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Municipales : "Etre un bon maire n'a pas servi de bouclier"

Francetv info fait le bilan de ces municipales avec les concepteurs du modèle électoral ElectionScope. Pour eux, le chômage et l'impopularité de François Hollande ont joué un rôle primordial.

Article rédigé par Thomas Baïetto - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Un électeur vote au second tour des municipales, le 30 mars 2014, à Lille (Nord). (THIERRY THOREL / CITIZENSIDE / AFP)

Qu'est-ce qui se cache sous la vague bleue ? Pour comprendre la nette victoire de la droite aux élections municipales, francetv info a interrogé Bruno Jérôme et Véronique Jérôme-Speziari. Docteurs en sciences économiques, ils ont conçu le modèle de prévision électorale ElectionScope et sont les coauteurs du livre Villes de gauche, villes de droite, à paraître aux Presses de Sciences Po.

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Selon eux, ce vote sanction qui a balayé les maires de gauche est le fruit de la hausse du chômage et de la faible popularité de François Hollande.

Francetv info : Les résultats du second tour sont-ils conformes à vos prévisions ?

Bruno Jérôme : Oui, notre taux de réussite est situé entre 80% et 90%. Sur notre blog, nous avions posté vendredi une liste de villes susceptibles de basculer et le modèle anticipait bien la vague bleue à Pau (Pyrénées-Atlantiques), Brive (Corrèze), Toulouse (Haute-Garonne), Asnières (Hauts-de-Seine), Caen (Calvados), Angers (Maine-et-Loire) ou Laval (Mayenne). En revanche, il indiquait que Strasbourg (Bas-Rhin) pouvait basculer à droite d'une courte tête, ce qui n'a pas été le cas

La grande difficulté, c'est la prévision du Front national au second tour dans les villes où il ne peut pas l'emporter. Nous avions prévu que l'érosion de son score entre le premier et le second tour avoisinerait les 20%. Dans beaucoup de villes, comme Strasbourg, cette érosion a été plus faible que prévu. Il faut construire un nouveau modèle sur ce point.

Quels sont les critères qui ont pesé dans ces élections municipales ?

Le vote économique est fondamental. La variation du chômage a pesé lourdement, notamment dans le vote Front national. Par exemple, si vous prenez la carte du chômage en France, elle est corrélée à 80% à celle du vote FN. Le deuxième facteur est la popularité du président de la République.

En gros, le modèle nous permet de calculer que la gauche partait avec un handicap de 10 points en moyenne à cause de la faible popularité de François Hollande. Sur le chômage, un point de hausse sur un an coûte en moyenne 1,5 point en sortant. Si vous êtes un maire de gauche et que le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté d'un point dans votre commune, vous partez avec un retard de 11,5 points qu'il faut compenser par votre bilan.

Le problème, c'est que le fait d'être un bon maire n'a pas servi de bouclier, sauf dans quelques cas comme à Alençon (Orne). L'électeur a tendance à punir plus violemment qu’il ne récompense. Beaucoup de sondages annonçaient que les Français voteraient en fonction de critères locaux. Il n’en a rien été : cette vague bleue est un vote sanction. Cela fait plusieurs fois qu'à une élection locale, les électeurs ne révèlent pas aux sondeurs qu'ils vont instrumentaliser leur vote contre le gouvernement.

Quelle est la plus grosse surprise de cette élection ?

C’est la Seine-Saint-Denis, où la droite réalise une percée. Dans ce département, le Front national n’a presque pas présenté de candidats. Cela a laissé le champ ouvert à la droite classique, qui a bénéficié à plein de la vague. C'est l'inverse de beaucoup de villes où le FN a gelé les voix qui ont privé la droite de victoire, comme Metz (Moselle), Villeurbanne (Rhône), Besançon (Doubs), Rouen (Seine-Maritime), Strasbourg (Bas-Rhin), Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). Dans ces villes, il y a une gauche minoritaire qui survit grâce au FN.

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