier temps, la droite se montre embarrassée par ce contrat passé par le gouvernement Fillon, et les divisions resurgissent, comme le rappelle Le Figaro. Puis l'opposition resserre les rangs en dénonçant une manœuvre du gouvernement Ayrault pour détourner l'attention des manifestants bretons. "C'est un écran de fumée", dénoncent tour à tour le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, et le président de l'UMP, Jean-François Copé.
Acte 4 : la justice rouvre l'enquête
Le parquet de Nanterre décide donc, mercredi, de rouvrir le dossier. "Au vu de certaines choses dites récemment, j'ai décidé de (…) rouvrir [l'enquête]. Il s'agit de savoir s'il y a eu dans l'attribution du contrat des éléments de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement qui doit prévaloir dans les marchés publics", a indiqué le procureur Robert Gelli.
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