Egypte. Coptes, magistrats… Qui s'oppose à Morsi ?
Les affrontements entre partisans et opposants au président islamiste Mohamed Morsi, accusé de dérive autoritaire, sont de plus en plus violents en Egypte. Francetv info vous dit qui ils sont.
EGYPTE - Les affrontements entre partisans et opposants au président islamiste Mohamed Morsi sont de plus en plus violents en Egypte. Cinq manifestants ont été tués dans la nuit de mercredi à jeudi 6 décembre.
La population est divisée depuis le décret qui renforce les pouvoir du chef de l'Etat et un projet de Constitution qui ne protège pas les droits fondamentaux. Les détracteurs de Morsi craignent notamment une islamisation politique, avec une application plus stricte de la charia poussée par les fondamentalistes au pouvoir. Qui sont ces opposants ?
Le peuple
Une partie des Egyptiens se sent aujourd'hui trahie et divisée. Les dérives autoritaires et islamisantes du projet de loi fondamentale inquiètent une manifestante place Tahrir, qui estime sur Ahram (en anglais) que "cette Constitution viole les principes de liberté et n'a été élaborée par les Frères musulmans et les salafistes qu'à leur seul avantage". Jusqu'aux musulmans, comme Bassam Ali Mohammed, qui enseigne la charia mais reste opposé au texte adopté le 30 novembre : "L'Egypte est un pays où toutes les religions devraient vivre ensemble. J'aime la loi de Dieu et la charia, mais je voterai contre la Constitution parce qu'elle a divisé les gens", confiait-il à l'AFP.
Même la majorité silencieuse, autobaptisée "parti du canapé", sort de son inertie. "Pendant la révolution je n'ai rien fait, aux élections je ne suis pas allée voter… Mais nous sommes le peuple. Et nous ne voulons pas du règne des Frères musulmans", dit une musulmane de 40 ans à Slate Afrique.
L'opposition politique
La légitimé de Morsi, qui a remporté la présidentielle en juin (51,73%), est remise en question par cette crise. Notamment selon l'opposition qui, comme Mohamed El-Baradei, chef du Front du salut national, voit en lui un héritier de Hosni Moubarak, un nouveau "pharaon".
Car les Frères musulmans n'ont pas tenu leur promesse initiale de rédiger la Constitution en concertation avec les autres partis politiques. Ce qui a amené les élus libéraux et chrétiens à boycotter la commission constituante. Les Egyptiens sont convoqués le 15 décembre pour se prononcer par référendum sur ce projet de loi fondamentale. Mais "régler cette question en ayant recours aux urnes est un stratagème illégitime représentatif d'une démocratie biaisée", écrit El-Baradei sur son compte Twitter.
L'opposition s'est dite "prête au dialogue", mais uniquement si le président retire le décret "temporaire" qui élargit ses pouvoirs. "Si Morsi choisit de rester sur sa ligne radicale, s'il ne répond pas à nos demandes, non seulement on va continuer à occuper la place, mais en plus on va lancer un mouvement de désobéissance civile", menace Ragab al-Feizir, vice-secrétaire général du Parti libéral (opposition), interrogé par RFI.
Les chrétiens
Régulièrement victimes d'attaques et inquiets depuis l'élection d'un président islamiste, les chrétiens d'Egypte, qu'on appelle coptes, ont participé activement à la révolution qui a vu chuter Moubarak. Leur nouveau patriarche, Tawadros II, a affirmé début novembre dans la presse "qu'il rejetterait la Constitution en cours d'élaboration si celle-ci imposait aux Egyptiens un Etat islamiste", rapporte l'Agence de presse internationale catholique (Apic).
Le 17 novembre, les Eglises chrétiennes d'Egypte ont annoncé "qu'elles se retiraient de la commission chargée de rédiger la nouvelle Constitution égyptienne" que les Frères musulmans voulaient davantage basée sur la charia. Selon l'évêque auxiliaire d'Alexandrie des coptes catholiques, Mgr Botros Fahim Awad Hanna, "la majeure partie des musulmans ne partage pas cette ligne si étroite et rigide".
Les magistrats
Le Conseil suprême de la justice, la plus haute autorité judiciaire du pays, est montée au créneau, dénonçant le décret du 22 novembre comme une "attaque sans précédent contre l'indépendance du pouvoir judiciaire et ses jugements", rapporte l'AFP. D'après le blog Nouvelles du Caire, "le directeur du comité du référendum sur la Constitution, nommé par Morsi il y a deux jours", a aussi quitté ses fonctions.
Le Conseil a finalement accepté de superviser le référendum du 15 décembre, et environ 10 000 magistrats seront nécessaires pour l'organisation du scrutin. Mais une partie d'entre eux, notamment le Club des juges, ont annoncé qu'ils le boycotteraient, car ils sont eux aussi opposés au décret qui empêche toute possibilité de contester devant les tribunaux les décisions prises par Morsi.
Ses conseillers
Mercredi, trois conseillers (non islamistes) du président ont démissionné en signe de protestation. "Je présente ma démission immédiatement (…) car je n'accepte pas que ces jeunes meurent", a dit l'un d'eux, cité par l'agence officielle Mena.
L'institution égyptienne d'Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, a demandé jeudi au président de "suspendre le dernier décret et cesser de l'utiliser". Une surprise, puisque c'est notamment la mention de l'université islamique dans la Constitution qui a mis le feu aux poudres. Une clause indique en effet qu'elle pourrait être consultée pour interpréter la charia.
"Jusqu'à présent, c'était à la Haute Cour constitutionnelle de définir ce qu'étaient les principes de la charia, observe Baudouin Dupret, chercheur au CNRS et spécialiste de l'Egypte sur Le Monde. C'est la porte ouverte à des interprétations plus conservatrices ultérieurement."
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