Elections européennes : le bal des recyclés
Certains dénoncent un "mercato du recyclage" dans la sélection des candidats aux européennes de mai 2014. UMP et PS se montrent aussi habiles à ce jeu.
Voie de garage ou piste de décollage ? Les partis politiques préparent les élections européennes de mai 2014 avec une attention spécifique, afin de ménager les sensibilités, de remercier les loyaux serviteurs, et même d'aider quelques barons en difficulté. Au point que l'ancien président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer (UMP) dénonce un véritable "mercato du recyclage".
Sylvie Goulard, eurodéputée MoDem, résume ainsi la situation pour francetv info : "Les états-majors des partis envoient des bras cassés, des anciens ministres à 'recaser', peu assidus, ne parlant aucune langue étrangère." Le Conseil national de l'UMP doit acter, samedi 25 janvier, la liste définitive de ses candidats, qui laisse la part belle aux barons de la scène nationale, au détriment de certains députés européens chevronnés, mais plus discrets. Et le PS n'est pas en reste. Passage en revue.
Les recasés
Rachida Dati est peut-être le cas le plus emblématique. Députée européenne depuis 2009, elle lorgne toujours sur la politique nationale, et ne cache pas son désintérêt pour son siège. Ce qui lui vaut, dans les couloirs du Parlement européen, le sobriquet de "touriste en chef de l'UMP", selon Le Point. Mais ses tentatives pour retrouver une place d'envergure en France restent vaines. Maire du 7e arrondissement de Paris, elle a dû renoncer aux législatives de 2012 et se ranger derrière NKM pour les municipales à Paris. Elle sera donc à nouveau candidate, en Ile-de-France, sur la liste d'Alain Lamassoure.
Elle, n'a pas renoncé, mais a perdu. Nadine Morano, battue aux législatives en 2012, est tête de liste dans le Grand Est. "Je me suis toujours intéressée aux questions européennes. Je vis dans une région à trois frontières, donc l'Europe, c'est la vie au quotidien", argumente la conseillère régionale UMP de Lorraine et ancienne ministre de Nicolas Sarkozy. "Toujours intéressée" ? Pas si sûr, démontre L'Express, qui relève qu'elle n'a consacré qu'un seul billet de son blog aux questions européennes, "de surcroît erroné".
Son départ, en 2011, du ministère des Affaires étrangères à cause de ses liens avec la famille Ben Ali, en Tunisie, et sa défaite aux législatives de 2012 ont éloigné Michèle Alliot-Marie du devant de la scène politique. L'adjointe au maire de Saint-Jean-de-Luz "entend donc retrouver un mandat plus conforme à son standing", écrit le JDD, et conduit la liste de l'UMP dans la circonscription Grand Sud-Ouest.
Dans la catégorie "recyclage", on compte aussi l'ancien ministre Brice Hortefeux, tête de liste UMP dans la région Grand-Centre. Dans le Sud-Est, le chef de file se nomme Renaud Muselier, ancien secrétaire d'Etat UMP, battu aux législatives à Marseille par la ministre PS Marie-Arlette Carlotti. "Leur point commun ? Tous deux seront totalement dépourvus de mandat s’ils ne siègent pas au Parlement européen", analyse France 24.
Les déplacés
Certains candidats se retrouvent à faire campagne sur des terrains qui leur sont inconnus, comme Alain Lamassoure. Forcé de laisser sa place à Michèle Alliot-Marie dans le Grand Sud-Ouest, le conseiller régional UMP d'Aquitaine, président expérimenté de la commission des budgets du Parlement européen, a tout de même été récompensé. L'ancien ministre des Affaires européennes se retrouve tête de liste en Ile-de-France, devant Rachida Dati.
Au PS, on tente de ménager les différents courants. Pour satisfaire l'aile gauche du parti, Emmanuel Maurel, vice-président du Conseil régional d'Ile-de-France, se retrouve candidat en deuxième position dans l'Ouest, où il n'a aucune attache. Lui-même se voyait tête de liste dans le Sud-Ouest, mais a affronté l'opposition des responsables socialistes locaux. Le parti a aussi décidé de placer le politologue Zaki Laïdi, membre du Conseil national du PS et proche de Manuel Valls, sur la liste de Vincent Peillon, dans le Sud-Est.
Les prévoyants et les opportunistes
Le ministre de l'Education, Vincent Peillon, l'a annoncé en pleine tempête des rythmes scolaires : il mène la liste PS pour les européennes dans le Sud-Est. Une façon de "sécuriser son avenir politique", analyse L'Express. Sans aucun ancrage local, sa légitimité politique repose sur son seul mandat de député européen, qu'il a dû suspendre pour son poste au gouvernement Ayrault. Mais Vincent Peillon affirme qu'il s'agit avant tout de peser face au Front national. "Je me présente face à Jean-Marie Le Pen, ce sont les racines mêmes de mon engagement", justifie-t-il.
Le PS fait ailleurs la démonstration de l'opportunité des échanges de bons procédés. En présentant le leader syndical CFDT d'ArcelorMittal à Florange Edouard Martin dans l'Est, le parti espère renouer avec les ouvriers, et plus largement avec la société civile, analyse L'Express.fr. Edouard Martin saisit cette chance pour faire son entrée en politique et "passer des paroles aux actes", ajoute le site de l'hebdomadaire, malgré les critiques de ses anciens collègues.
Une autre candidature a fait grincer des dents. A l'UMP cette fois. Jérôme Lavrilleux, protégé de Jean-François Copé, prend la tête de liste dans la région Nord-Ouest. Ce qui aurait provoqué une crise du filloniste Bernard Accoyer, qui aurait menacé de quitter l'UMP et d’emmener avec lui une cinquantaine de députés, selon Le Monde. Une protestation restée sans lendemain. Jérôme Lavrilleux affrontera Marine Le Pen, elle-même à nouveau candidate à la seule élection qu'elle ait jamais remportée, grâce au principe de la proportionnelle, favorable au Front national.
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