SNCF : pourquoi les syndicats de cheminots appellent à cesser le travail jeudi et à une grève illimitée à partir du 11 décembre

Article rédigé par franceinfo
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Des cheminots de la SNCF manifestent dans les rues de Paris, le 1er octobre 2024. (FIORA GARENZI / HANS LUCAS / AFP)
Les quatre syndicats de l'entreprise appellent à un premier débrayage de 24 heures jeudi, avant un mouvement reconductible en décembre. Dans leur viseur : le démantèlement du fret et l'ouverture à la concurrence des lignes régionales, notamment.

Ils s'apprêtent à ressortir les banderoles et les mégaphones. Après une première journée de mobilisation jeudi 21 novembre, les quatre syndicats de la SNCF ont déposé un préavis de grève pour un mouvement reconductible et illimité à partir du 11 décembre. Soit à dix jours des vacances de Noël. Dans un communiqué commun, la CGT-Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT-Cheminots disent regretter le manque "d'inflexion" de la direction du groupe. Dans leur ligne de mire : le démantèlement annoncé de la filiale fret, l'éclatement de l'entreprise en filiales privées, ainsi que l'ouverture à la concurrence des lignes régionales. Mais ils cherchent aussi à peser sur les négociations salariales alors que la direction doit dévoiler ses propositions mercredi. Franceinfo vous résume pourquoi les cheminots appellent à la grève.

Ils refusent le démantèlement de la filiale fret

Les quatre syndicats représentatifs de la SNCF demandent à la direction de revenir sur sa décision de démanteler sa filiale Fret SNCF. L'entreprise leader du fret ferroviaire en France va disparaître le 1er janvier 2025 pour renaître sous la forme de deux sociétés distinctes, baptisées Hexafret pour le transport de marchandises et Technis pour la maintenance des locomotives.

Les organisations syndicales réclament un moratoire, "pour permettre aux différents acteurs de se remettre autour de la table et trouver les voies permettant de garantir non seulement la continuité de Fret SNCF, mais aussi son développement sur le plus long terme". "Ce moratoire est indispensable face à la souffrance de nos collègues du fret", font-elles valoir dans un communiqué commun. 

Pour Thomas Cavel, secrétaire général de la CFDT-Cheminots, "il doit y avoir une fenêtre de discussion qui s'ouvre pour aller vers une décision qui soit plus conforme à l'intérêt collectif".

"Nous sommes très en amont de Noël. Entre maintenant et les départs en vacances, il y a plus d'un mois et demi. C'est une chance donnée au dialogue social."

Thomas Cavel, secrétaire général de la CFDT-Cheminots

à l'AFP

"Nous avons des collègues qui ont travaillé toute leur vie, depuis 20, 25 ans, pour l'entreprise publique Fret SNCF, et le 1er janvier", tout s'arrête, regrette Julien Troccaz, le secrétaire fédéral SUD-Rail, contacté par l'AFP. "Aujourd'hui, nos collègues ne savent pas comment cela va se passer au 1er janvier. Ils savent qu'ils vont être dans des entreprises privées, mais ils ne connaissent pas leurs droits sociaux. Donc évidemment, il y a de la souffrance."

Ils sont contre l'ouverture des lignes régionales à la concurrence

Au dossier de Fret SNCF s'ajoute la privatisation des lignes régionales, les TER, Transilien et autres Intercités. A partir de mi-décembre, "plus de 1 500 cheminots seront transférés" soit chez des concurrents comme Transdev, soit "dans des filiales de droit privé que la SNCF crée alors qu'elle aurait pu faire un choix de continuité", conteste Julien Troccaz, secrétaire fédéral SUD-Rail, dans Ouest-France. Conséquence pour eux : "Ils ne bénéficieront plus du cadre social qui existe à la SNCF." Ces filiales de la SNCF ont en effet été créées pour répondre aux appels d'offres TER lancés par les régions qui ont décidé d'ouvrir leur réseau ferroviaire à la concurrence.

Plus largement, les syndicats dénoncent dans leur communiqué "une trajectoire de morcellement et de balkanisation du réseau". Ils pointent du doigt "la privatisation dans les activités TER, Transilien et Intercités" ainsi que "l'éclatement de SNCF Réseau" sous l'effet de l'ouverture à la concurrence. "La loi de 2018 a certes allégé la SNCF de 35 milliards d’euros de dettes, mais elle a aussi transformé l’Etablissement public industriel et commercial SNCF en société anonyme (SA). Cette SA, détenue à 100% par l’Etat, est elle-même actionnaire d’une multitude de sociétés, dont Fret SNCF, toutes gérées de manière indépendante", rappelle Le Monde.

Les syndicats déplorent une "stratégie de dumping social interne au groupe assumée, avec comme conséquence une atomisation des règles sociales dans les multiples PME du rail que la direction entend créer pour chaque lot ouvert à la concurrence".

Ils veulent peser sur les prochaines négociations salariales

Cette mobilisation a aussi un autre but : peser sur les négociations salariales à venir qui concernent les 150 000 cheminots. La direction doit d'ailleurs dévoiler ses propositions, mercredi 20 novembre. Ces négociations promettent d'être extrêmement difficiles : ces trois dernières années, les cheminots ont obtenu entre 5 et 6% d'augmentation par an, la direction suivant le cours de l'inflation. Pour 2025, avec une hausse des prix qui ralentit autour de 1,5%, la proposition de la direction va, de fait, être moins élevée.

"Pour préparer les esprits à cet atterrissage, la direction a mis en place, ces derniers mois, un observatoire des rémunérations et des avantages sociaux. L'idée est d'inciter les cheminots à ne pas s’arrêter au seul salaire, mais à prendre en compte l'ensemble du 'package' d’avantages (les billets gratuits, le comité d’entreprise, la mutuelle…)", explique Fanny Guinochet, spécialiste de l'économie à franceinfo.

Mais les syndicats mettent en avant les bénéfices records du TGV : 1,3 milliard d'euros en 2023. Les chiffres de fréquentation inédits ont en effet permis à la compagnie d'être bénéficiaire pour la troisième année consécutive. "La question des bénéfices réalisés par l'entreprise, en effet, ça doit revenir aux salariés. Les milliards qui vont là-dessus doivent revenir aux cheminots en matière d'augmentation générale de salaires", estime Thierry Nier, secrétaire général de la CGT cheminots, interrogé par TF1.

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