Au Parlement européen, partie de cache-cache avec la députée qui a snobé le FN
Désormais membre du groupe de Nigel Farage et Beppe Grillo, Joëlle Bergeron se fait remarquer, à Strasbourg, par son habileté à esquiver la presse. Et par sa position désormais stratégique chez les eurosceptiques.
Qui êtes-vous, Joëlle Guerpillon-Bergeron ? La conseillère municipale de Lorient (Morbihan) a été élue députée européenne, le 25 mai, en deuxième position sur la liste du Front national dans la circonscription Ouest. Un mois plus tard, en conflit avec son parti, c'est aux côtés de formations rivales du FN qu'elle a fait sa rentrée parlementaire, du 1er au 3 juillet, au Parlement européen, à Strasbourg (Bas-Rhin). Ce ralliement aux Britanniques de l'Ukip et aux Italiens du Mouvement cinq étoiles est devenu un sujet tabou.
Impossible, durant la semaine précédant la rentrée, de joindre Joëlle Bergeron. Aucun contact possible par la mairie de Lorient ("elle n'a pas de permanence") ou sur son lieu de travail, un cabinet de commissaire-priseur à Quimper ("on ne sait pas quand elle revient"). Son téléphone portable sonne dans le vide ou atterrit entre les mains d'une personne, amie ou assistante, qui finit par suggérer l'envoi d'un SMS. Lequel est resté sans réponse.
Looking for Joëlle
Même jeu de cache-cache au sein du Parlement européen, où deux passerelles permettent d'accéder à l'hémicycle. Joëlle Bergeron manie déjà l'art de s'y fondre au milieu des autres députés. Même repérée, grâce à ses lunettes rouges, elle esquive les questions : "Je suis en retard, je n'ai pas le temps."
Ses nouveaux collègues ne sont guère plus bavards. Assis à côté de Joëlle Bergeron dans l'hémicycle, l'Anglais Bill Etheridge (Ukip) dit avoir simplement eu le temps d'échanger "quelques banalités" avec sa voisine, qu'il "apprend à connaître". L'Ecossais francophile David Coburn (Ukip) assure qu'elle "parle très bien anglais", il loue son "intelligence" et son "éducation". Mais il est bien incapable d'indiquer à quelle commission parlementaire la Française devrait siéger.
Interrogé sur Joëlle Bergeron, le leader de l'Ukip, Nigel Farage, rappelle qu'elle "est là parce qu'elle a été exclue de son parti", mais refuse d'en dire plus sur les circonstances de son arrivée au sein du groupe parlementaire EFDD (Europe of freedom and direct democracy) . Selon le site du Point, c'est la Française qui a pris contact avec cette formation pour "éviter de faire cavalier seul à Bruxelles".
"Je ne veux pas envenimer les choses"
La Française est en conflit avec le FN depuis le 26 mai, lendemain du second tour des européennes. Ses propos favorables au droit de vote des étrangers non européens lui ont été reprochés, notamment par la présidente frontiste, Marine Le Pen, qui a appelé à sa démission. Veuve du candidat historique du FN à Lorient Daniel Bergeron, Joëlle Bergeron, 65 ans (dont 42 au FN), a dénoncé un "diktat" du parti, y voyant une manœuvre pour contourner la règle de la parité et être remplacée par un homme.
C'est dans un plus petit hémicycle du Parlement que Joëlle Bergeron finit par expliquer son silence, lors d'une réunion du groupe EFDD. "Je ne veux pas envenimer les choses entre le Front national, qui a été ma famille pendant des années, et ma nouvelle famille, qui est ici", précise-t-elle, sur la défensive, à une équipe de France 3. Un mot sur ses débuts au Parlement ? "J'apprends, pour l'instant j'apprends, merci", expédie-t-elle.
Les plus prolixes sur le sujet sont finalement la présidente du FN, Marine Le Pen, et l'ancienne tête de liste frontiste dans l'Ouest, l'universitaire Gilles Lebreton. "Madame Bergeron est toujours au Front national, puisqu'elle n'a pas démissionné, affirme Marine Le Pen. Je pense que madame Bergeron s'est laissée aller à un geste de mauvaise humeur, (...) je ne perds pas l'espoir de la voir revenir au bercail."
Un dialogue renoué avec le FN
"On s'est trouvé nez à nez dans l'hémicycle, elle accepte de discuter, indique Gilles Lebreton, refusant de préciser si les discussions ont porté sur un retour effectif au FN. Dans cette affaire, dont je ne suis pas sûr de maîtriser tous les éléments, il n'y a pas eu assez de dialogue. Il faut se donner le temps de la discussion."
Mais l'affaire, justement, a son importance. En effet, un éventuel départ de Joëlle Bergeron du groupe EFDD entraînerait la dissolution de cette formation, et la fin des fonds de 20 à 30 millions d'euros qui lui sont attribués sur cinq ans, ainsi que du personnel et du temps de parole qui lui sont alloués. Le retour de Joëlle Bergeron au FN pourrait, en revanche, aider le Front national à former son propre groupe avec des alliés. "Monsieur Farage veut jouer avec une grenade dégoupillée, il faut qu'il prenne le risque qu'elle lui saute au visage", prévient Marine Le Pen.
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