Elections européennes 2024 : on vous résume l'échange épistolaire entre François Ruffin et Raphaël Glucksmann autour de l'avenir de la gauche
Un échange de longues lettres ouvertes, entre deux figures de gauche incarnant des sensibilités bien distinctes. Le député insoumis François Ruffin a fait part, vendredi 19 janvier dans une note de blog, de son "franc désaccord" avec la probable future tête de liste pour les européennes du Parti socialiste, Raphaël Glucksmann, dont il juge les propos "déconnectés et hors-sol".
Ce dernier lui a répondu, mercredi 24 janvier via son site internet, en jugeant à son tour l'insoumis "hors-sol" sur la question ukrainienne. Franceinfo vous résume le contenu de ces missives.
François Ruffin juge Raphaël Glucksmann "déconnecté" du peuple
Evoquant des appels au dialogue avec lui lancés lors de plusieurs interviews par Raphaël Glucksmann, le député de la Somme a entamé l'échange. "Sans agressivité, mais avec sincérité", l'élu LFI évoque dans sa lettre "un franc désaccord" et une "inquiétude pour l'avenir de notre camp, celui de la gauche et du progrès humain". Il reconnaît avoir apprécié chez le chef du petit parti Place publique, lors de la campagne européenne de 2019, sa "lucidité" et son "autocritique de classe", lorsque ce dernier avait regretté se sentir "plus chez lui à New York ou à Berlin, a priori, culturellement, qu'en Picardie", d'où est originaire François Ruffin.
Mais "vos propos, ces derniers temps, me paraissent pour de bon hors-sol, déconnectés, sans ancrage", a regretté ensuite le parlementaire. "Je n'y retrouve plus rien du 'retour sur soi-même", que prônait auparavant Raphaël Glucksmann, "mais au contraire tout d'une élite qui avance, avec arrogance et inconscience", ajoute le député LFI, l'accusant de souhaiter "un despotisme éclairé" et non, comme lui, "une part de démocratie plus directe".
"Quand je vous écoute, ces temps-ci, j'entends justement le gouvernement des experts, sans le peuple."
François Ruffindans une note de blog
Il y voit "un chemin inquiétant pour la gauche, même pour le centre-gauche", et "un grand bond en arrière, comme si les vingt dernières années", marquées selon lui par un sentiment de trahison d'une large part de l'électorat après le référendum sur l'Europe de 2005, "n'avaient pas compté".
François Ruffin invite également Raphaël Glucksmann à l'alliance des deux gauches qu'ils représentent. Le député LFI "ne veut pas d'un retour des 'deux gauches irréconciliables'. Ce serait la certitude de la défaite, la voie ouverte au pire". Et il déplore de voir se dessiner "une partition où chacun joue son solo, se tourne le dos : une gauche radicale qui fait tout pour effrayer, et un centre-gauche tout pour désespérer".
Pour Raphaël Glucksmann, François Ruffin est "hors-sol" sur la guerre en Ukraine
Saluant "l'opportunité d'un dialogue franc et ouvert, sans invective ni poussière sous le tapis", Raphaël Glucksmann s'étonne d'abord que François Ruffin ait "cédé aux raccourcis et aux caricatures pour [le] peindre en bourgeois 'hors sol, déconnecté, sans ancrage". Il répond aux critiques du député de la Somme sur sa vision de la démocratie, assurant que s'il est en faveur de la démocratie représentative, celle-ci "n'a rien à voir avec le régime à bout de souffle que nous avons sous les yeux en France". Il se dit par ailleurs favorable à "une plus forte dose de démocratie directe", comme les référendums d'initiative citoyenne délibératifs.
Face au désaccord du député de la Somme sur l'ouverture de l'UE à l'Ukraine, qu'il soutient, Raphaël Glucksmann regrette que François Ruffin mentionne la guerre provoquée par l'invasion russe dans le pays "en passant, dans une liste à la Prévert des 'calamités' tombées sur les Français". "C'est cela, être 'hors sol' en 2024 cher François Ruffin", assène-t-il : "Faire comme si la guerre en Europe n'existait pas ou comptait si peu."
S'il admet que l'élargissement à l'Ukraine "doit s'accompagner de réformes et de changements" ainsi que d'"une refonte de la Politique agricole commune", Raphaël Glucksmann note : "Vladimir Poutine ne s'arrêtera pas à l’Ukraine si nous ne l'arrêtons pas."
"Pourquoi une partie de la gauche, la vôtre, a-t-elle tant de mal à prendre la mesure de la menace qui pèse sur nous ?"
Raphaël Glucksmannsur son site internet
Enfin, le député européen invite le destinataire de sa lettre à le rejoindre pour construire une "Europe sociale". "Le désengagement américain, la menace russe, l'agenda chinois, la fin du cycle néolibéral (…) et surtout le changement climatique : l'Europe, toute libérale-conservatrice qu'elle soit, a déjà dû amorcer un tournant", souligne-t-il, évoquant "la mutualisation des dettes", "la mise en place d’un mécanisme de réassurance chômage", mais aussi celle "de nombreux instruments commerciaux d'inspiration protectionniste". "Des brèches se sont ouvertes, il nous faut nous y engouffrer", conclut-il.
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