Sabotages sur le réseau TGV : où en est l’enquête ?

Trois jours après l'attaque massive ayant visé des installations de la SNCF, le trafic est revenu à la normale, lundi. L'enquête se poursuit pour trouver les auteurs des dégradations.
Article rédigé par franceinfo
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Des employés de la SNCF et des gendarmes inspectent les lieux d'un sabotage sur le réseau ferroviaire à grande vitesse à Croisilles (Pas-de-Calais), le 26 juillet 2024. (DENIS CHARLET / AFP)

Des dégradations d'une ampleur inédite sur le réseau ferroviaire français. Plusieurs axes TGV de la SNCF ont été frappés, dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juillet, par des opérations de sabotage coordonnées. Au point de paralyser une partie du pays, le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques à Paris, et alors que devait se tenir, tout le week-end, le chassé-croisé des vacances entre aoûtiens et juillettistes.

Trois jours après ces actes, le trafic est finalement revenu à la normale, lundi matin. Les enquêteurs, eux, tentent toujours de remonter la trace des auteurs des incendies dans des postes d'aiguillage. Franceinfo fait le point sur l'avancement de l'enquête. 

Une enquête centralisée par le parquet de Paris

Dès vendredi, la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), qui œuvre sous l'autorité du parquet de Paris, s'est saisie de l'enquête pour "l'ensemble des dégradations volontaires causées sur des sites SNCF". La procédure porte sur les chefs de "détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation", "dégradations et tentatives de dégradations par moyen dangereux en bande organisée", "atteintes à un système de traitement automatisé de données en bande organisée" et "association de malfaiteurs en vue de commettre ces crimes et délits".

Des techniciens en identification criminelle de la gendarmerie ont effectué, dès vendredi matin, des prélèvements sur les trois postes d'aiguillage dégradés à Courtalain (LGV Atlantique), Croisilles (LGV Nord) et Pagny-Sur-Moselle (LGV Est). Ces échantillons ont été envoyés à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. Contacté pour connaître les résultats de ces analyses réalisées en urgence, le parquet de Paris n'a, à ce stade, pas donné suite à notre demande.

Les gendarmes ont aussi pu récupérer plusieurs engins incendiaires après qu'un acte de malveillance a été déjoué sur la LGV Sud-Est à Vergigny (Yonne). Des cheminots qui menaient des opérations d'entretien durant la nuit "ont repéré des personnes et ont prévenu la gendarmerie, les mettant en fuite", avait fait savoir le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou.

La piste de l'ultragauche envisagée

Rapidement, des sources sécuritaires ont dit à France Télévisions voir dans le "mode opératoire incendiaire" identifié "celui utilisé par l'ultragauche habituellement". A ce stade, toutefois, aucun autre élément ne permet d'accréditer cette hypothèse. Pour sa part, dès samedi, le ministre de l'Intérieur démissionnaire, Gérald Darmanin, a assuré qu'"un certain nombre d'éléments" recueillis devraient permettre de savoir "assez rapidement qui est responsable", sans en dire davantage.

Lundi, le ministre a ajouté avoir "identifié un certain nombre de profils, de personnes qui auraient pu commettre ces sabotages très volontaires, très ciblés". "C'est le mode traditionnel d'action de l'ultragauche", a-t-il à son tour déclaré, tout en appelant à "être prudent". "La question est de savoir s'ils ont été manipulés ou est-ce que c'est pour leur propre compte", a avancé Gérald Darmanin, sur France 2.

La question de complicités internes au cœur de l'enquête

Le caractère coordonné de ces opérations et la connaissance du réseau qu'elles ont nécessité interrogent sur d'éventuelles complicités internes à la SNCF. Quelques heures après les faits, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a été le premier à évoquer cette piste, en filigrane, en soulignant "une forme de connaissance du réseau pour savoir où frapper". Interrogé sur la question, lundi, Gérald Darmanin s'est contenté de déclarer : "C'est manifestement extrêmement bien ciblé, ça n'a pas été fait au hasard", tout en confirmant que l'attaque avait visé des "lieux de communication extrêmement précis".

Le groupe ferroviaire reste prudent. Il "suffit de regarder une carte de France du réseau et vous voyez où sont les points de connexion entre les bifurcations de lignes à grande vitesse", a fait observer un responsable de SNCF Réseau, interrogé par Ouest-France sur le caractère sensible des zones visées.

Une interpellation "concomitante", mais "pas en lien à ce stade"

Un homme de 29 ans a été interpellé sur des voies de chemins de fer à Oissel (Seine-Maritime), dimanche, selon une source proche du dossier contactée par franceinfo lundi. Connu du renseignement territorial pour son appartenance à la mouvance d'ultragauche, il a été placé en garde à vue pour "pénétration ou circulation dans une dépendance de la voie ferrée interdite au public" et "association de malfaiteurs", a précisé le parquet de Rouen.

Cette arrestation a eu lieu "suite au signalement d'un conducteur de train qui a aperçu plusieurs individus à l'intérieur des emprises ferroviaires de la SNCF au niveau d'une armoire électrique", "qui ont pris la fuite à son passage", selon le parquet. L'une de ces personnes est revenue sur les lieux pour récupérer son véhicule, à l'intérieur duquel "divers objets et notamment plusieurs bombes de peinture ont été retrouvés". "Aucune dégradation n’a été relevée à ce stade par la SNCF", précise le parquet de Rouen.

A ce stade, cette interpellation n'est pas en lien avec les sabotages de la nuit de jeudi à vendredi, mais il y a une "concomitance qu'il faut regarder", selon une source policière jointe par France Télévisions. Les investigations se poursuivent.

Un texte de soutien aux sabotages envoyé aux médias, possible "revendication d'opportunité"

Alors que de nombreuses zones d'ombre restent à éclaircir dans ce dossier, un étrange texte est parvenu dans les boîtes mail de dizaines de rédactions, samedi, ajoutant à la confusion générale. Signé "une délégation inattendue" et adressé aux médias nationaux et internationaux, le texte apporte un soutien aux sabotages de vendredi, a confirmé le parquet de Paris à France Télévisions. Il reprend le vocabulaire de mouvements anarchistes, justifie les actions de sabotage et critique les Jeux olympiques. La compétition y est notamment comparée à "un champ d'expérimentation pour la gestion policière des foules", détaille France Bleu. Aucun détail n'est cependant apporté sur la manière dont les opérations ont été conduites.

A la suite de ce message, des vérifications ont été lancées, d'après le parquet de Paris. Ce texte "ressemble à une revendication", mais il "faut faire attention, car cela peut être une revendication d'opportunité", a mis en garde Gérald Darmanin, lundi. Une paternité erronée risquerait de conduire les enquêteurs sur une fausse piste. 

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