"Gilets jaunes" : à quoi faut-il s'attendre pour la 18e journée de mobilisation, annoncée comme "mémorable" par les manifestants ?
En quête d'une remobilisation dans la rue, les manifestants veulent marquer les esprits samedi avec une journée présentée comme un "ultimatum" au président Macron.
Ils jouent leur va-tout. Au lendemain de la fin du grand débat national et à l'occasion des quatre mois du mouvement, les "gilets jaunes" veulent marquer les esprits, samedi 16 mars, avec une 18e journée de mobilisation au niveau national présentée comme un "ultimatum" à Emmanuel Macron.
Depuis plusieurs semaines, cette date est annoncée comme un rendez-vous important, avec un appel à converger vers Paris pour renouer avec les démonstrations de force des premiers week-ends, alors que le nombre de manifestants a chuté ces dernières semaines. Voici à quoi il faut s'attendre.
Une journée d'action concentrée à Paris
Dès le soir de la 17e journée de mobilisation, Eric Drouet, l'une des figures du mouvement, appelait sur YouTube à se rassembler à Paris pour le 16 mars : "Maintenant, on va passer aux choses sérieuses : l'acte 18 arrive et ça, Macron, tu peux te méfier parce que ça va être un regain de mobilisation. Il va y avoir un seul point de convergence pour ceux qui peuvent : ça va être Paris." Objectif : faire venir le plus de monde possible après le plus bas niveau de mobilisation atteint samedi 9 mars. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, 28 600 manifestants avaient été recensés dans toute la France, contre 282 000 le 17 novembre.
Il va y avoir beaucoup de personnes, il ne va pas falloir lâcher. (...) On attend les Toulousains avec impatience, les Bordelais, les Marseillais, les Rouennais...
Eric Drouetsur YouTube
"A Paris le 16 mars, et partout ailleurs en France par la suite, quelle plus belle saison que le printemps pour reprendre pied sur terre ?", peut-on lire dans un texte intitulé "Ultimatum" et publié le 10 mars sur le site Lundi.am. Dans la capitale, cette date symbolique coïncide avec la "Marche du siècle" pour le climat, la "Marche des solidarités" contre les violences policières et une journée d'action des forains.
Du côté des "gilets jaunes", plusieurs événements Facebook ont été créés, dont un intitulé "Acte 18 - Ultimatum - La France entière à Paris", ainsi que des pages pour organiser covoiturages et hébergement depuis la province. "Ils s'organisent pour partir tous à Paris, en train ou en covoiturage, confirme une source locale des renseignements territoriaux à franceinfo. Ils y vont pour faire le nombre." Les services anticipent un très fort regain de mobilisation.
Des rendez-vous ont été donnés dès le matin, à 10 heures, aux abords de plusieurs gares, de la place du Chatelet, sur les Champs-Elysées...
Des appels à en finir avec le "pacifisme"
"Attendre aura été notre seule erreur, depuis toujours. Et nous convaincre d'attendre, tout l'art des gouvernants", prévient le mouvement dans le texte publié sur Lundi.am. Plusieurs figures des "gilets jaunes" ont laissé entendre qu'il fallait en finir avec le "pacifisme". "Cela fait 17 semaines que je prône le pacifisme, que je dis à tout le monde que je ne suis pas pour la violence. J'ai fait des appels au calme. Le 16, il va se passer ce qu'il va se passer. J'en ai plus rien à foutre", a déclaré Maxime Nicole dans un Facebook live diffusé dans la nuit de dimanche à lundi.
Je n'appellerai pas à la non-violence, je n'appellerai pas à la violence, je n'appelle plus à rien. Pendant dix-sept semaines, on a essayé, de façon majoritairement pacifique, de faire reprendre la raison [au gouvernement] et ils n'ont pas voulu nous écouter.
Maxime Nicolesur Facebook
"Samedi, ils se démerdent et ils subiront les conséquences de 17 semaines de foutage de gueule", a-t-il ajouté. Et de prévenir : "Ça risque d'être mémorable."
"L'acte 18 doit marquer la fin des manifestations et le début des vrais samedis jaune !", prône de son côté Eric Drouet sur YouTube. "Le samedi 16, je resterai le temps qu'il faudra sur les Champs-Elysées et l'Arc de Triomphe. Après faudra penser à autre chose", a-t-il poursuivi. Même tonalité du côté de Priscillia Ludosky, pourtant plus modérée. Selon des propos rapportés par Le Journal du dimanche, elle se dit maintenant prête à étudier l'idée "de solutions non-violentes, mais radicales, précises, ciblées pour avoir la pleine attention attendue".
Signe d'un retour à l'ambiance des premiers rassemblements, seule une manifestation de "gilets jaunes" a été déclarée auprès de la préfecture de police de Paris. Dans un communiqué, celle-ci dit craindre le retour des "cortèges 'sauvages" et "de nombreux activistes violents".
Il y a des indications qui portent à une certaine inquiétude sur des ultraviolents qui pourraient se mobiliser.
Christophe Castanerlors d'une conférence de presse
Un constat réalisé par le ministre de l'Intérieur, lors d'un déplacement au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie à Saint-Astier. Selon un haut gradé des renseignements de la gendarmerie joint par franceinfo, les appels à la violence les plus marqués pour la journée du 16 mars émanent surtout de l'ultragauche.
Des actions en région, notamment à Bordeaux
Malgré le mot d'ordre de se rassembler majoritairement dans la capitale, des actions sont aussi prévues dans plusieurs villes en régions. "Le 16 mars, il faut sortir. (...) Sortez, sortez, sortez le 16 mars", a encouragé le député François Ruffin. L'élu de La France insoumise a affirmé qu'il serait présent à Paris et à Dions (Gard), "le gros point de rassemblement du sud de la France". Selon nos informations, le ministère de l'Intérieur aura également un œil sur la mobilisation à Bordeaux, Dijon, Caen et Montpellier.
A Bordeaux, l'organisation d'un concert regroupant deux formations musicales issues de l'ultradroite inquiète les autorités, selon Rue89 et France Soir. Contactée par franceinfo, la préfecture de Gironde affirme que le lieu précis du concert ne serait connu qu'au dernier moment. Les autorités assurent aussi que les services de police seront particulièrement vigilants pour éviter toute confrontation entre l'extrême droite et l'extrême gauche. Dans un communiqué, SOS Racisme s'indigne de l'organisation de ce concert "par un groupuscule d'extrême droite, soutien du mouvement Bastion Social, qui a pourtant été dissous du fait de la violence de leurs actions".
Un dispositif de sécurité revu à la hausse
Pour faire face à cette nouvelle journée de mobilisation qui s'annonce chargée, le dispositif de sécurité a été revu à la hausse par rapport aux samedis précédents et atteindra les niveaux du mois de décembre, notamment la journée du 8, où 89 000 policiers et gendarmes avaient été mobilisés. Selon nos informations, 38 compagnies de CRS (sur 60) et 61 escadrons de gendarmes mobiles (sur 108) seront affectés au maintien de l'ordre sur tout le territoire, en dehors de la zone couverte par la préfecture de police de Paris. Dans la capitale, plus de 5 000 membres des forces de l'ordre seront mobilisés, selon la préfecture.
La circulation et les rassemblements seront interdits sur le secteur bas des Champs-Elysées, de la Concorde, de l'Elysée et de la place Beauvau. L'Assemblée nationale et ses abords, ainsi que le secteur Varenne-Grenelle, où siègent l'Hôtel de Matignon et de nombreux ministères, "feront l'objet d'une présence policière renforcée". Comme chaque samedi, des contrôles routiers seront effectués aux péages d'entrée en Ile-de-France et des contrôles d'identité, avec fouilles des sacs, seront pratiqués dans les gares et les transports en commun.
La préfecture précise que six blindés de la gendarmerie et des engins de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris seront déployés en renfort. "Il est important de montrer qu'il y a aura toujours un dispositif à la hauteur", analyse une source policière auprès de franceinfo.
Le 16 mars, c'est la croisée des chemins, le point de rupture. Soit ça repart, soit c'est fini.
Un agent local des renseignements territoriauxà franceinfo
Les services de renseignement regardent déjà au-delà du 16 mars. "Le véritable indicateur, ce sera la mobilisation du week-end d'après", confie-t-on. Les leaders des "gilets jaunes" l'ont bien compris. Ils appellent à un "blocage national total" visant les raffineries, ports et autres infrastructures économiques dans les prochaines semaines.
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