Elections européennes : "L'objectif essentiel dans cette campagne, c'est de sanctionner un gouvernement", décrypte un spécialiste de l'Europe

Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po et à l’INALCO, spécialiste de l’Europe, était l’invité de franceinfo, mardi.
Article rédigé par franceinfo
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Le Parlement européen de Strasbourg le 21 mars 2024 (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Gabriel Attal met les mains dans le cambouis. Lundi 29 avril, le Premier ministre a confirmé qu'il comptait débattre avec Jordan Bardella, la tête de liste du Rassemblement national pour les élections européennes. Mardi soir, il a enfilé le costume de chef de la majorité pour le premier comité de campagne, au siège du parti Renaissance. Autour de lui, une cinquantaine de personnalités, tous des soutiens d'Emmanuel Macron. Un enjeu de taille pour le président de la République car même si les élections sont européennes, l’enjeu est aussi national explique Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po et à l’INALCO, spécialiste de l’Europe. Il était l’invité de franceinfo, mardi soir.

Franceinfo : L'enjeu des élections européennes se situe-t-il aussi à l'échelle nationale ?

Patrick Martin-Genier : C'est vrai qu'il faut toujours parler d'Europe, mais que ce soit en France ou ailleurs, le scrutin européen a toujours été un scrutin intermédiaire qui permet de sanctionner le gouvernement. On parle essentiellement de thématiques intérieures et notamment de la sécurité et de l'immigration. Cela a toujours été comme ça. Quand vous regardez les enjeux de migrations, c'est la France et également l'Europe. Quand vous parlez d'environnement, c'est l'Europe, mais aussi à l'échelle nationale. En fait, il y a une interaction, une imbrication des enjeux nationaux avec les enjeux européens. Mais l'objectif essentiel dans cette campagne, c'est de sanctionner un gouvernement pour la politique d'Emmanuel Macron depuis sa réélection. En Allemagne, on veut sanctionner le chancelier Olaf Scholz. Ou éventuellement, comme en Italie, on veut sanctionner Giorgia Meloni, la présidente du Conseil, d'extrême droite, qui elle-même, parce qu'elle voit qu'il y a des risques, prend la tête de cette campagne électorale. Donc on voit bien que ces enjeux nationaux et européens sont très imbriqués. Ce qui serait intéressant et salutaire pour les électeurs, les électrices, c'est qu'on parle de grands enjeux européens et c'est vrai que là, on n'en parle pas beaucoup.

Ce vote sanction, qui peut exister en Allemagne et en Italie, est-il généralisé dans les 27 pays de l'Union ou y a-t-il d'autres pays où ce n'est pas le cas ?

Effectivement, il y a d'autres pays où on parle beaucoup des enjeux européens, notamment par rapport à la guerre en Ukraine, par rapport à la défense européenne. On va parler de ces sujets de sécurité dans les États baltes et dans les pays du Nord, mais également ailleurs, dans d'autres pays. Et c'est ça qui est intéressant, les grands enjeux européens dont il faut parler aujourd'hui sont ceux-là. Mais c'est vrai que c'est ce qui manque dans ce débat de politique intérieure en France.

Ce vote dans les 27 pays de l'Union, selon vous, va-t-il aboutir à un changement de majorité au Parlement européen ?

Ce qui est certain, c'est qu'il va y avoir un renforcement considérable de l'extrême droite dans ce Parlement européen. Regardez en Allemagne, l'AFD, le parti d'extrême droite, est à 18 ou 20%. L'extrême droite a grimpé au Portugal, en Espagne. L'extrême droite est également présente en Suède. Elle est en train de monter partout. D'ici à dire qu'elle aura une majorité au Parlement européen, je ne le crois pas. Car les sondages montrent que les principaux partis resteront la droite modérée démocrate chrétienne, et le Parti socialiste - qui continue à exister -, puis les Verts qui restent en appui, ainsi que les libéraux dont font partie Renew. Donc il y aura une majorité qui pourra éventuellement écarter l'extrême droite des responsabilités au Parlement européen, mais elle va considérablement augmenter ses positions et pourrait avoir un effet de nuisance.

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