"Gilets jaunes" : un polytechnicien visé par une plainte pour avoir manifesté en uniforme
Régis Portalez avait revêtu son uniforme et son chapeau bicorne, le 1er décembre à Paris, lors d'une manifestation, pour réclamer plus de "justice sociale et fiscale".
"Le policier qui m'a reçu était aussi surpris que moi." Un ancien étudiant de l'Ecole polytechnique a annoncé, lundi 11 mars, sur Facebook, qu'il était visé par une plainte "pour port illégal d'uniforme au cours d'une manifestation politique ou syndicale". La prestigieuse école d'ingénieurs lui reproche d'avoir pris part à une manifestation des "gilets jaunes", le 1er décembre dernier à Paris, en tenue de polytechnicien.
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— RePopulus (@PopulusRe) 1 décembre 2018
Ce jour-là, Régis Portalez, 34 ans, enfile son uniforme et son chapeau bicorne avec un objectif "clair" : "montrer que parmi les 'élites' de ce pays, dont les polytechniciens sont une figure visible et encore respectée, il y en a qui sont prêts à s'engager dans un tel mouvement populaire pour la justice sociale et fiscale". Il se rend sur les Champs-Elysées, là même où défile, chaque 14 juillet, une délégation d'élèves de Polytechnique. "J'ai fait le tour de l'Arc de triomphe, loin des barricades, en restant avec les gens qui observaient", précise-t-il à franceinfo.
Avant de partir de chez lui, ce père de famille "précautionneux" dit avoir pris soin de se renseigner sur les risques éventuels d'un tel défilé en tenue. "J'ai trouvé des interdictions concernant les militaires et les policiers, mais rien qui ne correspondait à mon cas, à savoir les uniformes d'élèves, assure-t-il. Je sentais bien que ça ne plairait pas aux anciens élèves, mais je n'ai jamais pensé que c'était illégal."
Un délit passible d'un an de prison ?
En février, coup de fil de la police. "J'ai appris qu'une plainte avait été déposée contre moi et j'ai dû aller déposer au commissariat, dans le cadre d'une audition libre", raconte Régis Portalez. En creusant la question, cet ingénieur en informatique découvre l'existence d'un article du Code pénal prévoyant une peine d'un an de prison et 15 000 euros d'amende pour le fait, "publiquement et sans droit, de porter un costume, un uniforme ou une décoration réglementés par l'autorité publique".
"Il y a probablement un fondement à la plainte", reconnaît le trentenaire, qui dit toutefois s'attendre à un classement sans suite ou à un rappel à la loi. "J'aimerais surtout avoir des nouvelles de l'école", insiste celui qui est sorti de Polytechnique en 2010. Il dit avoir contacté la direction, en vain, d'où son choix de révéler l'existence de la plainte.
Sollicitée par franceinfo, l'institution confirme la procédure. "Le commandement militaire de l'Ecole polytechnique a décidé de porter plainte le 5 décembre 2018", déclare le directeur de la formation humaine et militaire, le colonel Bertrand Leduc. Ce dernier précise que "le port de l’uniforme par des anciens élèves polytechniciens est soumis à des règles strictes, sur lesquelles [Régis Portalez] s'est engagé, et n'est autorisé que lors de circonstances exceptionnelles".
Porter l'uniforme lors d'une manifestation à caractère politique, dans un contexte sécuritaire tendu, constitue une atteinte à la loi.
Bertrand Leducà franceinfo
Régis Portalez s'interroge sur les motivations d'une telle plainte. "Cela ne ressemble pas du tout à l'école que j'ai connue, affirme-t-il. A l'époque, elle réglait ses problèmes en interne et avait horreur que cela s'ébruite."
Soit la politique de l'école a changé, soit on lui a demandé de porter plainte. Cela pourrait venir du ministère des Armées.
Régis Portalezà franceinfo
Ce sympathisant de La France insoumise rappelle que Polytechnique est une grande école militaire sous tutelle gouvernementale. Mais de là à tenter d'influer sur le mouvement des "gilets jaunes" ? "Ce mouvement populaire a déstabilisé le pouvoir, qui a eu peur, écrit Régis Portalez sur Facebook. Alors tous les moyens sont bons pour enrayer le mouvement." Sollicité, le ministère des Armées n'a pas encore répondu aux questions de franceinfo.
Le polytechnicien dit s'inscrire dans "l'histoire républicaine très forte, et même l'histoire révolutionnaire" de son école, dont deux fondateurs "étaient membres du Comité de salut public, et un autre un ami de Robespierre". Samedi 16 mars, il sera de retour dans les rangs des "gilets jaunes", pour la quatrième fois en cinq mois. Sans son uniforme, mais avec la volonté de "réveiller les consciences politiques" de ses anciens camarades.
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