: Infographies Manifestants, blessés, interpellations, enquêtes... Quatre mois de mouvement des "gilets jaunes" résumés en chiffres
Après 17 semaines de mobilisation, un nouvel appel au rassemblement a été lancé pour samedi, lendemain de la clôture du grand débat national.
Ils entendent marquer les quatre mois de leur mouvement. Les "gilets jaunes" ont appelé à une 18e journée de mobilisation, samedi 16 mars, au lendemain de la clôture du grand débat national. Après un essoufflement et une baisse constante du nombre de manifestants, les figures de la contestation espèrent un tournant et convient "la France entière à Paris" pour lancer un "ultimatum" au gouvernement.
Combien de personnes ont manifesté depuis 17 semaines ? Combien ont été blessées, tant du côté des manifestants que des forces de l'ordre ? Combien d'interpellations, de comparutions, de condamnations ont eu lieu après les violences commises en marge des rassemblements ? Franceinfo dresse un bilan.
Dix fois moins de manifestants depuis le début du mouvement, selon la police
Chaque samedi, depuis le 17 novembre, ils battent le pavé à Paris et partout en France. Mais le nombre de manifestants a été divisé par dix entre le premier samedi de mobilisation, qui avait rassemblé 282 000 personnes, et le dernier, le 9 mars, qui n'a réuni que 28 600 contestataires, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. A partir du 29 décembre, des membres du mouvement ont diffusé leur propre comptage des manifestants sur la page Facebook "le nombre jaune", dont nous relayons les données dans l'infographie ci-dessous.
La mobilisation des "gilets jaunes" ne s'est toutefois pas limitée aux samedis. Au début du mouvement, de nombreux rassemblements ont été organisés en semaine sur tout le territoire. Au 30 janvier, le ministère de l'Intérieur décomptait 37 924 manifestations depuis le 17 novembre. Ce chiffre n'a pas été actualisé depuis, le nombre d'événements organisés les jours de semaine ayant sensiblement décru.
Onze morts, dont cinq "gilets jaunes"
Depuis le début du mouvement, onze personnes ont perdu la vie, dont cinq "gilets jaunes". Si la plupart des décès sont liés à des accidents de la route, deux ont pour origine un problème cardiaque, comme le relève CheckNews.
Une octogénaire a également perdu la vie à Marseille (Bouches-du-Rhône) après avoir été touchée au visage par une grenade lacrymogène alors qu'elle fermait les volets de son appartement. Pour les familles des victimes qui n'étaient pas des "gilets jaunes", la colère, la tristesse et un fort sentiment d'abandon se mêlent inextricablement. Ils ont témoigné dans cet article de franceinfo.
En quatre mois, 3 800 blessés, dont 2 200 côté manifestants
Depuis quatre mois, les manifestations ont fait de nombreux blessés. Selon les chiffres communiqués devant le Sénat par le secrétaire d'Etat auprès du ministère de l'Intérieur, Laurent Nunez, jeudi 7 mars, ils sont 2 200 du côté des manifestants et 1 500 du côté des forces de l'ordre, qu'il s'agisse des policiers, des gendarmes et même des pompiers.
Egalement devant le Sénat, la présidente du groupe CRCE (Communiste, républicain citoyen et écologiste), Eliane Assassi, a avancé les chiffres de "206 blessures à la tête, dont plusieurs dizaines liées à des tirs de LBD [lanceurs de balle de défense]", et "22 personnes éborgnées par ces tirs" du côté des manifestants.
Depuis le début du mouvement, plusieurs appels à l'interdiction du LBD 40 ont été lancés, notamment par le Défenseur des droits dans son rapport 2018. Le 26 février, le Conseil de l'Europe a lui-même appelé à "suspendre" son usage "dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre" en France, dans "l'attente d'une révision" de "la doctrine d'emploi des armes de force intermédiaire".
Les grenades GLI-F4 sont aussi pointées du doigt. Selon le recensement effectué par le collectif Désarmons-les, qui fait le décompte des blessés côté manifestants, cinq personnes ont eu la main arrachée par cette arme. La France est le seul pays d’Europe à l'utiliser.
Pour la "police des polices", 174 enquêtes
L'inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices", a été saisie par la justice de 174 affaires de violences policières présumées lors de manifestations des "gilets jaunes". C'est ce qu'a affirmé Christophe Castaner, mercredi 13 mars sur BFMTV. Le ministre de l'Intérieur n'a pas fourni de détails sur la nature de ces enquêtes. Mais lors de la séance de questions au gouvernement, le 12 février à l'Assemblée, le Premier ministre Edouard Philippe avait précisé que 83 des 140 investigations alors engagées concernaient des tirs de LBD. Sollicitée par franceinfo, la place Beauvau n'a pas été en mesure de fournir des données plus récentes.
Du côté de l'IGGN, l'équivalent de la "police des polices" côté gendarmerie, seules trois enquêtes ont été ouvertes. "Mais certaines enquêtes de l'IGPN concernent des gendarmes", fait-on valoir au ministère de l'Intérieur.
De 8 400 interpellations à près de 1 800 condamnations
En quatre mois, 9 000 personnes ont été interpellées en France dans le cadre du mouvement des "gilets jaunes", selon les derniers chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur à franceinfo. La plupart l'ont été pendant les manifestations. Pour savoir ce qu'il est advenu ensuite, il faut s'en référer aux chiffres cités par Edouard Philippe à l'Assemblée le 12 février. Le Premier ministre évoquait 7 500 personnes placées en garde à vue, sur 8 400 interpellations à l'époque.
Edouard Philippe a ajouté les chiffres de plus de 1 300 comparutions immédiates (CI) organisées et de 1 796 condamnations prononcées. Le nombre de condamnations est plus élevé que celui des comparutions immédiates, car une partie des condamnations ont été prononcées dans le cadre des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), qui permettent d'éviter un procès. Edouard Philippe ajoutait que 1 422 personnes étaient encore en attente de jugement.
Contactée par franceinfo, la Chancellerie ne dispose pas encore de données actualisées et consolidées jusqu'à la mi-mars, car celles-ci "doivent remonter de tous les tribunaux de France" et prendre en compte les délais d'audiencement.
A Paris, où les plus grosses manifestations ont eu lieu, la préfecture de police ne communique pas sur le nombre total d'interpellations. Depuis le 24 novembre, 2 029 personnes, dont 1 851 majeurs et 178 mineurs, ont été placées en garde à vue, selon les chiffres communiqués par le parquet de Paris à franceinfo. Parmi elles, 927 ont bénéficié d'un classement sans suite, avec un rappel à la loi pour la moitié d'entre elles. Comme l'a rélévé franceinfo, une note du procureur de la République de Paris, datée du 12 janvier, préconisait de ne lever les gardes à vue qu'après les manifestations, même si les faits étaient ténus, afin d'empêcher les interpellés de "retourner grossir les rangs des fauteurs de troubles".
Sur ces 2 029 gardés à vue à Paris, 1 005 ont été déférés devant un magistrat du parquet.
Certaines des personnes déférées ont écopé d'un rappel à la loi, d'autres ont été convoquées pour être jugées à une date ultérieure ou ont opté pour la procédure du plaider-coupable. Seuls 294 ont été jugés en comparution immédiate. Résultat : 49 relaxes ont été prononcées, 102 condamnations à des peines de prison assorties de sursis, 75 condamnations à des peines de prison ferme, 22 condamnations à des travaux d’intérêt général et 24 condamnations à des jours-amende. Le reste des prévenus jugés en comparution immédiate ont demandé un renvoi pour préparer leur procès. Ces chiffres sont donc temporaires, comme c'est le cas au niveau national.
Des "fake news" vues plus de 100 millions de fois
La mobilisation des "gilets jaunes" s'est majoritairement organisée sur internet, via les réseaux sociaux. Et en quatre mois, beaucoup de fausses informations ont circulé via Facebook. Selon une étude publiée mercredi 13 mars par l'ONG Avaaz, ces "fake news" ont été vues plus de 100 millions de fois.
L'ONG a étudié le nombre de vues et de partages des 100 "infox" les plus virales qui ont été publiées sur des groupes et comptes Facebook liés aux "gilets jaunes", du 1er novembre au 6 mars. Il en ressort que ces contenus ont été visionnés plus de 105 millions de fois et ont été partagés 4 millions de fois, d'après Avaaz.
L'ONG cite notamment une publication incluant prétendument des photos de "gilets jaunes" ensanglantés et "tabassés par les CRS", et qui a récolté 3,5 millions de vues. Alors qu'il s'agissait en réalité d'images prises en Espagne, notamment lors de la crise catalane.
Avaaz a par ailleurs calculé que la chaîne publique russe RT France, dont les vidéos des manifestations de "gilets jaunes" ont connu un grand succès au sein du mouvement, a été la chaîne la plus consultée pour ce type de vidéos, puisqu'elle a accumulé "plus du double des vues engrangées par Le Monde, L'Obs, Le Huffington Post, Le Figaro et France 24 combinés".
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