: Vidéo Les mots de la campagne présidentielle de 2022 : proportionnelle
Franceinfo a interrogé le politologue Loïc Blondiaux pour revenir sur ce mode de scrutin évoqué par plusieurs candidats à l'élection présidentielle.
C'est un serpent de mer qui revient à intervalles réguliers. L'idée d'avoir recours à la proportionnelle pour les élections législatives est défendue par plusieurs candidats à la présidentielle. "La France a besoin de plus de démocratie, ce qui veut dire la mise en place de la proportionnelle", a notamment déclaré Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national, le 14 septembre, sur Europe 1. Yannick Jadot, le candidat écologiste, l'a également évoquée, début septembre, sur LCI.
Pour mieux comprendre cette règle électorale, franceinfo a interrogé le politologue Loïc Blondiaux, qui enseigne à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. "La proportionnelle, c'est un mode de scrutin. C'est-à-dire une manière de transformer les voix en sièges [à l'Assemblée nationale]. Une manière de répartir les voix et d'attribuer les sièges entre les différents partis en fonction de leurs résultats électoraux", explique-t-il.
Un mode de scrutin qui favorise les oppositions
Actuellement, les élections législatives françaises se font au scrutin majoritaire. Mais si la proportionnelle avait été appliquée en 2017, LREM aurait compté une centaine de sièges en moins et n'aurait donc pas eu la majorité absolue à l'Assemblée nationale, souligne Loïc Blondiaux. "La France insoumise aurait eu deux fois plus de sièges" et "le Rassemblement national aurait multiplié par dix son nombre de sièges, c'est-à-dire qu'il en aurait eu 81 alors qu'il n'en a eu que huit", relève le spécialiste.
On assisterait à un vrai rééquilibrage des forces au Parlement et pour certains, il deviendrait beaucoup plus représentatif politiquement qu'il ne l'est aujourd'hui.
Loïc Blondiaux, politologueà franceinfo
Face à ces simulations, "on comprend mieux pourquoi finalement les extrêmes et les forces minoritaires, qui sont effectivement un petit peu sacrifiés au scrutin majoritaire, demandent la proportionnelle", résume l'universitaire.
En Europe, "la norme, c'est la proportionnelle"
Le recours au scrutin proportionnel n'est pas qu'une demande des oppositions françaises. En Europe, "la norme, c'est la proportionnelle", tranche Loïc Blondiaux. Aux Pays-Bas, la proportionnelle "est exercée à l'échelle d'une seule circonscription nationale. Donc on a des vrais effets de proportionnelle". Le politologue note aussi que l'Italie, depuis une réforme relativement récente, a désormais "un régime mixte, très majoritaire et un peu proportionnel". Le spécialiste mentionne également le cas de l'Allemagne. "En fait, le régime allemand dont on dit qu'il est mixte, il est proportionnel", juge-t-il.
Comment expliquer cette réticence de la France ? Le débat autour de la proportionnelle "est presque aussi vieux que la République", estime le politologue. "Sous la IIIe République, il y avait déjà des mouvements importants qui militaient pour la proportionnelle et on a même eu un épisode entre 1919 et 1928 de recours à la proportionnelle en France", rappelle-t-il.
Une promesse toujours enterrée
Loïc Blondiaux identifie au moins deux raisons au blocage. La première "renvoie à l'instabilité ministérielle qui est censée être la conséquence du scrutin proportionnel, et qui a été observée notamment sous la IVe République". La deuxième se trouve, selon lui, dans le "présidentialisme de la Ve République". Dès lors que les élections législatives suivent l'élection présidentielle, elles offrent, en général, au président "une majorité très puissante qui, en quelque sorte, écrase le Parlement, et lui donne de très grandes marges de manœuvre avec la quasi-certitude de ne pas être renversée". C'est pour cette raison que "les présidents, une fois arrivés au pouvoir, hésitent à changer les règles du jeu".
La promesse de campagne d'Emmanuel Macron d'introduire une dose de proportionnelle aux législatives a finalement été écartée, en mars. Les principaux responsables parlementaires de la majorité ont estimé que "les conditions n'étaient pas réunies".
Toutefois, l'idée n'est pas totalement mise de côté. "Les Français ont le sentiment d'une immense injustice devant laquelle tout le monde est indifférent", a déclaré François Bayrou, le président du MoDem, en juillet. Il défendait, au micro de RTL et LCI, la tenue d'un référendum cet automne pour introduire une fraction de proportionnelle dès les élections législatives de 2022. Mais cette mesure ne convainc pas Loïc Blondiaux, estimant qu'elle ne serait "pas du tout suffisante pour changer la logique actuelle de renforcement des partis arrivés en tête".
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