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Refus de la primaire à gauche par Yannick Jadot : "Il pressent qu'Anne Hidalgo va abandonner", selon un politologue

"J'ai toujours pensé que la primaire à laquelle on allait assister est une primaire par les sondages et c'est exactement ce qui est en train de se passer", explique le professeur de sciences politiques Rémi Lefebvre.

Article rédigé par franceinfo
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Anne Hidalgo et Yannick Jadot, le 17 avril 2021. (THOMAS SAMSON / POOL)

"Yannick Jadot pressent qu'Anne Hidalgo va abandonner et donc se dit qu'il va pouvoir récupérer ses voix", explique le politologue Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Lille 2 et chercheur au Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps), jeudi 9 décembre sur franceinfo, après que le candidat écologiste à la présidentielle a refusé la proposition de primaire de la gauche de sa rivale socialiste Anne Hidalgo.

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franceinfo : Pourquoi les autres candidats de gauche à la présidentielle refusent-ils la proposition de primaire de la gauche d'Anne Hidalgo ?

Rémi Lefebvre : Ce n'est pas une surprise. J'ai toujours pensé que la primaire à laquelle on allait assister est une primaire par les sondages et c'est exactement ce qui est en train de se passer. Yannick Jadot pressent qu'Anne Hidalgo va abandonner et se dit qu'il va pouvoir récupérer ses voix puisque l'électorat socialiste et l'électorat écologiste sont assez proches sociologiquement et politiquement. En gros, le jeu politique à gauche va se décanter, il va y avoir moins de candidats, et chacun espère l'emporter. À un moment donné, les électeurs vont se concentrer sur un ou deux candidats, ce qui avait été le cas rappelons-le en 2017 puisque Jean-Luc Mélenchon avait capté le vote utile et était devenu le vote de rassemblement à gauche. C'est le calcul que Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon font lors de ce scrutin. Fabien Roussel c'est autre chose, parce que lui, de toute façon, cherche à défendre la marque communiste et sera candidat quoi qu'il arrive.

"À partir de janvier, on va avoir peut-être un paysage politique qui va se simplifier, on aura peut-être moins de candidats à gauche et peut-être un duel entre Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon."

Rémi Lefebvre, politologue

à franceinfo

Et donc la question est de savoir qui va l'emporter dans les sondages. Peut-être que Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon se rendront compte qu'ils sont eux-mêmes dans une impasse mais pour l'instant je ne vois pas vraiment d'issue.

Pensez-vous que les électeurs des partis de gauche sont favorables à cette primaire ?

Ce que les sondages nous disent, du point de vue de la demande, c'est que les électeurs sont bien plus unitaires que les dirigeants de gauche. Même les électeurs de la France insoumise sont à 60 % favorables à un rassemblement de la gauche. Je pense qu'il y a un vrai risque aujourd'hui pour la gauche, c'est que le désespoir monte encore un peu plus chez les électeurs de gauche qui ne voient pas d'issue à cet éclatement et que finalement ils choisissent la voie de l'abstention. C'est une hypothèse qu'il faut prendre en compte. Vue la droitisation du débat public, où l'on ne parle depuis trois semaines ou un mois plus que d'Éric Zemmour, de Marine Le Pen et maintenant le duel entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, la gauche est en train de s'effacer du paysage politique. C'est ça aussi que traduisent sans doute les initiatives qu'ont prises Arnaud Montebourg et Anne Hidalgo. C'est une réaction par rapport à cet effacement total de la gauche qui n'est pas audible, d'autant moins qu'elle est désunie. Évidemment, pouvoir structurer le débat public est beaucoup plus compliqué quand vous avez des candidats qui sont nombreux et qui passent beaucoup de temps à se différencier les uns les autres.

Plusieurs personnes évoquent une candidature d'union de Christiane Taubira. Est-ce possible ?

Cela fait des mois qu'on parle de ce recours à Christiane Taubira. Il y a quelque chose de l'ordre de la mythologie avec le recours comme ça à une femme providentielle dont l'aura plane un peu sur la vie politique, qui est une conscience morale de la gauche. Pourquoi pas. Ça peut être une option pour débloquer la situation mais je ne suis pas sûre que Christiane Taubira soit vraiment très encline à se lancer dans cette bataille. Et puis ce serait dans quel cadre ? Si c'est rajouter une candidature aux autres, ça va être compliqué, et par ailleurs Christiane Taubira n'a pas de parti politique donc elle retomberait dans les écueils de la candidature d'Arnaud Montebourg. Aujourd'hui, il faut quand même adosser sa candidature à une organisation, ne serait-ce que pour la financer. Je pense qu'elle accepterait de se lancer si la Primaire populaire [mouvement citoyen qui plaide pour une candidature commune à gauche pour la présidentielle] réussissait à rassembler autour de son initiative, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui. C'est une incertitude de la campagne.

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