Elections régionales en Paca : on vous résume deux semaines de tempête politique après la tentative d'alliance entre Renaud Muselier et LREM
Le parti de droite accorde finalement son soutien au président de région sortant, Renaud Muselier. Mais à condition qu'aux régionales, celui-ci ne prenne ni ministre, ni parlementaire de La République en marche sur sa liste du premier tour.
Rien ne dit que que la crise à droite soit terminée en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Le parti Les Républicains (LR) se déchire depuis que le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé, le 2 mai, le retrait de la liste de La République en marche (LREM) pour les élections régionales des 20 et 27 juin, au profit de celle conduite par le président LR sortant de la région, Renaud Muselier.
Depuis, le feuilleton a connu des rebondissements quotidiens. Chez Les Républicains, Renaud Muselier s'est vu désinvesti, puis finalement réinvesti sous conditions, tandis que certains élus LR ont claqué la porte. Mais les remous ont aussi touché le parti présidentiel. La secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, Sophie Cluzel, avait annoncé le 7 mai être toujours "candidate de la majorité présidentielle".... avant de faire marche arrière six jours plus tard. Franceinfo retrace ces semaines politiques agitées dans le sud-est de la France.
Acte 1 : Jean Castex annonce l'abandon de la liste LREM au profit de LR
Tout part d'un entretien au Journal du dimanche le 2 mai. Le Premier ministre, Jean Castex, y annonce le retrait de la liste LREM en Paca, dès le premier tour des régionales, au profit de celle conduite par le LR Renaud Muselier. Le chef du gouvernement, lui-même issu de LR, insiste sur la portée de cet accord en parlant d'une "union" qui irait "bien au-delà d'accords d'appareils".
"C'est un exemple de la recomposition politique."
Le Premier ministre, Jean Castexau "Journal du dimanche" du 2 mai
Concrètement, la secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, cheffe de file désignée par LREM dans la région, ainsi que "des représentants de la majorité parlementaire vont intégrer le dispositif conduit par Renaud Muselier", précise Jean Castex au Journal du dimanche. Le Premier ministre sous-entend ainsi que les deux listes pourraient fusionner avant même le premier tour.
Cette interview est une réponse à l'appel lancé jeudi 29 avril par Renaud Muselier, lors de sa première conférence de presse en tant que candidat à sa réélection. Le président LR sortant de la région avait estimé que "le bon sens voudrait" que le parti de la majorité présidentielle "lui apporte son soutien". Il avait aussi affirmé qu'il refusait tout "accord d'appareil".
Acte 2 : LR retire son investiture à Renaud Muselier
La déclaration de Jean Castex scandalise une partie des Républicains, qui reprochent à Renaud Muselier de se compromettre avec le parti présidentiel. La direction de LR réagit promptement. Dès le dimanche 2 mai au matin, le président des Républicains, Christian Jacob, annonce que "Renaud Muselier ne pourra pas bénéficier de l'investiture LR", "conformément aux règles des Républicains qui imposent qu'il n'y ait aucun accord de premier tour" avec LREM.
"La peur de perdre des uns, ajoutée au cynisme des autres, n'a jamais fondé une ligne politique. Le premier tour doit être celui de la clarté et de la fidélité à ses convictions, ses engagements et ses alliés naturels", s'indigne-t-il par communiqué.
Après l’annonce des petites manœuvres électorales en PACA par @JeanCASTEX, @RenaudMuselier, conformément aux règles @lesRepublicains qui imposent qu’il n’y ait aucun accord de 1e tour avec @enmarchefr, ne pourra pas bénéficier de l’investiture LR.
— Christian JACOB (@ChJacob77) May 2, 2021
️ Mon communiqué ⤵️ pic.twitter.com/CAbvWSQtJN
En Paca, LR se divise. Les maires de Nice (Alpes-Maritimes) et de Toulon (Var), Christian Estrosi et Hubert Falco, sont partisans d'une union LR-LREM dès le premier tour pour mieux barrer la route à la liste du Rassemblement national conduite par Thierry Mariani, lui-même transfuge de LR. A l'inverse, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti crie à la trahison et dit "son immense tristesse face à ce coup de poignard dans le dos". "Ils ont osé l'inacceptable", assène-t-il.
Acte 3 : LR accorde à nouveau son soutien à Renaud Muselier, sous conditions
Après deux jours de tensions, LR fait volte-face, mardi 4 mai, et accorde "son soutien à Renaud Muselier" pour les élections régionales en Paca. Mais sous conditions : il ne peut "y avoir aucun accord, à quelque niveau que ce soit, avec LREM", déclare le parti dans un communiqué. "Aucun parlementaire En marche et aucun membre du gouvernement" ne doivent figurer "sur notre liste", précise LR à l'issue d'une réunion de la Commission nationale d'investiture.
En clair, pas question d'accueillir sur la liste LR la secrétaire d'Etat Sophie Cluzel, contrairement à ce qu'avait annoncé Jean Castex. La position adoptée est résumée par le patron de LR, Christian Jacob : "Il ne peut y avoir aucun accord avec En marche", et Les Républicains" "restent les opposants déterminés au RN".
❌ Il ne peut y avoir aucun accord, à quelque niveau que ce soit, avec @enmarchefr.
— Christian JACOB (@ChJacob77) May 4, 2021
❌ Nous resterons les opposants déterminés au Rassemblement national.
️ Mon communiqué suite à la #CNI ➡️ https://t.co/hDugWLqgNf pic.twitter.com/wwcdoSJxR1
Mais cette position, qui se voulait conciliante, ne fait pas l'unanimité. Eric Ciotti annonce publiquement sur Twitter qu'il a voté contre ce soutien de LR à Renaud Muselier. "Je prends acte de la décision de ma famille politique, mais je considère que les conditions de la clarté et de la confiance ne sont pas réunies", écrit-il.
Acte 4 : Christian Estrosi et Hubert Falco quittent Les Républicains
Chez LR, le mécontentement gagne les partisans d'une alliance avec LREM. Deux figures quittent le parti. D'abord, le maire de Toulon, Hubert Falco. Il annonce, mercredi 5 mai, reprendre sa "liberté". Je quitte donc le parti Les Républicains", affirme-t-il dans un communiqué.
Ensuite, Christian Estrosi. "Je m'en vais de LR", proclame-t-il dans une interview au Figaro publiée jeudi 6 mai, en dénonçant "la dérive d'une faction qui semble avoir pris en otage la direction du parti" pour faire capoter le projet d'alliance entre LREM et LR aux régionales. Le maire de Nice affirme n'avoir "jamais subi une telle violence dans [son] parti" que lors des discussions autour de cette affaire, où il assure avoir été qualifié de "malfaisant".
Acte 5 : Sophie Cluzel annonce être "candidate de la majorité présidentielle"
Au sein de la majorité présidentielle, la tête de liste qui était, au départ, pressentie, Sophie Cluzel, ne s'était pas exprimée de la semaine. Elle prend la parole vendredi 7 mai. "Je suis candidate de la majorité présidentielle et la majorité présidentielle sera représentée au premier tour", affirme-t-elle sur franceinfo. "Il y a une alliance qui n'a pas aujourd'hui les conditions d'être respectée. Donc je continue, je trace mon chemin, comme toujours."
Elle déclare aussi que sa liste est "toujours d'ouverture, jusqu'à toutes les forces démocratiques et progressistes". Elle réaffirme son souhait de maintenir une liste dont le Premier ministre Jean Castex avait pourtant annoncé, dimanche 2 mai, le retrait.
Acte 6 : Renaud Muselier assure qu'il n'y aura "pas de ministre" sur sa liste
Après les mots de Sophie Cluzel, Renaud Muselier veut poser ses conditions pour maintenir son alliance : pas de parlementaires LREM, ni de membres du gouvernement sur sa liste, assure-t-il au micro de France Bleu Azur, le 12 mai. "Il n'y a pas de fusion, il n'y a pas d'accord d'appareil", insiste le candidat LR. Impossible donc pour la secrétaire d'Etat de figurer parmi les candidats dans le cadre de l'alliance négociée par le Premier ministre. Cependant, Renaud Muselier assure avoir inclus dans sa liste des membres de LREM, d'Agir et du MoDem.
Acte 7 : Sophie Cluzel renonce finalement à présenter une liste LREM
La secrétaire d'Etat renonce finalement le 13 mai à toute candidature. Elle ne présentera pas de liste de la majorité présidentielle face au candidat LR et se retire de la course. "Renaud Muselier a su entendre nos préoccupations et su bâtir une liste de rassemblement, autour de compétences régionales où nos valeurs sont représentées", explique Sophie Cluzel dans un communiqué et sur Twitter. Elle assure également qu'elle soutiendra le président de région sortant dans sa course vers un deuxième mandat.
C’est donc en responsabilité que je ne présenterai pas de liste de la majorité présidentielle dans notre Région Sud et que j’apporte mon soutien à la liste que conduit Renaud Muselier.
— Sophie Cluzel (@s_cluzel) May 13, 2021
Quinze personnes issues de la majorité présidentielle seront présents sur la liste conduite par Renaud Muselier aux prochaines élections régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur, annonce le président sortant le 14 mai. Ils feront partie des 135 noms déposés par le candidat avant le 17 mai, date limite pour le dépôt des listes.
Acte 8 : LR soutient son candidat mais dénonce une "faute"
Réunis en conseil stratégique le 18 mai, plusieurs membres des Républicains ont demandé au président du parti, Christian Jacob, de retirer l'investiture à Renaud Muselier. Parmi eux, le chef du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, qui précise, sur Twitter, avoir "plaidé pour le retrait de [leur] soutien" ou encore Eric Ciotti, qui avait déjà évoqué la veille le retrait du soutien de la fédération LR des Alpes-Maritimes à Renaud Muselier.
Après plusieurs heures de discussion, Christian Jacob a réaffirmé son soutien au candidat de la région Sud, souhaitant sa "victoire" pour "empêcher ainsi le basculement au Rassemblement national" de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il estime toutefois que Renaud Muselier "a fait une faute et une erreur d'analyse politique en ne croyant pas en sa seule force et celle de sa famille politique, cédant ainsi aux manœuvres élyséennes".
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