"On va vers le cimetière" : le Parti socialiste va-t-il survivre à l'élection présidentielle ?
La candidate socialiste, Anne Hidalgo, est créditée de seulement 2% d'intentions de vote au premier tour. A gauche, les appétits s'aiguisent en vue de la refondation du parti, qui s'annonce gigantesque.
Un peu plus de 6%, 6,36% exactement. Sonné par une défaite retentissante en 2017, après cinq ans au pouvoir, le Parti socialiste a désormais un autre regard sur le score réalisé par Benoît Hamon à la précédente présidentielle. Car, en 2022, la moyenne des intentions de vote en faveur de sa candidate, Anne Hidalgo, atteint difficilement 2%. Dans deux semaines, au soir du premier tour et de sa très probable élimination, la maire de Paris bouclera une campagne aux allures de chemin de croix. Et n'épargnera pas au PS, plus faible que jamais au niveau national, une crise existentielle.
Le fiasco est attendu depuis plusieurs mois. "Ça va être un choc, mais contrairement à Valérie Pécresse et aux Républicains, Anne Hidalgo est assez préparée à être à 3%", grince un cadre du Parti socialiste. "Si elle avait commencé sa campagne à 2% dans les sondages, on aurait pu dire qu'elle s'est démenée pour exister. Là, elle commence à 10% et termine à 2%", tacle un député socialiste. La voix de François Hollande, venu soutenir Anne Hidalgo en meeting à Limoges, mardi 22 mars, ne suffira vraisemblablement pas non plus. "Lui, c'est la corde qui a soutenu le pendu, moque un autre élu. Jusqu'à fin janvier, il cherchait à expliquer à Anne Hidalgo qu'il fallait qu'elle se débranche. Limoges, c'était le rendez-vous des hypocrites."
Un parti à sec
Désormais, le Parti socialiste doit affronter une série d'interrogations, toutes plus difficiles les unes que les autres. Comment reconstruire après un échec qui s'annonce cuisant ? Quelles idées défendre en vue des élections législatives ? La question la plus pressante est celle du score final d'Anne Hidalgo, au soir du dimanche 10 avril. Si elle dépasse les 5%, ses frais de campagne pourront être remboursés, jusqu'à 8 millions d'euros. Si elle ne franchit pas cette barre, seulement 800 000 euros lui seront accordés.
Cet écart n'a rien d'anodin pour le Parti socialiste, à la trésorerie pour le moins famélique. En 2019, il a perdu 5 millions d'euros, avant un déficit de 3,7 millions d'euros en 2020. Début 2021, le PS a dû licencier 12 salariés, soit environ un quart de l'effectif des permanents. Aujourd'hui, "il n'y a pas un endettement considérable, seulement 1,2 million d'euros", analyse l'ex-député René Dosière, spécialiste des finances publiques.
"On n'en est pas à mettre la clé sous la porte, mais la situation est difficile."
René Dosière, ancien député PSà franceinfo
En prévision d'un printemps électoral compliqué, le PS a cherché à se séparer de son siège d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). C'est là, près de Paris, que les socialistes s'étaient installés en 2018 après la vente du siège historique de la rue de Solférino, dans le centre de la capitale. Un échange était prévu avec les locaux de la Fondation Jean-Jaurès, dans le 9e arrondissement. Le groupe de réflexion a renoncé à cette transaction croisée en raison d'un problème de zone inondable. Le PS restera donc à Ivry-sur-Seine, sans pouvoir compter sur la vente de ce bien immobilier. "On n'est pas obsédé par l'idée de bouger du siège, les salariés s'y sentent bien", défend la direction.
Olivier Faure menacé ?
Ils vont pourtant être soumis à une période de fortes turbulences dans les semaines et les mois à venir. Car tout le monde au PS pense aux conséquences d'une nouvelle élimination au premier tour. "Il faut se projeter dans la reconstruction d'une gauche de gouvernement", a affirmé Anne Hidalgo sur France 2, jeudi 24 mars, comme pour évacuer au plus vite son possible score à un chiffre pour se concentrer sur l'après.
François Hollande n'est pas en reste. "A nous d'être là, dès le 10 avril. C'est déjà demain qu'il faut regarder. J'y prendrai toute ma part. Je ne céderai rien de ce que j'ai moi-même porté", a-t-il lancé avant de laisser la parole à la candidate socialiste, à Limoges. On prête à l'ancien président des ambitions pour les prochaines législatives, en Corrèze, son fief. Ses proches, qui balayaient l'hypothèse il y a quelques mois, ne l'excluent plus aujourd'hui.
Candidat ou pas en juin, François Hollande a promis une "initiative" après le scrutin. Lui, comme d'autres, se penchent déjà sur la reconstruction du Parti socialiste, dont il fut le premier secrétaire de 1997 à 2008. Le chantier s'annonce gigantesque. "Le PS ne s'en tirera pas par un congrès, il faut tout changer", estime Bernard Jomier, sénateur et conseiller d'Anne Hidalgo. "C'est la refondation qui s'annonce."
"Il faut repartir sur le fond. Si c'est juste pour changer une tête, ce n'est pas la peine."
Un membre de l'équipe de campagne d'Anne Hidalgoà franceinfo
Le poste d'Olivier Faure, premier secrétaire depuis 2018, est clairement visé. "Son bilan est catastrophique", critique un élu d'Ile-de-France. "Sa motion pour sa réélection, c'était 'De la renaissance à l'alternance'. Aujourd'hui, c'est plutôt vers le cimetière qu'on va." Mis en cause, le premier secrétaire s'attend à des semaines difficiles. "Ceux qui veulent me faire tanguer vont chercher à me faire tanguer", confie-t-il.
Des législatives pour sauver les meubles
La refonte attendue du Parti socialiste ira-t-elle jusqu'au changement de nom, le premier depuis la fin de la Section française de l'internationale socialiste (SFIO), en 1969 ? "Il faudrait tourner la page du PS, le parti est à bout", défend Bernard Jomier. "A défaut du nom, les idées qu'on appelle 'social-démocrates' restent présentes", insiste René Dosière.
"Le changement de nom, c'est l'aboutissement. L'entreprise Apple, quand elle allait mal, a d'abord changé le produit pour séduire à nouveau."
Un ténor du PSà franceinfo
La reconstruction se fera dans tous les cas sous l'œil intéressé de ceux qui ont déjà rejoint Emmanuel Macron... et qui cherchent à attirer de nouveaux socialistes déçus. Déjà, Territoires de progrès (TDP), le mouvement de l'aile gauche de la majorité actuelle, guette avec appétit l'éclatement du PS. "S'ils sont sous les 5%, ce sera la plus grande catastrophe politique du PS sous la Ve République. Aujourd'hui, il y a une grande opportunité pour que l'histoire de la social-démocratie se poursuive mais avec Emmanuel Macron s’il est réélu", espère Eduardo Rihan-Cypel, ancien député PS, qui soutient désormais le président sortant.
Des hordes d'élus socialistes vont-ils se convertir au macronisme ? "Il faut déjà qu'il y ait un troupeau", moque un ancien parlementaire. Et les députés socialistes, eux, veulent continuer à évoluer en meute. Les 29 parlementaires du groupe PS jouent leur siège à l'Assemblée nationale, en juin prochain. Et la claque attendue dans deux semaines leur complique la tâche. "On n'a pas d'argent pour faire campagne", craint un cadre. "On n'est pas condamnés à être moins nombreux, réplique un autre. Sur le terrain, beaucoup de gens nous disent que pour la présidentielle, c'est cramé pour nous. En revanche, ils voteront pour nous en juin pour ne pas laisser les mains libres à Emmanuel Macron."
Un déchirement à venir ?
Alors que la campagne du chef de l'Etat est marquée par des propositions libérales sur le RSA ou les retraites, "il faudra mettre l'accent sur ces thèmes", anticipe Bernard Jomier. Le sénateur rappelle la proposition controversée de Nicolas Sarkozy sur la TVA sociale en 2012, responsable selon lui d'une perte de "30 à 50 sièges à droite" aux législatives suivantes. "La proposition d'Emmanuel Macron sur le RSA, ça peut être sa TVA sociale", veut croire un député PS.
En attendant cette éclaircie incertaine avant l'été, le Parti socialiste veut terminer dignement la séquence présidentielle. Un dilemme pourrait toutefois se présenter en vue du second tour. "Si c'est Jean-Luc Mélenchon qui se qualifie face à Emmanuel Macron, il y aura une explosion du PS, se réjouit un membre du gouvernement. Il devra enfin répondre à son tiraillement entre radicalité et social-démocratie."
Déjà, le sénateur Patrick Mennucci a affirmé dans les colonnes de Libération qu'il voterait pour le président sortant, tandis que la porte-parole d'Anne Hidalgo, Dieynaba Diop, a déclaré sur franceinfo que son choix personnel la porterait vers Jean-Luc Mélenchon. Eliminé puis déchiré, le parti à la rose pourrait bien finir la campagne totalement fané.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.