Procès du crash du vol Rio-Paris : "Je pense que j’aurais fait mieux" que les pilotes, tacle à l’audience le représentant d’Airbus
Airbus est jugé avec Air France plus de 13 ans après le crash du vol Rio-Paris, la pire catastrophe aérienne française. Les deux sociétés comparaissent pour "homicides involontaires."
Après un mois et demi d’audience, le procès du vol du crash Rio-Paris a été marqué mardi 15 novembre dans l'après-midi par un moment de grande tension entre un avocat des parties civiles et le représentant d’Airbus. Airbus comme Air France sont jugés pour "homicides involontaires" devant le tribunal correctionnel de Paris, après cette catastrophe aérienne qui a causé la mort de 228 personnes le 1er juin 2009.
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Alors que l’audience ronronne, Christophe Cail, le représentant d’Airbus âgé de 61 ans, répondant aux questions des premiers avocats des parties civiles à coup de leçons de pilotage et de jargon aéronautique, pendant 10 minutes, l’ambiance devient électrique. Alain Jakubowicz, conseil d’une centaine de proches de victimes, se lève et toise le représentant d'Airbus. À peine séparés de trois mètres, les deux hommes se regardent droit dans les yeux, le cadre d’Airbus croise les bras, il se tend. Alain Jakubowicz dévoile rapidement son jeu, mais la stratégie est efficace : faire dire clairement à Christophe Cail que la catastrophe aérienne est bien due aux erreurs de l’équipage, comme l’assure l’avionneur depuis plus de 13 ans. Sauf que depuis le début du procès le 10 octobre, Airbus ne l’a jamais dit de cette façon à l’audience.
Première attaque d’Alain Jakubowicz. "Les sondes de vitesse de l’avion sont-elles le fait générateur de l’accident ?" , demande l'avocat. Pour le pilote d’essai d’Airbus, "la réponse est non. Personne ne peut admettre qu’un simple givrage des sondes Pitot a fait crasher l’avion", le ton est donné. Entre les deux, il n’y a aucune concession. "Soyons franco, on y va", relance Alain Jakubowicz. L’accident "est-il dû à une faute de pilotage, est-ce clairement votre position ?" Devant une quarantaine de familles, le représentant d’Airbus répond, clairement. "Le fait générateur ce sont les erreurs de pilotage".
Des proches de victimes sonnés
Le coup est rude. Danièle Lamy la présidente de l’association "Entraide et Solidarité", qui a perdu son fils dans le crash, se lève. Tremblante, elle quitte la salle d’audience. Ce n’est pourtant pas fini. "On a vu que l’équipage n’a pas marché, je suis désolé…", enfonce Christophe Cail. "C’est une faute, ce n’est pas un jugement de valeur. Il ne faut pas avoir peur de dire que c’est une faute de pilotage. La vraie question c’est pourquoi ?" Des applaudissements plein d’ironie retentissent depuis le banc des parties civiles. "Champion !", s’exclame Ophélie Toulliou qui a perdu son frère dans le crash.
Imperturbable, l’homme d’Airbus, toujours les bras croisés, enfonce le clou : "Moi quand je monte dans un avion je m’attends à ce que le pilote sache gérer cette panne" de sondes. "Je pense que j’aurais fait mieux". C’est le coup de grâce pour les proches des victimes, sonnés par ces propos. Alain Jakubowicz le reprend : "À Airbus, vous êtes tellement sûrs de vos statistiques, que pour vous ce type d’accident est tellement improbable et vous vous dites que ça ne se produira pas. Dans ma conception à moi, Airbus doit prévoir que ça peut arriver. La meilleure preuve est que c’est arrivé". L’avocat ne réussit pas pour autant à déstabiliser son adversaire, mais lance une dernière pique à l’adresse d’Airbus comme d’Air France, dont le représentant assiste à l’interrogatoire de l’avionneur.
"Pour vous la faute revient donc aux pilotes, je note que l’audience prend à ce moment un autre tournant, maintenant j’attends la réaction d’Air France."
Maître Alain Jakubowiczà l'audience
Une réaction très attendue par les parties civiles qui dénoncent depuis plusieurs jours une forme de "pacte de non-agression" entre Air France et son fournisseur historique Airbus. L’avocat d’Air France, maître François Saint-Pierre intervient plus tard pendant une quinzaine de minutes. "Maître Jakubowicz a des questions qui sont des injonctions", déclare-t-il. Mais, contraint de réagir, le conseil d’Air France lâche à l’adresse d’Airbus : "nous avons été choqués et nous protestons".
Quant à cette accusation de "pacte de non-agression" dénoncé à l’endroit d’Air France et d’Airbus, maître Saint-Pierre "proteste", car pour lui "c’est faux, nous assurons librement la défense d’Air France". Une protestation également formulée par l’un des conseils d’Airbus, maître Antoine Beauquier.
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