Salarié, chômeur, chef d'entreprise… Si Jean-Luc Mélenchon devient président, voici ce qui changera pour vous
Le candidat de la France insoumise défend un programme reposant sur un peu plus de 270 milliards d'euros de dépenses publiques.
Son programme repose sur sept grands piliers – de la VIe république à l'Europe en passant par l'écologie – et sur 273 milliards d'euros de dépenses publiques. Candidat pour la deuxième fois consécutive à l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a détaillé et chiffré, à la mi-février, le projet qu'il compte mettre en œuvre s'il est élu à l'Elysée, le 7 mai.
Un projet qui s'appuie sur des emprunts massifs, et des prévisions de croissance optimistes : le candidat de la France insoumise table, en effet, sur une progression du PIB de 2% dès 2018, et sur un déficit public réduit à 2,5% à la fin du quinquennat, après un dérapage à 4,8% en 2018. Des prévisions loin de celles envisagées, pour l'instant, par les organismes internationaux ou le gouvernement de François Hollande.
Augmentation du smic, contraintes supplémentaires pour les chefs d'entreprise, référendums réguliers... Voici à quoi vous devez vous attendre si Jean-Luc Mélenchon est élu à l'Elysée le 7 mai, et s'il parvient à mettre en œuvre le programme qu'il défend.
Si vous êtes salarié
Vous pourrez travailler moins. Jean-Luc Mélenchon assure que "réduire le temps de travail, c'est travailler moins pour travailler tous". Le député européen compte donc "appliquer réellement et immédiatement les 35 heures", "généraliser une sixième semaine de congés payés" et majorer les heures supplémentaires (de 25% pour les quatre premières, et d'au moins 50% au-delà). Jean-Luc Mélenchon souhaite aussi "aller vers les 32 heures" hebdomadaires de travail.
Son cadrage économique prévoit l'augmentation des salaires de six points en moyenne. Si vous êtes au smic, votre salaire sera augmenté de 15%. Le salaire minium net mensuel passerait ainsi de 1 149 euros à 1 326 euros. Une mesure coûteuse, mais "utile économiquement", défend Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, interrogé par franceinfo : "En réinjectant cet argent, c'est l'économie qui est relancée". Par ailleurs, aucun revenu ne pourra être fixé sous le seuil de pauvreté (environ 800 euros par mois pour une personne seule) en tenant compte de la composition familiale.
Si vous êtes retraité (ou approchez de la retraite)
Le temps de cotisation pour une retraite à temps plein sera réduit à quarante annuités : si à 60 ans, vous avez cotisé pendant quarante ans, vous pourrez ainsi partir à la retraite. Actuellement, l'âge légal est fixé à 62 ans, exception faite pour les salariés qui ont commencé à travailler avant 20 ans ou ceux qui ont un métier pénible. La cotisation pour une retraite à taux plein est de 41 annuités et demi. La reforme de 2013 prévoit, cependant, qu'à l'horizon 2030, il faudra avoir cotisé 43 annuités pour prétendre à une retraite à taux plein.
Jean-Luc Mélenchon défend aussi une revalorisation des petites retraites. Coût global des dépenses liées à toutes ces propositions : 32 milliards d'euros, selon le chiffrage du candidat. Le candidat de la France insoumise estime qu'il s'agit là d'une "urgence sociale", qui sera bénéfique et rentable notamment grâce à de nombreuses créations d'emplois et à la relance du pouvoir d'achat.
Pour certains, l'addition semble malgré tout salée. Pour la financer, "il faudrait augmenter les taux de cotisations d'environ quatre points. C'est-à-dire prendre ces quatre points soit aux salariés, soit aux entreprises", pointe l'économiste Henri Sterdyniak, membre de l'Observatoire français des conjectures économiques, interrogé par franceinfo. Mais Jean-Luc Mélenchon, lui, évoque une autre solution : relever le salaire des femmes – et donc leurs cotisations pour la retraite – au même niveau que celui des hommes : "Si vous mettez toutes les femmes qui aujourd'hui cotisent, au niveau du salaire des hommes, eh bien, vous pouvez financer, euro pour euro, la retraite à 60 ans avec 40 annuités. Voilà la solution !", assure-t-il.
Si vous êtes contribuable
Vous pourriez payer plus d'impôts. Pour développer de meilleurs services publics, le taux de prélèvements obligatoires passerait de 45% du PIB, aujourd'hui, à 49,2% en 2022. Jean-Luc Mélenchon entend "mener la révolution fiscale". Pour cela, il compte transformer la CSG et l'impôt sur le revenu en un "impôt citoyen sur les revenus". Pour être plus juste, il sera rendu plus progressif, avec un barème passant de 5 à 14 tranches. Pour instaurer un revenu maximal, la tranche supérieure à "vingt fois le revenu médian" sera imposée à 100%. Le salaire mensuel médian s'établissant actuellement à 1 772 euros net, cela signifierait que tous les revenus au-delà de 35 440 euros seraient imposés à 100%.
Si vous vivez à l'étranger, vous resterez un contribuable français. Le mouvement de la France insoumise souhaite créer "l'impôt universel" pour tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence. Vous payerez donc ce que vous devez dans le pays où vous vivez et, s'il y a une différence avec ce que vous auriez dû payer au fisc français, vous allez devoir vous acquitter de la différence. "Qu'on ne me dise pas que ce n'est pas possible, puisque ça se pratique aux Etats-Unis", défend Jean-Luc Mélenchon.
Pour les sportifs de haut niveau, toute forme de défiscalisation ou de réduction de cotisations sociales sur les revenus sera refusée. Tout sportif devra donc être fiscalement domicilié en France.
Si vous êtes chef d'entreprise
La loi Travail sera abrogée, et "la hiérarchie des normes sociales" rétablie. En tant que chef d'entreprise, vous ne pourrez donc plus passer d'accord d'entreprise qui serait moins favorable que l'accord de branche professionnelle ou que le code du travail – même si les syndicats sont d'accord. Seule exception : si "l'accord d'entreprise est favorable aux salariés".
Comme mentionné plus haut, vous devrez, par ailleurs, faire en sorte que les écarts entre le plus bas et le plus haut salaire ne puissent pas dépasser une échelle de 1 à 20 dans votre entreprise. De toute façon, Jean-Luc Mélenchon souhaite instaurer un revenu maximum, calculé sur la base de 20 fois le revenu médian, soit environ 360 000 euros par an.
Si vous comptez, parmi vos salariés, des contrats à durée déterminée (CDD, intérim, etc.), vous devrez respecter un quota maximum. Pour lutter contre "l'esclavagisme" de ces contrats qu'il juge précaires, Jean-Luc Mélenchon veut imposer des limites : pas plus de 10% de contrats précaires dans les PME, et pas plus de 5% dans les grandes entreprises.
D'autre part, toutes les entreprises auront l'obligation d'adopter un plan contre les inégalités de salaires et de carrière entre les hommes et les femmes. Actuellement, cette obligation est limitée aux entreprises de plus de 50 salariés. Si un accord n'est pas signé, les sanctions financières et pénales seront augmentées.
Si vous êtes au chômage
Si vous perdez votre emploi, l’indemnisation chômage sera proposée "dès le premier jour, même pour les démissionnaires", relève Libération. "La mesure, dont le coût est estimé par l’équipe de Mélenchon à 2 milliards d’euros (coût net en fin de mandat), concernerait 500 000 personnes en début de mandat", précise le quotidien.
Jean-Luc Mélenchon promet différentes mesures pour vous offrir davantage de possibilités d'emploi. Grâce à la relance économique qu'il appelle de ses vœux, le candidat de la France insoumise estime que pas moins de deux millions d’emplois seront créés dans le domaine marchand. La transition écologique qu'il défend pourrait aussi, selon lui, doper les créations d'emplois, notamment dans le secteur des énergies renouvelables.
En créant plus de 3 millions d'emplois, le député européen compte ainsi réduire le taux de chômage à 6% d'ici à 2022 (contre 10% aujourd'hui). Du jamais-vu depuis la fin des années 1970.
Par ailleurs, si vous êtes sans emploi et que vous arrivez en fin de droits, vous pourrez vous retourner vers l'Etat pour que celui-ci vous fournisse un emploi. C'est le grand principe de la "sécurité sociale intégrale" prônée par Jean-Luc Mélenchon, et qui équivaudrait à un "droit opposable à l'emploi" par lequel l'Etat devient "l'employeur en dernier ressort". Concrètement, l'Etat serait tenu de proposer à un chômeur de longue durée "un emploi en lien avec sa qualification sur une mission d'intérêt général".
Si vous êtes agriculteur
Vous allez être incités à passer au bio. Pour le candidat de la France insoumise, il faut passer de "l'agriculture productiviste à l'agriculture durable". "Je pense qu'il y a une forme d'agriculture qui condamne la planète", prévient Jean-Luc Mélenchon, qui entend notamment bannir les OGM, les engrais de synthèse et les pesticides nuisibles.
Vous aurez aussi accès plus facilement aux circuits courts, une priorité de Jean-Luc Mélenchon pour relancer positivement l'économie agricole. Pour y arriver, il compte plafonner les marges de la grande distribution, interdire les ventes à perte pour les agriculteurs, et créer des partenariats avec la restauration publique. De quoi créer 300 000 emplois agricoles "à l'horizon de dix ans", estime le candidat à la présidentielle.
Si vous êtes un jeune agriculteur, le candidat s'engage à aider votre installation, en limitant, notamment, la concentration des terres et la course à l'agrandissement.
A l'échelon européen, Jean-Luc Mélenchon "exige" aussi à une "refondation de la politique agricole commune". "La PAC ne permet plus la régulation des marchés. (...) Les subventions restent dépendantes de la taille des exploitations, ce qui favorise les plus grandes et accélère l’expansion d’une agriculture productiviste", déplore-t-il dans le livret agricole de son programme.
Si vous êtes enseignant (ou si vous avez des enfants à l'école)
La réforme du collège de 2016 sera abrogée. Cette loi instaurait, notamment, des enseignements pratiques interdisciplinaires, et introduisait des changements de programmes, comme en histoire. Si Jean-Luc Mélenchon est élu président, la scolarité, actuellement obligatoire de 6 à 16 ans, le sera de 3 à 18 ans, "en adaptant les pédagogies et les parcours scolaires". Le bac professionnel, par exemple, sera étendu à quatre années, contre trois actuellement.
Dans le public, la gratuité sera assurée et renforcée : cantine, transports, activités périscolaires... Des fournitures sans marque seront aussi délivrées gratuitement aux élèves. Une mesure prônée "depuis des années" par la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), marquée à gauche. A elle seule, cette gratuité étendue coûterait 5,2 milliards d'euros, selon l'équipe du candidat.
Jean-Luc Mélenchon affiche aussi sa volonté de recruter au moins 60 000 enseignants supplémentaires sur le quinquennat.
Si vous travaillez dans le supérieur, notamment dans la recherche, les financements seront revus. Les budgets des universités seront augmentés et les rémunérations unifiées. Les cursus courts (DUT, BTS...) seront davantage mis en valeur, pour encourager la poursuite d'études après le bac. Dans chaque université, la France insoumise aimerait aussi créer une université populaire : un endroit ouvert à tous où les chercheurs et la population pourront échanger des savoirs.
Si vous votez (ou aimeriez voter)
Jean-Luc Mélenchon président, une VIe république sera instaurée. Vous pourrez aller voter à partir de 16 ans, et non plus 18 ans, comme c'est le cas actuellement. Le droit de vote sera instauré comme une obligation. En contrepartie, le vote blanc sera reconnu comme un suffrage exprimé.
Si vous êtes étranger extra-communautaire en situation régulière, votre droit de vote aux élections locales sera reconnu, comme c'est déjà le cas pour les ressortissants des pays de l'Union européenne.
De manière générale, votre parole pourra avoir plus de poids et de visibilité. Un référendum à l'initiative citoyenne sera installé pour cela. Jean-Luc Mélenchon souhaite aussi instaurer la possibilité de révoquer un élu en cours de mandat, par référendum sur demande d'une partie des électeurs. Des projets de votes citoyens déjà évoqués par le candidat en 2012, mais qui restent assez flous sur leur mise en pratique.
Vous pourrez aussi prendre connaissance du patrimoine de vos élus qui auront l'obligation de le rendre public à la Haute autorité pour plus de transparence et éviter la corruption. D'autre part, le cumul des mandats, y compris dans le temps, sera interdit. Et les candidats/élus condamnés pour corruption seront inéligibles à vie.
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