Déçus du RN, ex-fillonistes, "gilets jaunes"… On a rencontré les Français qui étaient au meeting d'Eric Zemmour
Pour son premier meeting de candidat à la présidentielle, l'essayiste d'extrême droite a rassemblé environ 12 000 personnes au Parc des expositions de Villepinte, dimanche 5 décembre. Franceinfo a rencontré celles et ceux qui avaient fait le déplacement.
Dimanche 5 décembre, 14 heures. Les rames du RER B sont bondées à la station Châtelet, en direction du parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Des groupes de jeunes gens coiffés de bérets façon Gavroche, des couples de retraités aux drapeaux tricolores dépassant du sac, ou encore des militants de Génération Z échangent bruyamment entre eux. Tous ont répondu présents à l'appel d'Eric Zemmour, leur nouveau champion. L'ancien éditorialiste d'extrême droite donne son tout premier meeting, cinq jours après avoir annoncé officiellement sa candidature à l'élection présidentielle de 2022 dans une vidéo publiée sur YouTube.
Sur place, des militants identitaires vendent à la criée un journal de propagande. "Ah, la vraie presse ! C'est pas comme tous ces médias macronistes", lance un jeune homme, mèche blonde coiffée sur le côté. Un peu plus de "15 000" chaises ont été installées dans la salle, selon les organisateurs coordonnés par Olivier Ubéda, le grand manitou du show.
A l'entrée, de nombreux contrôles d'identité, sans obligation de montrer son pass sanitaire. Un masque rose a été déposé sur chaque siège, mais beaucoup de participants décident de ne pas le porter. "Ce virus n'existe pas et le vaccin ne sert à rien, on le voit bien avec la reprise actuelle de l'épidémie", se justifie Bernard, "'gilet jaune' depuis le premier jour". Ce chauffeur de poids lourds bordelais de 53 ans est ravi d'être là. Il se félicite que Jacline Mouraud, l'une des anciennes figures des "gilets jaunes", rejoigne les rangs du candidat Zemmour.
"J'ai l'espoir que les revendications des 'gilets jaunes' soient portées par Eric Zemmour, notre futur président."
Bernard, chauffeur routier et "gilet jaune"à franceinfo
La salle se remplit rapidement. Les âges et profils des participants sont très variés mais pas vraiment cosmopolites. Des groupes d'amis, des étudiants, des couples de retraités, des familles avec enfants, mais aussi des chefs d'entreprise en costume-cravate, des avocats, des notaires ou des élus de province… Certains sont venus de loin, à l'instar de Titouan et son père Willy, descendus d'Amiens.
"Je le trouve sincère, contrairement aux autres"
"Quand j'ai dit que j'allais assister au meeting d'Eric Zemmour, certains membres de ma famille m'ont traité de facho ! Mais Eric Zemmour n'est pas d'extrême droite, il aime simplement son pays : la France", juge Titouan, 26 ans. Il y a encore trois mois, il ne connaissait pas le candidat d'extrême droite, condamné par la justice pour "provocation à la haine raciale" et "provocation à la haine religieuse", et poursuivi dans plusieurs autres affaires, notamment pour "injure raciste". C'est son père, la cinquantaine, qui le lui a fait découvrir "sur YouTube et dans l'émission 'Zemmour et Naulleau'".
Si les deux hommes, respectivement agent de sécurité et cadre à la SNCF, ont tenu à faire une heure et demie de route, c'est parce que "tout leur plaît" chez Eric Zemmour. Le jeune homme, qui arbore un tee-shirt à l'effigie du candidat, est catégorique : "Contrairement à tous les autres, je le trouve sincère. Il fera ce qu'il dit et ne fera pas tout ça pour la gloire, mais pour la France et les Français."
C'est aussi ce que pense Marie-Ombeline, venue soutenir l'essayiste dont les propos misogynes font "office de repoussoir" pour une majorité d'électrices, comme le souligne un récent sondage Ifop. Casquette rouge "Zemmour 2022" vissée sur la tête, drapeau tricolore dans la main droite et pancarte "Ben voyons !" (gimmick verbal du candidat) dans l'autre, la Toulousaine de 24 ans affirme avoir été agressée "à plusieurs reprises dans la rue en pleine journée". Dans l'espoir que cela ne se reproduise plus, elle a décidé de voter Eric Zemmour, "le seul candidat qui pourra protéger les Français", selon elle.
Sixtine, 22 ans, abonde dans le même sens. Cette étudiante infirmière a même rejoint le staff de campagne du candidat, accusé d'agressions sexuelles par sept femmes. "C'est le seul qui pourra protéger les femmes s'il est élu. J'ai des copines aujourd'hui qui ont peur de sortir leur chien et qui préfèrent le laisser faire ses besoins dans leur appartement pour éviter de faire une mauvaise rencontre. Vous vous rendez compte ?" assure cette représentante active du collectif Les femmes avec Zemmour. Le thème de l'insécurité revient souvent dans les travées du parc des expositions. "Ma fille a 9 ans, mais quand demain elle voudra sortir en boîte, j'aurai la boule au ventre et ça, je veux que ça cesse", lance ainsi Titouan.
L'immigration au centre des préoccupations
Mais c'est avant tout le combat de l'ancien éditorialiste contre l'immigration qui rassemble la plupart des participants que franceinfo a rencontrés. Pour Pierre, il existerait actuellement "une forme de dépossession de la France de ses valeurs traditionnelles". Ce cadre supérieur de 31 ans, venu avec un groupe d'amis, ne souhaite pas communiquer son identité précise ni être pris en photo. "Si mon autre cercle d'amis venait à savoir que je suis venu ici, ils me traiteraient automatiquement de raciste et je ne pourrais plus jamais les voir", regrette-t-il.
Originaire de Marseille, il assure avoir vu sa ville "se dégrader" ces dernières années, et met en cause l'immigration, "incontrôlée" selon lui. "Zemmour fait le bon diagnostic. Nous ne sommes plus en France à Marseille", assène-t-il. Pour Willy, qui justifie sa présence par le fait qu'Eric Zemmour serait le seul candidat capable de lutter contre l'immigration illégale, il faut aller plus loin, en réduisant les aides sociales pour ceux qui ne recherchent pas un emploi. "De toute façon, les Français vont pouvoir s'exprimer sur le sujet avec le référendum sur l'immigration que veut organiser Eric Zemmour s'il est élu. Il fera ce qu'il dit, contrairement à Nicolas Sarkozy qui avait acheté son Kärcher chez Lidl", lâche-t-il.
Antoine, lui, se sent directement concerné par ce qu'il appelle "ces problèmes de flux migratoires en France". Né sur le sol français d'une mère vénézuélienne, cet étudiant en école d'ingénieurs en région parisienne dit ne pas comprendre "pourquoi tous les étrangers qui s'installent en France n'ont pas le même niveau d'intégration". Venu à Villepinte avec des amis déjà convaincus, ce jeune homme de 20 ans, qui assiste à son premier meeting politique, veut tout de même se laisser le temps de réfléchir : "J'ai voté pour les écologistes aux élections européennes et pour Les Républicains aux municipales. Je me cherche encore, mais c'est vrai qu'Eric Zemmour dit des vérités qui me plaisent bien."
Ex-fillonistes et déçus de Marine Le Pen
Cette volatilité électorale est présente chez de nombreuses personnes venues écouter Eric Zemmour parce qu'ils l'ont "vu à la télé chez Laurent Ruquier ou sur CNews". C'est le cas de Catherine. Cette retraitée a lu tous les livres de l'ancien polémiste et a tenu à venir car elle se dit déçue par Les Républicains. "Les LR font une politique de gauche, trop Macron-compatible et trop pro-Union européenne pour moi. J'ai même déchiré ma carte depuis que je sais que c'est Valérie Pécresse qui représentera le parti", explique-t-elle. Avec son mari Jean-Pierre, cette grand-mère de 71 ans a soutenu François Fillon en 2017, "un candidat qui incarnait à l'époque la vraie droite", selon elle.
Elle n'est pas la seule. Eric Zemmour compterait de plus en plus de déçus de la droite républicaine et d'anciens fillonistes parmi ses partisans. "Nous étions tous au Trocadéro en 2017 [pour le rassemblement de soutien à François Fillon], mais Les Républicains ont été incapables durant le quinquennat d'Emmanuel Macron d'être une opposition crédible. Même Eric Ciotti, c'est un astre mort", ironisent ainsi Xavier et Jonathan, deux amis venus de Strasbourg. D'autres hésitent entre Marine Le Pen et Eric Zemmour. Jean-Baptiste Vendeville, ancien cadre du Front national de la jeunesse (FNJ), s'est ainsi déplacé par curiosité. "Je n'ai pas fait mon choix entre les deux candidats, mais je trouve très impressionnant qu'un novice en politique rassemble autant de monde avec cette ferveur-là", confie le trentenaire.
A deux rangs de lui, Henri, 23 ans, est fier d'agiter le drapeau tricolore, de chanter la Marseillaise et de huer les journalistes durant le discours d'Eric Zemmour. "Oui, c'est notre Donald Trump à nous ! Et alors, ça vous dérange ? Vous êtes encore un de ces journalistes de gauche qui nous censurent ?" attaque-t-il lorsqu'on l'interroge sur sa présence à Villepinte. Un ton à l'image de la tension qui régnait dans le meeting, au cours duquel une équipe de journalistes de l'émission "Quotidien" a été prise à partie, des militants de SOS Racisme violemment agressés et des journalistes de Mediapart frappés à la tête. Ces derniers ont porté plainte lundi, et le parquet de Bobigny a ouvert une enquête sur "les faits de violences commis à l'intérieur du meeting".
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