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Municipales : après leur percée du 15 mars, les écologistes vont-ils confirmer leurs bons scores au second tour ?

A Lyon, Strasbourg ou Bordeaux, les victoires qui semblaient tendre les bras à Europe Ecologie-Les Verts pourraient s'avérer plus compliquées que prévu.

Article rédigé par franceinfo
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Le candidat écologiste pour la mairie de Lyon, Grégory Doucet, le 27 novembre 2019. (ROMAIN LAFABREGUE / AFP)

Leurs excellents résultats au premier tour, dimanche 15 mars, avaient suscité l'enthousiasme dans les rangs d'Europe Ecologie-Les Verts. Une victoire quasiment assurée à Grenoble, fief conquis en 2014, et surtout la possibilité inédite de s'emparer de grandes métropoles comme Lyon, Strasbourg ou Bordeaux. Mais les tractations d'entre-deux-tours sont passées par là, avec leur lot d'alliances surprenantes et de guerres d'ego. Après le dépôt des listes pour le second tour, qui s'est achevé mardi 2 juin, le triomphe promis aux écologistes pourrait, à y regarder de plus près, s'avérer moins flamboyant que prévu.

Dans plusieurs villes, ce sont les alliances nouées entre Les Républicains et La République en marche qui obèrent les chances des écologistes. Ce qui a fait dire à Julien Bayou, le secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts, qu'il existait "un front anti-écolo".

LR et LREM organisent une coalition anti-climat pour bloquer les écologistes à Lyon et Bordeaux.

Julien Bayou

sur Sud Radio

Une conséquence, aussi, du refus d'EELV d'envisager des alliances avec le parti présidentiel pour battre la droite comme cela aurait pu se produire à Aix-en-Provence.

Comment savoir, enfin, si la crise du coronavirus ne va pas briser la lancée des écologistes ? Les deux tours de scrutin, normalement espacés d'une semaine, vont être séparés de trois mois ô combien particuliers. "Traditionnellement, le second tour n'inverse pas la tendance du premier mais là, la configuration est inédite. La question de la confirmation de la percée verte se pose", explique Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'Ifop, dans Le Journal du dimanche. "Dans nos enquêtes d'opinion, l'inquiétude économique revient massivement. Va-t-on assister à la relégation des sujets écologiques dans un contexte de crise?", s'interroge ainsi le sondeur.

A Lyon, le baroud d'honneur de Gérard Collomb

Les résultats du premier tour avaient fait l'effet d'une bombe à Lyon. Dans cette ville réputée pour se gagner au centre, l'écologiste Grégory Doucet s'était classé en tête dans huit des neuf arrondissements (28,46% sur l'ensemble de la ville), reléguant le candidat du maire sortant Gérard Collomb, Yann Cucherat, à une peu glorieuse troisième place (14,96%), derrière le candidat LR Etienne Blanc (17,01%).

Particularité lyonnaise, des élections pour élire le futur président de la métropole se jouaient dans l'agglomération en même temps que les municipales. Ici aussi, c'est le candidat écologiste Bruno Bernard qui avait viré en tête au soir du premier tour (22,55%) devant le candidat LR François-Noël Buffet (17,65%). Suivaient l'actuel président de la métropole et dissident LREM David Kimelfeld (16,92%) et Gérard Collomb (16,5%). Une véritable gifle pour le candidat officiel de La République en marche.

En fusionnant leurs listes avec les différents candidats de gauche (Parti socialiste, La France insoumise...) présents au premier tour, les écologistes se sont mis en position de transformer l'essai au second tour. Mais l'alliance surprise conclue entre Gérard Collomb et la droite avec la bénédiction de Laurent Wauquiez, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, pourrait tout bouleverser.

C'est un moment qui peut surprendre car nous venons de familles politiques différentes. Mais aujourd'hui nous voulons une union pour affronter la crise qui s'annonce et permettre la reconstruction de Lyon.

Gérard Collomb

lors d'une conférence de presse

A la ville, cette nouvelle force emmenée par Yann Cucherat pèse mathématiquement environ 36%. Un niveau certes moindre que le total des voix de gauche, mais qui remet clairement en selle le poulain de Gérard Collomb. A la métropole, les deux blocs pèsent chacun environ 35%. L'attitude des électeurs de David Kimelfeld, dont les listes se maintiennent sans espoir de l'emporter, et surtout des abstentionnistes du premier tour, sera donc déterminante.

A Strasbourg, l'occasion manquée avec le PS

La victoire tendait les bras aux écologistes et à la gauche. Mais faute d'union, c'est La République en marche qui pourrait sortir vainqueur de cette partie de poker menteur. Au soir du premier tour, la situation semblait pourtant limpide : avec son score canon de 27,97%, l'écologiste Jeanne Barseghian était en position de force pour négocier un accord avec la liste socialiste de l'ex-maire Catherine Trautmann (19,77%) et voler vers une victoire certaine. Mais patatras : le 2 juin, jour du dépôt des listes, les deux camps ont annoncé l'échec des négociations, Jeanne Barseghian et Catherine Trautmann se renvoyant chacune la responsabilité.

Saisissant cette occasion inespérée, leurs adversaires ont annoncé quelques heures plus tard une alliance surprise. Alain Fontanel (LREM) et Jean-Philippe Vetter (LR) avaient en effet laissé entendre les jours précédents qu'ils préféraient faire cavaliers seuls. "Pendant que le PS et les verts ont mis tristement énormément de défiance entre eux, nous, on a créé de la confiance", a déclaré Jean-Philippe Vetter, refusant que Strasbourg soit aux mains de "personnes doctrinaires".

Ce qui s'est passé, c'est finalement tout ce que la politique fabrique de pire. Ce sont des accords de complaisance, non pas sur un projet mais pour pouvoir par opportunisme sauver des places.

Jeanne Barghesian

sur France 3

De fait, au second tour, les écologistes ne seront plus les favoris mais les outsiders. La liste menée par Alain Fontanel avec son nouvel allié LR pèse théoriquement près de 40%. Alors que Jeanne Barseghian va se retrouver plombée par le maintien de Catherine Trautmann. Reste à savoir si les électeurs valideront dans les urnes cet accord électoral inattendu.

A Bordeaux, l'ombre de l'Elysée et Matignon

Au coude à coude avec le maire sortant au premier tour, l'écologiste Pierre Hurmic pouvait rêver d'emporter l'hôtel de ville au second tour. Sa liste d'union de la gauche (34,38%) n'avait en effet récolté que 96 voix de moins que celle du LR Nicolas Florian (34,55%). Mais, se sentant menacé dans son fief, le successeur d'Alain Juppé a réagi en nouant une alliance avec le troisième homme de cette élection, Thomas Cazenave (12,69%), le candidat macroniste. Les deux nouveaux alliés ont justifié leur union en raison de la "situation exceptionnelle" du pays. "L'idée d'un rassemblement tombait sous le sens", a expliqué Nicolas Florian. "Il fallait arriver à travailler ensemble, dépasser les étiquettes", a défendu de son côté Thomas Cazenave.

Mais si les deux hommes se sont finalement alliés, c'est aussi parce que la situation bordelaise a été prise au sérieux en haut lieu. Selon le quotidien Sud Ouest, Edouard Philippe, juppéiste comme Nicolas Florian, aurait joué un rôle dans ce rapprochement de dernière minute. Un proche du Premier ministre a confirmé à l'AFP qu'Edouard Philippe avait bien œuvré à ce rassemblement, jugeant "logique que la ville d'Alain Juppé soit un symbole de rapprochement avec la droite modérée, d'autant que Nicolas Florian était déjà allié avec le MoDem avant le premier tour". Le chef de l'Etat s'en serait également mêlé, affirme L'Opinion. Ancien directeur de cabinet d'Emmanuel Macron à Bercy et "chouchou" du président selon le journal, Thomas Cazenave aurait été gentiment prié de faire allégeance à Nicolas Florian.

Le président a enfin fait comprendre à Cazenave qu'il ne pouvait pas risquer de donner à Bordeaux un maire clairement anti-Macron

Un élu bordelais

dans "L'Opinion"

L'opération anti-écolo fonctionnera-t-elle ? Avec le maintien de l'ex-candidat NPA à la présidentielle Philippe Poutou, la triangulaire s'annonce en tout cas délicate pour Pierre Hurmic.

A Tours, la réconciliation des pro-Macron

Malgré ses dix points d'avance au premier tour, avec 35,45% des suffrages, rien n'est joué pour l'écologiste Emmanuel Denis. Car en dépit de son faible score, le maire sortant Christophe Bouchet (25,62%) s'est allié avec le candidat LREM, Benoist Pierre, arrivé troisième avec 12,67% des voix. Une alliance pas franchement surprenante si l'on se souvient que le maire sortant, membre du Parti radical, avait sollicité l'investiture de La République en marche, finalement octroyée à Benoist Pierre.

"C'est une union naturelle, chacun avait envie", s'est ainsi félicité Christophe Bouchet dans les colonnes de La Nouvelle République, heureux de ce grand "rassemblement allant du centre gauche à la droite". En revanche, pour Emmanuel Denis, cette alliance est une mauvaise surprise. Au lieu d'une triangulaire qui lui aurait été plus favorable, l'écologiste va devoir batailler en duel contre le maire sortant. Chacun devra compter sur les reports de voix de la part des électeurs qui s'étaient portés sur l'un des huit candidats éliminés au premier tour. Le scrutin s'annonce donc serré.

A Lille ou Poitiers, les bonnes surprises ?

Le tableau n'est pas totalement sombre pour les écologistes, qui ont de grandes chances de conserver Grenoble (où Eric Piolle a obtenu 46,67% au premier tour) et de conquérir Besançon (où la gauche est emmenée par l'écologiste Anne Vignot). La soirée du 28 juin pourrait même réserver quelques bonnes surprises. A Lille, après l'échec des négociations avec Martine Aubry, les écologistes rêvent de détrôner l'iconique maire socialiste, sur laquelle ils n'avaient que cinq points de retard au premier tour. Même situation à Poitiers, où la liste soutenue par EELV pourrait doubler Alain Claeys, maire PS depuis 2008, avec lequel aucun accord n'a été négocié.

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