Résultats des européennes 2024 : les groupes d'extrême droite en progression au Parlement européen

Les Conservateurs et réformistes européens (CRE) obtiendraient 73 sièges tandis que le groupe Identité et démocratie, auquel appartient le Rassemblement national, disposerait de 58 sièges.
Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
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La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, tête de liste de Fratelli d'Italia aux élections européennes, en meeting à Rome, le 1er juin 2024. (RICCARDO DE LUCA / ANADOLU / AFP)

La poussée annoncée a eu lieu. Les formations de droite radicale et d'extrême droite ont progressé lors des élections européennes, dimanche 9 juin. Le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE) recueillerait 73 sièges, tandis que la formation Identité et Démocratie (ID), à laquelle appartient le Rassemblement national, s'adjugerait 58 sièges, selon une projection publiée par le Parlement européen, lundi matin. Le parti d'extrême droite allemand Alternative für Deutschland (AfD), avec 15,9% des voix, obtiendrait 15 sièges contre 8 actuellement. Ses élus sont non-inscrits depuis leur exclusion du groupe Identité et démocratie.

Au sein du Parlement sortant, le groupe CRE comptait 69 sièges. Cette formation rassemble notamment des élus du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, de la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, et des eurodéputés du parti nationaliste polonais PiS. La formation gagne ainsi quatre sièges à ce stade et devient la quatrième force politique dans l'hémicycle. Identité et démocratie, qui comptait 49 sièges après l'exclusion des élus AfD, obtient neuf sièges supplémentaires. La formation devient ainsi le cinquième groupe au Parlement européen.

La victoire du Rassemblement national, qui obtient 30 sièges selon une estimation Ipsos pour France Télévisions, Radio France, France 24, RFI, Public Sénat et LCP Assemblée nationale, renforce particulièrement le groupe Identité et démocratie. Ce dernier bénéficie aussi des votes pour le Parti pour la liberté (PVV) du Néerlandais Geert Wilders, qui décroche six sièges, selon les résultats provisoires publiés par le Parlement européen lundi. Du côté du groupe CRE, Fratelli d'Italia obtiendrait 24 sièges, soit 14 de plus, à l'issue du scrutin.

Des partis légitimés

Le parti autrichien FPÖ, autre formation d'extrême droite, progresse aussi en gagnant trois sièges, selon les estimations du Parlement européen. Dans l'ensemble en Europe, "il y a une légitimation de ces partis au niveau des électorats nationaux. Ils font partie des paysages politiques nationaux, et cela se traduit au niveau européen", analyse la politologue Catherine Fieschi, spécialiste des droites radicales européennes. Des thèmes qui ont marqué la campagne, entre pouvoir d'achat, colère agricole et immigration, ont aussi "dynamisé la campagne de l'extrême droite", et certaines formations de droite traditionnelle ont joué sur ces sujets.

S'opère en parallèle une "délégitimation" des partis au pouvoir, comme en Allemagne ou en France, poursuit la spécialiste, fondatrice du cabinet de recherche et de conseil Counterpoint. "Il y a un élément protestataire dans le vote AfD. C'est un vote protestataire, un peu décomplexé. Il y a un rejet très profond du gouvernement et des élites en place." Catherine Fieschi note la popularité de l'extrême droite auprès de certains jeunes, notamment de jeunes hommes. "Il y a un ressentiment par rapport aux partis traditionnels. Les partis au pouvoir n'envoient pas de signaux forts vis-à-vis des jeunes", pointe-t-elle.

En parallèle, "pour la plupart des gens, la vie est plus difficile et plus incertaine qu'il y a cinq ans", lors des dernières européennes. Les formations nationalistes, souverainistes et populistes portent aussi un discours de repli, "qui peut passer pour une offre de protection et rassurer, à un niveau superficiel". Enfin, des électeurs peuvent considérer les européennes comme des élections "de second rang" et ainsi "se lâcher" dans leurs votes, poursuit la spécialiste.

Des tractations pour s'unir

Si l'extrême droite est en essor, "il faut s'attendre à ce que ces groupes mutent, voire implosent", prévient Catherine Fieschi. "Ces formations vont-elles survivre ? Je n'en suis pas certaine."

"C’est une progression des partis de la droite radicale et de l’extrême droite, mais on ne sait pas quelle recomposition va avoir lieu."

Catherine Fieschi, spécialiste des droites radicales européennes

à franceinfo

Peu avant les élections, Marine Le Pen a plaidé pour un rapprochement entre son groupe et celui de Giorgia Meloni, dans un entretien au journal italien Corriere della Sera. "Le moment est venu de s'unir, cela serait vraiment utile", a défendu l'ancienne candidate à l'élection présidentielle. "Si nous y parvenons, nous deviendrons le deuxième groupe du Parlement européen. Je pense qu'il ne faut pas laisser passer une telle occasion." Viktor Orban, dont le mouvement Fidesz souhaite rejoindre le groupe CRE, appelle aussi de ses vœux cette convergence. "L'avenir du camp souverainiste en Europe, comme de la droite en général, repose aujourd'hui entre les mains de deux femmes. Tout dépendra de la capacité à coopérer de Marine Le Pen, en France, et de Giorgia Meloni, en Italie", a-t-il déclaré au Point.

"Si Viktor Orban rejoint le CRE, il deviendrait un parti de poids lourds, entre lui et Giorgia Meloni."

Catherine Fieschi

à franceinfo

Marine Le Pen, forte de son succès dimanche soir, pourrait se sentir davantage "sur un pied d'égalité par rapport à Giorgia Meloni", analyse Catherine Fieschi. "Les discussions vont continuer", prédit-elle. Mais la dirigeante italienne saisira-t-elle la main tendue de Marine Le Pen ? La chercheuse émet des doutes sur ce scénario. La présidente du Conseil italien est courtisée par Identité et démocratie, mais des contacts existent aussi avec le Parti populaire européen (PPE), formation de droite et premier groupe politique au Parlement.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, tête de liste du PPE, a laissé entendre qu'elle pourrait travailler avec des élus CRE. "Cela dépend beaucoup de la composition du Parlement et de qui est dans quel groupe", a-t-elle déclaré fin avril. Ursula von der Leyen s'est dite ouverte à travailler avec quiconque serait pour la démocratie, pour le respect de l'Etat de droit et l'Ukraine. Dans tous les cas, "il risque d'y avoir une recomposition majeure", prévient Catherine Fieschi.

Des désaccords à résoudre

Les divergences entre le groupe CRE et ID risquent aussi de freiner une alliance des extrêmes droites. "Le premier point de blocage, cela va être l'attitude vis-à-vis de Poutine, de la Russie", commente la chercheuse. ID et le mouvement de Viktor Orban tiennent une ligne davantage pro-Moscou, tandis que le PiS, par exemple, défend Kiev. Dans cet ensemble, "certains veulent changer l'Europe de l'intérieur vers une alliance des nations, d'autres veulent une destruction de l'UE", souligne Catherine Fieschi. Néanmoins, entre l'immigration et le refus du Pacte vert, "beaucoup de choses les rassemblent".

Avec davantage de sièges, l'extrême droite gagnera-t-elle en influence au sein du Parlement européen ? "Tout dépend de leur capacité à travailler ensemble", répond la spécialiste. "S'ils restent scindés en deux, morcelés en davantage de groupes, leur force ne sera pas décuplée." 

"S'ils arrivent à travailler entre eux, ils péseront évidemment plus."

Catherine Fieschi

à franceinfo

Catherine Fieschi imagine une sorte d'"Europe à la carte", où des "alliances très ponctuelles" pourraient avoir lieu, par exemple avec le CRE sur certains textes. Les groupes d'extrême droite pourraient aussi agir davantage en tant que minorité de blocage, poursuit-elle. Néanmoins, "il reste de nombreux sujets sur lesquels ils ne sont pas d'accord". 

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