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Jean-Marie Le Pen candidat aux européennes, quels avantages pour le FN ?

A 85 ans, le président d'honneur du Front national se présente une nouvelle fois aux élections européennes, en 2014. Marine Le Pen pourrait en tirer avantage.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le président d'honneur du Front national, Jean-Marie Le Pen, le 1er mai 2013 à Paris, lors du traditionnel défilé de son parti. (ERIC FEFERBERG / AFP)

C'est reparti pour un tour. Jean-Marie Le Pen se présentera aux élections européennes de 2014, en région Provence-Alpes-Côtes d'Azur (Paca), a confirmé Marine Le Pen, mardi 17 septembre sur Public Sénat. A 85 ans, après cinq élections présidentielles et pas loin de 60 ans de vie politique derrière lui, le président d'honneur du Front national va de nouveau battre la campagne pour briguer un septième mandat consécutif.

Au premier coup d'œil, la présence de Jean-Marie Le Pen dans une nouvelle campagne électorale pourrait apparaître gênante pour sa fille, qui a tenté ces trois dernières années de rajeunir le parti et de le normaliser dans le jeu politique. Il faut dire que la présidente n'avait pas vraiment le choix. Son père a annoncé depuis plusieurs mois sa volonté de se représenter et elle ne pouvait pas risquer un affrontement avec la figure tutélaire du parti. Mais Marine Le Pen devrait parvenir à transformer la situation à son avantage.

La marque Le Pen fait recette

Marine le Pen a compris qu'elle pouvait tirer profit d'une candidature de son père en Paca. Il existe une marque "Le Pen", selon le spécialiste du Front national Joël Gombin, de l'université de Picardie Jules-Verne. Associée à la flamme du Front national, l'étiquette fait recette. Seul problème, "le nombre de représentants de la marque reste limité, il semble donc difficile d'écarter Jean-Marie Le Pen", détaille le chercheur pour francetv info. Pour mémoire, aux élections régionales de 2010, le fondateur du FN dépassait encore la barre des 20% en Paca, comme le relevait à l'époque Le Monde

Jean-Marie Le Pen, malgré son image sulfureuse, ne devrait pas entacher la stratégie de normalisation mise en place par sa fille. Le patriarche n'aura pas besoin de faire une campagne trop active, "ce type de scrutin, une liste à la proportionnelle, ne dépend pas trop de la campagne, l'essentiel reste la marque FN et le nom Le Pen", affirme Joël Gombin. D'autant que ce dernier ne croit pas vraiment à la "dédiabolisation" au niveau électoral, surtout dans la région Paca qu'il a étudiée. "Je ne pense pas qu'un grand nombre d'électeurs se tournent vers le Front national en raison d'un changement d'image."

Garantir l'unité du parti

Pour Marine Le Pen, il s'agit aussi de donner des gages aux membres de la ligne traditionnelle du FN. "Quelles que soient les prises de position publiques de son père, elle affirme ainsi qu'il continue à avoir sa place (...) elle montre aussi qu’il y a de la continuité, qu’on ne fait pas table rase du passé", indique Joël Gombin. 

Marine Le Pen tente de consolider l'unité de son parti après les récentes divisions révélées notamment par la loi sur le mariage pour tous, et détaillées par le Huffington Post. Dans leur livre Le Système Le Pen (2011, Ed. Denoël), les journalistes du Monde Caroline Monnot et Abel Mestre font également état de virulentes disputes entre Jean-Marie Le Pen et certains membres de la garde rapprochée de sa fille, qui incarnent le "nouveau Front national", comme le secrétaire général du FN Steeve Briois.

Autre avantage soulevé par Joël Gombin, la présence de Jean-Marie Le Pen permet d'éluder la question de la relève dans la région Paca. En effet, en cas d'absence du président d'honneur du FN pour diriger la liste, tous les regards se seraient tournés vers sa petite-fille, Marion Maréchal-Le Pen, très populaire chez les militants. Or Joël Gombin estime que "Marine Le Pen et son entourage ne seraient pas emballés par cette idée". La nièce de la présidente du FN commencerait à faire de l'ombre. "Marion Maréchal-Le Pen prend sa tante à son propre jeu : elle est jeune, télégénique et populaire", détaille Joël Gombin.

Un lot de consolation pour Jean-Marie Le Pen

Depuis l'accession à la tête du parti de Marine Le Pen en janvier 2011, un rapport de force s'est installé entre le père et la fille. "Marine tente de se défaire d'une partie de l'héritage et de l'influence de son père, lui en retour cherche à garder la main pour continuer à imprimer sa marque sur le parti", analyse Joël Gombin.

En revanche, le chercheur ne pense pas que la candidature de Jean-Marie Le Pen corresponde à une stratégie d'éloignement mise en place par sa fille. "Il siège très peu au Parlement et s'il souhaite parler, il peut appeler n'importe quel journaliste, il aura toujours une tribune", justifie-t-il. Ce dernier envisage plutôt cette investiture comme "un lot de consolation" offert par Marine Le Pen à son père, en échange de sa relative acceptation des changements en cours au FN.

Un cadeau qui permettrait à Jean-Marie Le Pen de conserver son immunité, soulève Joël Gombin : "C'est une question cruciale pour lui, vu qu'il est régulièrement l'objet de procès pour ses propos, et même si cette immunité est levée par le Parlement, ça rend les choses plus difficiles, plus longues."

Pour le fondateur du FN, cette candidature s'apparente également à une addiction : "J'imagine qu'il ne peut pas s'arrêter, il a passé sa vie dans l'arène politique, il ne doit pas pouvoir envisager une autre existence", suppose Joël Gombin. Une hypothèse confirmée par cette déclaration de Jean-Marie Le Pen en mars : "La politique, ce sera jusqu'au bout, comme Molière. C'est le Tout-Puissant qui décidera."

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