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Municipales : Mélenchon exagère-t-il le succès du Front de gauche par rapport au FN ?

La poussée du Front national aux élections municipales est à "relativiser", selon Jean-Luc Mélenchon. D'après lui, son Front de gauche a mieux réussi : plus de listes et plus de victoires au premier tour. Qu'en est-il réellement ?

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche, réagit aux résultats du premier tour des élections municipales, le 23 mars 2014, au siège de son parti, à Paris. (PIERRE ANDRIEU / AFP)

Il veut "relativiser" la poussée du Front national aux municipales. Invité des "4 Vérités" sur France 2, jeudi 27 mars, Jean-Luc Mélenchon a estimé que le parti de Marine Le Pen faisait "légèrement moins" bien qu'à l'élection présidentielle de 2012, et a comparé ses résultats avec ceux de sa coalition, le Front de gauche.

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Pour appuyer son raisonnement, Jean-Luc Mélenchon a avancé un chiffre, qu'il diffuse sur les réseaux sociaux, graphiques à l'appui : selon lui, 67 villes ont été gagnées par le Front de gauche dès le premier tour des municipales, contre seulement une par le Front national : l'emblématique Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais.

67 villes gagnées au premier tour ?

D'où provient ce chiffre ? Eric Coquerel, conseiller de Jean-Luc Mélenchon et secrétaire national du Parti de gauche n'a été en mesure de fournir à francetv info qu'une liste de 43 communes. "Le chiffre de 67 villes, c'est 'L'Humanité' qui l'a annoncé, explique-t-il. Je suppose qu'ils ont très certainement recensé des têtes de liste communistes dans des petites communes."

Si l'on regarde précisément les victoires revendiquées par le Front de gauche, le recensement d'Eric Coquerel mentionne Nanterre, 89 476 habitants, dans les Hauts-de-Seine. Sauf qu'en réalité, le maire sortant, Patrick Jarry, réélu avec 53,84% des voix dimanche, est à la tête d'une liste d'union de la gauche. Sur son site, il précise d'ailleurs que sa candidature est le résultat d'un "accord signé entre le PS, le PCF, la Gauche Citoyenne, EELV et le MRC". Le scénario est le même à Bagneux et Malakoff (Hauts-de-Seine), où socialistes et écologistes sont présents sur les listes des maires sortantes Marie-Helène Amiable et Catherine Margaté. Il est donc curieux de les intégrer dans le calcul quand Jean-Luc Mélenchon vante, notamment sur son blog, l'"autonomie", l'"indépendance" et la "souveraineté" du Front de gauche.

Dans les faits, seules 18 listes étiquetées uniquement Front de gauche par le ministère de l'Intérieur sont sorties victorieuses du premier tour dans des villes de plus de 1 000 habitants. Il s'agit souvent de petites communes. Dans cinq d'entre elles, comme Saulnes (Meurthe-et-Moselle) ou Alizay (Eure), le Front de gauche n'avait d'ailleurs pas de concurrent. La plus importante victoire du Front de gauche autonome est à chercher du côté de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine. Dans cette ville de 41 930 habitants, le candidat Patrice Leclerc l'a emporté avec 61,43% des suffrages.

Des scores plus faibles que le FN

Autre élément de comparaison : sur France 2, Jean-Luc Mélenchon assure que le Front de gauche a présenté "plus de listes autonomes que le Front national", à savoir plus de 600 listes sur l'ensemble du territoire, contre seulement 585 sous la bannière FN ou Rassemblement Bleu Marine. Parmi ces listes, le Front de gauche n'était toutefois pas toujours seul : dans 90 cas, il se présentait aussi avec EELV, et dans 40 avec le NPA, précise Eric Coquerel.

Comment se sont défendus ces candidats ? Jean-Luc Mélenchon revendique un score moyen de 11,42% des voix. Si l'on s'en tient aux seules listes étiquetées Front de gauche par la place Beauvau, il est plus important : 15,05% en moyenne dans les villes de plus de 1 000 habitants où elles se sont présentées. Des résultats qui restent toutefois en-deçà de ceux enregistrés par le Front national, qui recueille pour sa part 16,71% des voix. Avantage au parti de Marine Le Pen donc.

Une comparaison en trompe-l'œil avec 2012

Jean-Luc Mélenchon relativise les résultats du FN en s'appuyant sur les chiffres de l'élection présidentielle. Sur ce point, il a raison : le Front national fait moins bien qu'en 2012, où il recueillait 17,9% des voix au premier tour, alors que le Front de gauche progresse par rapport à ses 11,1%. Sauf que les élections ne sont pas les mêmes, et les enjeux différents. "Le FN a fait une campagne nationale. A partir de là, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas comparer les municipales à la présidentielle, se justifie Eric Coquerel. D'ailleurs, nous pensons nous aussi que c'était une élection nationale, et ça a été, je pense, confirmé par les faits : il y a eu un vote national de sanction dans les villes conduites par le Parti socialiste."

Impossible de comparer avec les précédentes municipales pour le Front de gauche : il n'existait pas en 2008. Mais par rapport à ce précédent scrutin, le Front national enregistre un net bond : il n'avait alors recueilli que 7,3% des suffrages. "On ne nie pas la réalité d'une progression sur le long terme du Front national, temporise Eric Coquerel. Mais il n'y a pas eu de saut depuis la présidentielle. Ce qu'on veut surtout montrer, c'est qu'il y a un événement qui a été effacé : le succès du Front de gauche et plus généralement de sa stratégie d'autonomie par rapport au PS." Le conseiller de Jean-Luc Mélenchon met notamment en avant le cas de Grenoble (Isère), où une alliance EELV-FDG a viré en tête au premier tour avec 29,4% des voix. Le signe, selon lui, que le Front de gauche peut, grâce à des alliances, offrir "une autre majorité" aux Français.

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