Procès du crash du vol Rio-Paris : "Je ne sais pas vous dire", les réponses d'Airbus peinent à convaincre le tribunal
Airbus est jugé, avec Air France, pour homicides involontaires devant le tribunal correctionnel de Paris, plus de 13 ans après la catastrophe aérienne qui a coûté la vie à 228 personnes en juin 2009.
Au début de la sixième semaine du procès de la pire catastrophe aérienne française, le crash du vol Rio-Paris, Airbus prend la place d'Air France à la barre, lundi 14 novembre, pour deux jours d'interrogatoires. Les deux entreprises sont jugées pour homicides involontaires au tribunal correctionnel de Paris. Deux cent vingt-huit personnes sont mortes dans le crash en plein océan Atlantique en juin 2009. Depuis lundi après-midi, le représentant de l'avionneur fait face, tant bien que mal, aux questions des juges.
Pendant plus de quatre heures, Christophe Cail, chef pilote d'essai de 61 ans chez Airbus répond aux questions, droit comme un i dans son costume impeccable. Dès le début de l'interrogatoire, d'une voix monocorde, il assure avoir mis la sécurité au premier plan de sa carrière. Cet ancien pilote de chasse ultra expérimenté veut montrer comment l'équipage du vol Rio-Paris a enchaîné les erreurs avant de crasher l'avion dans l'océan.
"On reste un petit peu sur notre faim"
Mais devant de nombreux proches de victimes venus écouter ses explications, l'audience bascule. La juge enchaîne ses questions sur les sondes de vitesse à l'origine de l'accident. Le représentant d'Airbus perd pied : "Je ne suis pas un spécialiste", "je ne sais pas vous dire", telles sont à chaque fois ses réponses. Les questions sont pourtant essentielles : pourquoi Airbus n'a pas remplacé les sondes de vitesse alors que les incidents avant le crash se multipliaient ? La corrosion a-t-elle pu rendre ces sondes Pitot inutilisables ? Est-ce pour des raisons de coût qu'elles n'ont pas été changées ? "Sur les questions de sécurité, un accord commercial ne peut jamais tenir", répond-il.
Alors pourquoi ne pas avoir appliqué un principe de précaution lorsque les compagnies ont prévenu Airbus qu'en haute altitude le givre peut mettre ces sondes en panne ? "Air France n'a pas donné suite, on a questionné Thales". Régulièrement, il botte en touche. Alors Christophe Cail arrive-t-il à convaincre le tribunal ? Rien de moins sûr. "On reste un petit peu sur notre faim", lui lance la juge.
Un "pacte de non-agression" avec Air France ?
Le représentant d'Airbus est ensuite interrogé sur le comportement de l'équipage, seul responsable du crash selon l'avionneur. Face au tribunal, Christophe Cail n'est guère plus à l'aise. Le pilotage est pourtant son domaine, ce pourquoi Airbus l'a choisi comme représentant légal. Mais là encore, dans une leçon de pilotage très technique, ses explications sont confuses. "La règle de base", rappelle-t-il, c'est que l'équipage doit appliquer les procédures. "Il faut éviter aux pilotes de réfléchir". Selon lui, les pilotes ont trop réfléchi cette nuit du 1er juin 2009. Pourquoi l'équipage n'a pas respecté les procédures ? "Cela reste mystérieux".
"Deux -cent-vingt-huit morts !", lance énervé un proche des victimes depuis le banc des parties civiles. Les parties civiles qui ne manqueront pas d'enfoncer le clou mardi, lorsqu'elles pourront interroger ce représentant d'Airbus. On verra alors aussi si les avocats d'Air France préfèrent respecter une forme de "pacte de non-agression" dénoncé par les familles. Un pacte qui consiste à ne se lancer aucune pique, rien qui ne puisse déstabiliser l'autre dans sa défense. Un pacte qu'a respecté Airbus la semaine dernière lors de l'interrogatoire d'Air France. Les questions des avocats de l'avionneur avaient alors à peine duré deux minutes.
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