On vous explique pourquoi la reprise de la dette de la SNCF par l'Etat s'annonce compliquée
La reprise par l'Etat de la dette de la SNCF, qui s'élève à près de 55 milliards d'euros, est au cœur des revendications des syndicats. A elle seule, la dette de SNCF Réseau s'élève à 47 milliards d'euros. C'est une partie de ce montant que l'Etat annonce reprendre à sa charge.
Fin du suspense pour les syndicats de la SNCF. Vendredi 25 mai, la CGT, l'Unsa, SUD, la CFDT et FO ont été reçus tour à tour par le Premier ministre, Edouard Philippe. Il leur a annoncé une reprise de la dette de SNCF Réseau à hauteur de "35 milliards d'euros, dont 25 milliards en 2020 et 10 milliards en 2022", a précisé Luc Bérille, secrétaire général de l'Unsa, à l'issue de cette rencontre. Les seuls intérêts de la dette, liée en grande partie à la rénovation des lignes à grande vitesse LGV, s'élèvent à plus d'un milliard d'euros chaque année.
Sur franceinfo, le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a assuré que cette reprise se ferait sans "impôt nouveau" et sans "augmentation d'impôt". D'où vient la dette de la SNCF ? Comment l'Etat peut-il la reprendre ? Éléments de réponse.
Quel est le montant de cette dette ?
Depuis 2015, la SNCF a été scindée en deux établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic), tous deux sous l'égide du groupe SNCF. D'un côté, SNCF Mobilités, chargée du transport des voyageurs, de l'autre SNCF Réseau, qui gère les infrastructures ferroviaires.
Au total, la dette annuelle de la SNCF s'élève à près de 55 milliards d'euros et c'est SNCF Réseau, selon le rapport Spinetta sur l'avenir du transport ferroviaire, qui en concentre l'essentiel avec une ardoise de près de 47 milliards d'euros en 2017. SNCF Mobilités affiche, de son côté, une dette commerciale de 7,9 milliards d'euros rapporte Le Monde, qui s'explique notamment par les pertes causées par l'ouverture du fret à la concurrence. A cette somme, il faut ajouter des frais financiers de 1,3 milliard d'euros en 2017 qui correspondent au remboursement de cette même dette.
D'où vient-elle ?
Entre 2010 et 2016, la dette de SNCF Réseau a augmenté de 15 milliards d'euros. Cette augmentation est principalement liée au vieillissement du réseau ferré qui nécessite des dépenses d'exploitation, d'entretien et de réparation, note le rapport Spinetta.
Un quart de cette augmentation est lié aux quatre projets de lignes à grande vitesse (le prolongement vers Strasbourg de la LGV Est, celui vers Bretagne-Pays de la Loire, le contournement Nîmes-Montpellier et la LGV Sud-Est Atlantique vers Bordeaux). Selon un rapport d'information parlementaire sur la réforme ferroviaire de 2016, la construction de ces LGV est devenue de plus en plus chère. Par exemple, un kilomètre de la voie Tours-Bordeaux coûtait 23 millions d'euros en 2015, alors qu'un kilomètre du Paris-Lyon coûtait 4,9 millions d'euros en 1981. Une autre part de cette dette est engloutie par le maintien des petites lignes insuffisamment fréquentées, détaille Le Monde.
Et plus la dette grossit, plus les frais financiers gonflent : car l'entreprise doit rembourser une dette toujours plus grande et, donc, de nouveaux intérêts liés à l'augmentation des emprunts. Chaque année, SNCF réseau paie entre 1,1 milliard d'euro et 1,3 milliard de frais financiers, ce qui alourdit la dette à long terme.
Quel est le montant de la reprise de la dette par l'Etat ?
Emmanuel Macron s'est engagé, lors de son interview croisée à Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, dimanche 15 avril, à reprendre "progressivement" la dette à sa charge "à partir du 1er janvier 2020".
Emmanuel Macron:" À partir du 1er janvier 2020, l’État reprendra la dette" de la SNCF #MacronBFMTV pic.twitter.com/ystfDBiS0v
— BFMTV (@BFMTV) 15 avril 2018
Conformément à l'annonce de Jean-Baptiste Djebbari, le député LREM rapporteur du projet de loi de réforme ferroviaire, qui prévoyait une reprise "entre 30 et 35 milliards d'euros", les organisations syndicales ont confirmé une reprise à hauteur de 35 milliards après leur rencontre avec Edouard Philippe, vendredi.
Dans Le Parisien, un responsable syndical ne cache pas sa déception sur ce montant qu'il estime être "un minimum vital". "Sur le papier, c’est jouable, cela permet la création de la société anonyme, mais pas de vivre. Dans l’idéal, il faudrait reprendre 50 milliards d’euros ou au pire 45 milliards d’euros", précise-t-il.
Comment sera financée cette reprise ?
Un rapport commandé par le gouvernement en 2016, rédigé en partie par Bercy, indique qu'une reprise totale ou partielle de la dette de la SNCF par l'Etat augmenterait le déficit public au-delà des 3% du PIB imposés par les critères de Maastricht. Selon les calculs de Libération, l'année de cette reprise, la France pourrait voir son déficit augmenter de 2,1 points du PIB, soit un déficit public total supérieur à 4% cette année-là. Selon Europe 1, la dette publique du pays passerait elle à plus de 100% du PIB.
Pour éviter un dérapage des finances publiques, Edouard Philippe a indiqué mardi 24 avril dans un courrier adressé aux syndicats que la reprise de la dette "demandera un effort supplémentaire des contribuables, qui apportent déjà chaque année plusieurs milliards d'euros au financement du système ferroviaire". Mais il ne s'agit pas de créer un impôt supplémentaire, a assuré Matignon.
Invité de franceinfo le lendemain, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a précisé le propos du chef du gouvernement. "Il est évident que c'est bien l'argent du contribuable qui va payer la facture, et qui va donc payer la dette", a-t-il assuré, avant de préciser que pour autant, "il n'y aura aucune augmentation d'impôt et aucun impôt nouveau".
"Nous le ferons sans impôt, car nous le ferons en diminuant la dépense publique", a-t-il ajouté, sans préciser la part de la dette que l'Etat allait reprendre à son compte, et par conséquent l'effort qu'il devrait réaliser en matière de baisse des dépenses. "Nous verrons en 2020 à combien nous serons de déficit et de pourcentage de dette", a déclaré sur ce point Gérald Darmanin, en insistant sur le fait que le gouvernement avait tenu l'an dernier son objectif de réduction du déficit public.
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