Elections législatives : comment la macronie s'active dans l'attente des décisions du "grand chef"
Quels députés seront reconduits ? Sous quelle étiquette ? La majorité est suspendue au bon vouloir d'Emmanuel Macron, qui doit personnellement s'impliquer dans la stratégie et les choix des candidats pour le scrutin des 12 et 19 juin.
La grande incertitude. Non, ce n'est pas le pitch d'un scénario d'Alfred Hitchcock ressorti des tiroirs, mais le titre du film qui se joue à huis clos au sein de la macronie. Les élections législatives sont prévues les 12 et 19 juin et, pourtant, rien n'est encore arbitré. "On ne connaît même pas le process [de désignation]", confesse auprès de franceinfo un député LREM. Lors de la réunion de groupe, mardi 26 avril, "il y avait beaucoup de nervosité, les gens voulaient savoir, mais il n'y a aucune info", témoigne ce même parlementaire, alors que les dépôts de candidature en préfecture sont attendus entre les 16 et 20 mai.
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A un mois et demi du scrutin, les questions à trancher sont encore nombreuses. Qui reconduire chez les sortants de la majorité ? Qui investir dans les autres circonscriptions ? Sous quelle étiquette les candidats vont-ils partir au combat ? Quid des alliances potentielles ? Si LREM, représenté par le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, et ses partenaires négocient ces différents points depuis plusieurs mois, "le grand chef", Emmanuel Macron, commence tout juste à mettre le nez dans ce dossier ô combien important.
Sans majorité à l'Assemblée, le président réélu sait qu'il ne pourra pas mettre en œuvre ses réformes comme il l'entend. Voilà pourquoi il s'implique personnellement dans ce dossier et pourquoi la macronie est suspendue à ses décisions. Dans son entourage, on relativise pourtant l'omnipotence du chef de l'Etat. "Dire qu'il va tout trancher est un grand mot, mais il aura un regard attentif sur celles et ceux qui vont composer sa majorité."
Des députés évalués sur leur loyauté
Le calendrier est aussi source d'incertitude. La liste des candidats devrait être annoncée "sous une quinzaine de jours", mais la stratégie n'est, là encore, pas définie. Les 577 candidats seront-ils annoncés d'un seul tenant ou bien par vagues, en commençant par les députés en place ? "Ça sera tranché cette semaine", répond un conseiller de l'exécutif. Contrairement à 2017, où le mouvement d'Emmanuel Macron avait lancé un vaste appel à candidatures, récoltant des milliers de CV, la macronie a cette fois des candidats sortants. Beaucoup de sortants... 267 côté LREM, 57 au MoDem et 22 chez Agir, les trois groupes de la majorité.
Un grand nombre d'entre eux se rêvent de nouveau dans le costume de députés. "Sur les 350, vous en avez 310-320 qui rempilent", confie un cadre du MoDem. Mais il y aura aussi celles et ceux qui ne seront pas reconduits. Une quinzaine environ. "Ça sera très à la marge", assure l'entourage d'Emmanuel Macron. Deux critères ont été établis pour évaluer les parlementaires : leur loyauté et la situation politique dans leur circonscription. Les résultats de la présidentielle seront ainsi disséqués.
"Il y a des gens qui n'ont joué que pour leur gueule et qui ont fait preuve de déloyauté. Et puis quand, en plus, la circo risque d'être perdue..."
Un cadre de la majoritéà franceinfo
La performance du député n'a pas été retenue comme critère déterminant. "Dans un groupe, vous avez toujours des bons et des mauvais. Il ne faut pas les jeter juste parce qu'ils n'ont pas été super performants", confie un ténor du MoDem. Pour faciliter le travail du président, des fiches ont été établies : courtes pour les sortants qui ne posent pas de problème, un peu plus fournies pour ceux dont la reconduction pose question, et plus longues encore pour les postulants dans les territoires à conquérir.
Des tensions avec Horizons, le parti d'Edouard Philippe
Voilà pour l'état des lieux, du moins sur le papier. En pratique, il faut aussi s'accorder entre les différents courants de la majorité qui réclament tous leur part du gâteau. Les nuages poignent vers Horizons, le parti d'Edouard Philippe, qui lorgne une centaine de circonscriptions. "Nous avons vocation à être un pilier structurant de la majorité dans la loyauté et la cohérence", assure le maire de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), Arnaud Péricard.
Quitte à se montrer un peu gourmands ? "On a vu arriver dans les premières listes beaucoup de candidats Horizons en face de nos sortants LREM", peste un conseiller de l'exécutif. Un épisode qui illustre les tensions entre Emmanuel Macron et son ancien chef du gouvernement. "J'ai dit à Edouard Philippe : 'Ne viens pas toucher aux sortants'", rapporte un cadre de la majorité, qui ajoute : "Sauf si les partis en ont décidé autrement."
"Aucun candidat ne sera élu avec la tête de Philippe à côté de lui, mais avec celle de Macron."
Un conseiller de l'exécutifà franceinfo
Les dissensions entre les deux formations ont franchi un nouveau palier depuis quelques jours. En bureau politique mardi 26 avril, l'ancien Premier ministre a déclaré, selon plusieurs participants à l'AFP : "Je ne suis jamais tenu par un deal que je n'ai pas passé." Sans concertation, Horizons pourrait présenter des candidats y compris dans les circonscriptions concernées par un accord entre la majorité et des députés LR. Selon nos informations, un petit tiers des députés Les Républicains serait en effet tenté par l'aventure Macron.
"On n'est pas l'auberge espagnole"
Mais la macronie met en garde : "Le fait de soutenir le président ne vaut pas investiture. Ce n'est pas automatique. On n'est pas l'auberge espagnole. Oui, les mains sont tendues et les portes ouvertes, mais ce sera du cas par cas." Contrairement à 2017 où des candidats socialistes étaient doublement investis par leur parti d'origine et LREM, cette fois, il faudra choisir : être clairement dans la majorité ou avoir un candidat en face.
Si les relations entre Horizons et LREM sont orageuses, il en est tout autrement entre le MoDem et le parti fondé par Emmanuel Macron. Voilà qui tranche avec 2017 où le sujet des investitures avait créé quelques tensions entre les deux formations. Le parti de François Bayrou se félicite d'ailleurs de l'accord conclu qui lui permettrait de conserver le même nombre de députés qu'actuellement. Mais trouvera-t-on encore un groupe MoDem lors de la prochaine législature ? "C'est une bonne question, je n'ai pas encore la réponse", assure un ténor du parti. Le rapprochement entre le MoDem et LREM est toujours sur la table. "Ça avance bien. Est-ce que ça prendra la forme d'un mariage, d'un Pacs ou d'un concubinage ? Je ne sais pas", confie un proche d'Emmanuel Macron. "Est-ce que l'on est prêts à une fusion ? Je n'en sais rien", répond-on aussi côté MoDem.
Le parti unique enterré
Au-delà de ces deux partis, c'est la configuration même de la future majorité qui interroge. Au soir du premier tour, Emmanuel Macron appelait à fonder "un grand mouvement politique d'unité et d'action". Trois semaines plus tard, l'idée d'un parti unique, qui ne plaît ni à Edouard Philippe ni à François Bayrou, semble enterrée. L'association des différents courants de la majorité est privilégiée. "Un projet 'confédéral' permet de faire vivre des différences", soutient un cadre du MoDem.
"Vous voyez un parti unique d'Estrosi (ex-LR) à Rebsamen (ex-PS) ? Vous risquez de vous retrouver avec un truc tellement caporalisé que la seule opposition viendra de LFI ou du RN."
Un ténor du MoDemà franceinfo
Un avis partagé en haut lieu. "Le président n'a rien contre les partis, il ne s'agit pas de gommer les sensibilités", explique un proche du chef de l'Etat. Les candidats aux législatives risquent donc fort de faire campagne sous la bannière de la majorité présidentielle, mais en conservant leur étiquette partisane d'origine. Et ce faisant, l'Assemblée devrait compter de nouveau plusieurs groupes de la majorité.
Enfin, reste à trouver le nom de la future bannière de la majorité. Pourquoi pas "Ensemble citoyens !", du nom de cette alliance des différents courants majoritaires lancée fin novembre ? Elle n'a en réalité jamais vraiment été utilisée. En revanche, tous croient aux chances de victoire. "La majorité absolue n'est pas inatteignable, le président peut l'avoir", assure un proche d'Emmanuel Macron. En 2017, beaucoup doutaient d'une victoire large des macronistes aux législatives avant qu'ils fassent main basse sur le Palais Bourbon avec 314 députés sur 577. Cinq ans plus tard, tous rêvent de rééditer l'exploit.
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