Municipales : la défaite historique du PS à Niort, symbole de la disgrâce de Hollande ?
Le Parti socialiste a perdu dès le premier tour la préfecture des Deux-Sèvres, qu'il détenait pourtant depuis près de 60 ans. Un séisme politique dans la région.
A Niort, certains évoquent "un séisme", "un tsunami". La presse locale, elle, parle d'"une déflagration". Dès le premier tour des élections municipales, dimanche 23 mars, la préfecture des Deux-Sèvres, où 65% des électeurs ont voté Hollande au second tour de la présidentielle de 2012, a basculé à droite. Une première depuis la fin des années 1950.
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La députée-maire socialiste Geneviève Gaillard a été battue à plates coutures par son opposant, Jérôme Baloge, 39 ans, membre du Parti radical de Jean-Louis Borloo, et soutenu par l'UMP et l'UDI.
Députée depuis 1997 et maire depuis 2008, Geneviève Gaillard a essuyé une gifle politique : sa liste n'a recueilli que 20% des voix, quand celle de Jérôme Baloge a obtenu un peu plus de 54% des suffrages. Un symbole de la disgrâce de François Hollande et de la majorité socialiste ? Sur le terrain, la réalité s'avère un peu plus complexe.
Oui, le climat national a pesé dans l'élection
Dans un entretien à La Nouvelle République du Centre, Geneviève Gaillard l'assure : "Les gens ont eu envie d'un changement de système, à un moment où le PS et le gouvernement n'apportent peut-être pas ce qu'ils attendaient." Autour d'un café, celui qui était son premier adjoint, Pascal Duforestel, acquiesce : "Lorsque l'on faisait du porte-à-porte, on sentait bien un sentiment de ras-le-bol, d'exaspération… On entendait des commentaires lapidaires. Il est évident que le climat national a pesé." A ses yeux, le score réalisé par la liste du Front de gauche - 10,31% - en serait une preuve.
Mais dans les rangs socialistes, tous minimisent la portée du fameux vote sanction. "Le climat national a joué à la marge. Quand on perd avec 35 points d'écart, et que dans d'autres villes voisines, des maires de gauche arrivent en tête au premier tour, c'est qu'il y a des raisons plus profondes", pointe Bruno Louvet, patron de la section socialiste de Niort. Dans le centre-ville, aucun habitant rencontré ne met d'ailleurs en avant l'impopularité de François Hollande pour justifier le basculement de la ville.
Non, le bilan de la majorité municipale était remis en cause
"Cette élection s'est jouée sur des questions très locales", abonde Yves Revert, journaliste à La Nouvelle République. "En six ans, Geneviève Gaillard a profondément changé la ville. Elle a changé les habitudes, mais elle l'a fait à marche forcée, au point de crisper les Niortais."
"On a bousculé la ville, sans accompagner les changements", reconnaît aujourd'hui l'ancien premier adjoint, Pascal Duforestel. Secrétaire fédérale du PS aux élections dans les Deux-Sèvres, la conseillère régionale Nathalie Lanzi pense, elle aussi, que "Geneviève Gaillard est peut-être allée trop vite dans ses projets". La piétonnisation du centre-ville et d'importantes modifications dans le plan de circulation ont engendré des embouteillages à répétition… et donc beaucoup de colère, dans cette ville de 58 000 âmes où le taux de véhicules par habitant est l'un des plus importants de France.
"On a été trop vite en besogne sur plusieurs dossiers", résume Pascal Duforestel. Comme sur ce projet de ligne de bus à hautes performances énergétiques, qui devait traverser la ville sur 15 kilomètres, et dont le coût évoqué aurait pu atteindre jusqu'à 100 millions d'euros ! "Ce projet a été très mal perçu. Il nous a coûté cher, dans tous les sens du terme", grince un colistier de Geneviève Gaillard.
Non, la maire sortante était critiquée, et la gauche divisée
Maire très présente sur le terrain, jugée proche de ses administrés, Geneviève Gaillard n'en est pas moins une personnalité critiquée. "C'est une élue qui tranche, qui n'arrondit pas les angles", pointe Yves Revert. "C'est une personnalité assez dure. Soit on l'aime, soit on ne l'aime pas", acquiesce Carla Bucero Lanzi, responsable des Jeunes socialistes dans les Deux-Sèvres. Ce qui explique des relations électriques avec une autre personnalité forte de la région, Ségolène Royal.
Une figure clivante, donc, qui a d'ailleurs suscité des divisions dans son propre camp, du Front de gauche aux écolos, qui ont décidé de défendre leurs propres chances, en passant par le PS local, qui s'est violemment écharpé sur sa désignation comme tête de liste. A l'automne, les militants réclamaient une primaire. La direction nationale leur a refusé, imposant la candidature de Geneviève Gaillard. "On a été très choqués par ce procédé, d'autant que Geneviève Gaillard ne respectait pas son engagement de ne pas cumuler les mandats", se souvient la jeune socialiste Carla Bucero Lanzi. "Les primaires, on les a eues dimanche dernier…", grince-t-on aujourd'hui dans les rangs socialistes, en pointant du doigt la responsabilité de la rue de Solférino.
Non, le candidat élu a fait une campagne locale
En face, "Jérôme Baloge a été très habile", observe Pascal Duforestel, qui mènera dorénavant l'opposition au conseil municipal. Revendiquant une candidature de rassemblement, se présentant comme sans étiquette, le presque quadra, soutenu par la droite, a réussi à s'entourer d'anciens élus de gauche, et notamment de l'ex-maire PS Alain Baudin. Tombé en disgrâce en 2008 dans les rangs socialistes, ce dernier était désireux de prendre sa revanche sur son ancienne camarade. Résultat : "Des gens de gauche ont pu voter pour Baloge sans avoir le sentiment de voter à droite", analyse Yves Revert.
Surtout, "Jérôme Baloge a travaillé et a labouré le terrain pendant près de trois ans pour présenter un projet politique clair", estime la socialiste Nathalie Lanzi, quand dans le même temps, Pascal Duforestel regrette "une dynamique tardive" du côté de Geneviève Gaillard.
"Sous prétexte que Niort était à gauche depuis des lustres, on a sous-estimé la capacité de Jérôme Baloge à l'emporter", pointe Nathalie Lanzi. "On a manqué de lucidité, reconnaît Pascal Duforestel. On a pris le luxe de se dire que Niort était acquise à la gauche." Une erreur fatale. Vendredi matin, pour le premier conseil municipal de la nouvelle mandature, et pour la première fois depuis 1957, le Parti socialiste siègera sur les bancs de l'opposition.
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