"Gilets jaunes" : Eric Drouet peut-il être condamné pour son appel au "soulèvement" après la blessure de Jérôme Rodrigues ?
En réponse à l'hospitalisation d'un de ses proches, atteint à l'œil samedi, Eric Drouet a appelé "à un soulèvement sans précédent".
"Encore un œil crevé, un de trop". Dans un communiqué publié samedi 26 janvier, Eric Drouet, l'une des figures des "gilets jaunes", confie son ras-le-bol après la blessure à l'œil d'un de ses proches, Jérôme Rodrigues, lors du 11e samedi de mobilisation à Paris. Pour lui, cet incident ne peut "s'agir d'une erreur". Il déclare ainsi "l'état d'urgence du peuple" face aux forces de l'ordre et appelle "à un soulèvement sans précédent, par tous les moyens utiles et nécessaires, pour que plus personne ne soit victime de ces blessures de guerre".
Eric Drouet publie un communiqué menaçant suite à la blessure de Jérôme Rodrigues: "Nous appelons à un soulèvement sans précédent par tous les moyens utiles et nécessaires" pic.twitter.com/A12vWvfCe5
— Vincent Glad (@vincentglad) 26 janvier 2019
Mais cet appel au soulèvement peut-il tomber sous le coup de la loi ? En la matière, c'est l'article 433-10 du Code pénal qui s'applique. Il stipule que "la provocation directe à la rébellion, manifestée soit par des cris ou des discours publics, soit par des écrits affichés ou distribués, soit par tout autre moyen de transmission de l'écrit, de la parole ou de l'image, est punie de deux mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende".
"Mais là, la provocation passe par un communiqué de presse publié sur un réseau social", éclaire Chloé Tourre, avocate pénaliste jointe par franceinfo. C'est donc l'article 24 de la loi sur la liberté de la presse qui s'applique". Le texte prévoit jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour toutes "destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes" provoquées par un appel diffusé par voie de presse ou "tout autre moyen de communication".
Ne pas tomber dans "l'opportunisme judiciaire"
Toutefois, Eric Drouet reste très flou dans son communiqué, sans nommer explicitement un lieu ou des personnes. "Il n'y a rien de clair dans ce communiqué, résume Chloé Tourre, il n'y a aucun prosélytisme". Contacté par franceinfo, Romain Profit, avocat au barreau de Paris, met en avant "l'interprétation stricte de la loi pénale". "C'est un principe essentiel du droit répressif, qui impose de caractériser les propos précis qui incitent autrui à commettre des atteintes à l'intégrité physique, des dégradations, des destructions...", explique-t-il. Or, selon lui, l'expression "soulèvement sans précédent" utilisée par Eric Drouet ne permet pas de caractériser le délit. "Il pourrait très bien être pacifique", note-t-il.
Le contexte actuel et le rôle d'Eric Drouet dans le mouvement des 'gilets jaunes' donnent une coloration violente à ces propos, à tout le moins, ils la sous-entendent. Mais le droit pénal, ce n'est pas le sous-entendu.
Romain Profit, avocat au barreau de Parisà franceinfo
Selon ces deux avocats, il serait donc difficile de condamner Eric Drouet après cet appel à l'insurrection. Selon Romain Profit, de tels propos dans la bouche de quelqu'un d'autre ne choqueraient pas. "Lorsqu'Eric Drouet écrit 'Citoyens, formez vos bataillons', il cite La Marseillaise, mais c'est un passage également chanté par les footballeurs, sans que cela pose problème", ajoute-t-il. "Il ne faut pas tomber dans l'opportunisme judiciaire, prévient-il. Si on en parle, c'est parce qu'il s'agit d'Eric Drouet et parce que nous sommes dans un contexte singulier".
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