Résultats des législatives 2024 : majorité absolue, front républicain, participation… Les questions qui se posent après le premier tour
Le premier tour des législatives anticipées a livré son verdict, dimanche 30 juin, avec une large victoire du Rassemblement national. Le parti d'extrême droite et ses alliés (33,15% des voix) ont devancé le Nouveau Front populaire (28%) et le camp d'Emmanuel Macron (20%), selon les chiffres quasi définitifs publiés par le ministère de l'Intérieur lundi. Les Républicains qui n'ont pas fait alliance avec le RN s'établissent à 10,2%. Les projections en sièges pour la future Assemblée nationale sont à prendre avec beaucoup de précaution : la nouvelle configuration de l'hémicycle sera en partie conditionnée par les désistements de candidats au second tour, notamment pour faire barrage au RN. Voici les grandes inconnues du scrutin.
Le RN peut-il décrocher la majorité absolue ?
"Les Français ont rendu un verdict sans appel", a déclaré Jordan Bardella, après l'arrivée en tête du RN au premier tour. Il a appelé les électeurs à donner une majorité absolue à sa formation, jugeant que le second tour sera "l'un des plus déterminants de toute l'histoire de la Ve République". A ce stade, la formation d'extrême droite et ses alliés pourraient entrevoir entre 230 et 280 sièges à l'Assemblée nationale, selon une projection Ipsos-Talan pour France Télévisions, Radio France, France 24 et LCP. Mais d'autres instituts de sondages n'écartent pas la possibilité que le RN et ses alliés atteignent 289 sièges, synonyme de majorité absolue.
"C'est très difficile à dire", confirme le politologue Luc Rouban, qui relève que "les arguments du front républicain ou du danger fasciste se sont révélés inopérants au premier tour". Ce spécialiste rappelle les quelque 10% récoltés par la droite LR indépendante. "Je serais étonné que ces électeurs se tournent vers la gauche pour faire barrage au RN. Si quelqu'un a une armée de réserve, c'est plutôt le RN." Selon son confrère Martial Foucault, "ce n'est pas tant l'ordre d'arrivée qui va compter mais l'écart de voix : quand le RN a une avance d'au moins 3 000 voix et plus, la victoire semble à portée de main" pour le second tour.
Une semaine avant le scrutin, Jordan Bardella avait déclaré qu'il accepterait le poste de Premier ministre uniquement s'il disposait d'une majorité absolue. Interrogé sur ce point, son allié Eric Ciotti s'est contenté d'évoquer un pays "ingouvernable" en cas de majorité relative. L'équation du second tour est encore compliquée par les accords et les désistements, qui transformeront un grand nombre de triangulaires en duels.
Le Nouveau Front populaire a-t-il perdu tout espoir ?
Le Nouveau Front populaire est crédité de 28% au niveau national, cinq points derrière le RN mais loin devant Ensemble. "La victoire du Nouveau Front populaire est possible", a assuré Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes-EELV, jugeant que la constitution de l'alliance à gauche avait permis de faire reculer l'extrême droite par rapport aux européennes. "Il faut donner une majorité absolue au Nouveau Front populaire, car il est la seule alternative", a également asséné Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise.
"Une inversion de tendance paraît difficile. Il n'y a pas d'inversion entre un premier et un deuxième tour", estime pour autant Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos, sur le plateau de France Télévisions. Celle-ci, en tout cas, ne s'est jamais produite, exception faite des législatives de 1978, quand la droite l'avait finalement emporté de justesse après un bon premier tour de la gauche. "Une inversion voudrait dire que le Nouveau Front populaire l'emporterait par rapport au RN. Ça, très sincèrement, on voit mal comment."
A minima, plusieurs personnalités de cette vaste coalition préfèrent évoquer d'autres objectifs. "Nous avons (...) le devoir impérieux de faire en sorte que l'extrême droite ne parvienne pas à avoir une majorité à l'Assemblée nationale", a déclaré François Hollande devant ses partisans, après être arrivé en tête avec 37,63% des voix dans la 1re circonscription de Corrèze.
Que vont faire les candidats arrivés troisièmes ?
Dans plus de 300 circonscriptions, trois candidats sont qualifiés pour le second tour car ayant franchi la barre des 12,5% des électeurs inscrits. Mais cela ne signifie pas que des triangulaires seront organisées dans toutes ces circonscriptions.
Le Nouveau Front populaire, en effet, a annoncé des désistements quand ses candidats étaient en troisième position, pour ne pas favoriser les candidats RN. "Nous retirerons notre candidature, en toutes circonstances, où que ce soit et dans quelque cas que ce soit. Notre consigne est simple, directe et claire. Pas une voix, pas un siège de plus pour le RN", a martelé Jean-Luc Mélenchon. La cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier, a appelé à la "construction d'un nouveau front républicain". Reste à savoir si ces consignes seront bien appliquées par les candidats concernés, sur le terrain.
"Pas une voix ne doit aller au Rassemblement national" au second tour des élections législatives, a affirmé pour sa part le Premier ministre et chef de la majorité sortante, Gabriel Attal. Ce dernier a appelé au "désistement de [ses] candidats dont le maintien en troisième position aurait fait élire un député Rassemblement national face à un autre candidat qui défend comme [le camp présidentiel] les valeurs de la République", sans en préciser le nombre. Y compris en cas de candidats LFI ? "S'ils respectent les valeurs de la République", a simplement répondu l'entourage du Premier ministre à France Télévisions, suggérant de futures décisions au cas par cas. Les Républicains, enfin, n'ont donné aucune consigne de vote.
Le "front républicain" peut-il encore fonctionner ?
Les désistements de candidats pour éviter une triangulaire et provoquer un duel face au RN peuvent, à la marge, "jouer sur le niveau et le nombre de sièges qu'obtiendrait le RN", estime Brice Teinturier. Assez pour aboutir à une majorité du bloc de gauche ou issue des rangs de Renaissance ? "Au vu des résultats du premier tour, c'est très fortement improbable."
Par ailleurs, les consignes de vote des différentes formations politiques seront-elles suivies dans les urnes ? Dans un sondage Ipsos réalisé du 27 au 28 juin et publié dimanche soir, les électeurs Ensemble sont 53% à souhaiter le maintien de leur candidat dans le cas d'une triangulaire face au Nouveau Front populaire et au RN. Seuls 8% souhaitent qu'il se retire en faveur du candidat NFP (quel que soit le parti dont il est issu) et 21% qu'il se retire en faveur du candidat NFP uniquement s'il n'est pas issu de La France insoumise.
De même, 51% des électeurs du Nouveau Front populaire souhaitent que leur candidat se maintienne face à ses adversaires lorsqu'il est arrivé en troisième position derrière Ensemble et le RN. Dans cette configuration, ils sont 34% à souhaiter un retrait du candidat NFP en faveur d'Ensemble pour faire barrage au RN. Pour les électeurs concernés, autant de dilemmes en perspective.
La participation peut-elle encore augmenter ?
Ce premier tour a été marqué par une forte participation de 66,7%, à un niveau inédit depuis 1997 (67,9%). C'est également 18 points de plus qu'au premier tour des élections législatives de 2022. L'abstention est plus marquée chez les 25-34 ans, avec près d'une personne sur deux qui n'est pas allée voter (49%). Les ouvriers sont la catégorie sociale qui s'est le plus abstenue, avec 46% d'entre eux qui ne sont pas allés voter, suivis des employés, à 42%.
Le taux de participation est traditionnellement en léger recul au second tour, mais l'intensité du scrutin pourrait cette fois changer la donne. Les éventuelles conséquences sont toutefois difficiles à mesurer. "La participation élevée a un peu tassé le Rassemblement national", fait remarquer Brice Teinturier, mais dans l'ensemble, elle "a favorisé toutes les formations politiques". Il resterait donc peu de réserves de voix, selon les observateurs. "L'offre politique était tellement réduite cette fois-ci qu'il y a très peu de réserves de voix", juge son confrère Martial Foucault.
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