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Régionales : "Le FN demeure un parti de premier tour"

En lice dans toutes les régions au second tour, le Front national n'en a remporté aucune. Alors que certains évoquent un "plafond de verre" pour expliquer ces échecs électoraux, francetv info a recueilli l'analyse du politologue Joël Gombin.

Article rédigé par Fabien Magnenou - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La candidate frontiste Marion Maréchal-Le Pen, le 13 décembre 2015 à Marseille (Bouches-du-Rhône). (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Le Front national repart bredouille des élections régionales, malgré un nouveau score record de 27% des voix au niveau national. Plusieurs facteurs expliquent cet échec au second tour, du mode de scrutin au front républicain, en passant par la mobilisation des électeurs. Beaucoup évoquent le fameux "plafond de verre", un seuil invisible et infranchissable, qui empêcherait le FN de gagner des élections majeures. Entretien avec Joël Gombin, politologue et spécialiste de l'extrême droite.

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Francetv info : Le FN n'a remporté aucune triangulaire, dimanche, alors que cette situation lui semblait pourtant favorable... Comment l'expliquer ?

Joël Gombin : Si le PS s'était maintenu en Paca où en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le FN l'aurait vraisemblablement emporté... Mais on constate qu'aujourd'hui, les seconds tours sont compliqués pour le parti de Marine Le Pen. C'est aussi vrai dans les triangulaires, quand la dynamique du premier tour n'est pas suffisante pour l'emporter. Et c'est encore plus vrai dans les duels, où il ne parvient pas à franchir l'obstacle de la majorité. Le FN demeure encore un parti de premier tour.

Certains observateurs, comme Nicolas Lebourg, estiment que "la dynamique subversive, qui réussit au premier tour, nuit au second". Autrement dit, le vote de contestation laisserait la place à l'hésitation, au moment fatidique. Peut-on considérer que la subversion est une arme à double tranchant ?

Je ne suis pas certain que cela soit une question de subversion. C'est davantage une question banale, liée aux institutions et au système électoral. Pour espérer l'emporter, il faut constituer des coalitions et des alliances autour d'un parti dominant. Le FN n'a pas d'allié. Jusqu'à présent, cela lui interdit d'obtenir une majorité.

"'Le plafond de verre' n'existe pas", a assuré Marion Maréchal-Le Pen, dimanche, après sa défaite. Pourquoi cette idée est martelée depuis plus d'un an par les cadres du FN ?

Il y a un aspect psychologique. La thématique du "plafond de verre" fonctionne comme une prophétie autoréalisatrice – c'est ce que pensent, du moins, les dirigeants frontistes. Si les électeurs estiment que ce plafond est une réalité et que, du coup, le FN ne peut pas l'emporter, ils seront moins disposés à voter pour lui. Marion Maréchal-Le Pen a donc tout intérêt à cultiver cette perspective de victoire pour motiver ses électeurs, d'autant qu'elle est en concurrence avec les Républicains, pour de larges segments de l'électorat de droite.

Lors du second tour, l'évolution du vote FN a varié selon ses chances de victoire. En Ile-de-France, ses chances étant nulles et celles de Valérie Pécresse (Les Républicains) réelles, le Front national a perdu des votes. A l'inverse, en Paca, où les chances de Marion Maréchal-Le Pen étaient réelles, il a progressé de manière significative. Pour le parti frontiste, il est important de dire que la victoire est à portée de main, sans quoi une partie de ses électeurs risque de voter pour Les Républicains.

En dehors de cet isolement politique, d'autres facteurs peuvent-ils expliquer l'existence d'un "plafond de verre" ?

Je ne le crois pas, même si certains collègues invoquent des facteurs sociologiques. En 2013, Emmanuel Todd et Hervé Le Bras indiquaient ainsi que le FN avait atteint son "plafond de verre" parce qu'il avait fait le plein dans les groupes sociaux susceptibles de voter pour lui. Personnellement, je pense qu'il faut plutôt analyser le vote FN comme une dynamique. Et là, on s'aperçoit qu'il progresse dans toutes les catégories sociales et, qu'en plus, les catégories sociales les plus susceptibles de voter pour l'extrême droite s'étendent au fil du temps. Autrefois rétives, les classes moyennes inférieures basculent assez largement dans le vote frontiste.

Ce "plafond de verre" indépassable est donc un mythe...

Je ne pense pas qu'il existe un "plafond de verre", au sens d'un niveau maximum de votes atteint par le FN. Il existe, en revanche, une impasse stratégique liée au système électoral. Pour ce parti, le seul moyen de résoudre cette contradiction, c'est de rassembler une coalition majoritaire sur son seul nom, et donc de dépasser les 50%. Pour le moment, cela semble ambitieux et hors d'atteinte.

Face à cette impasse, le FN pourrait-il être tenté de critiquer le mode de scrutin lui-même ?

Par le passé, le FN a déjà demandé davantage de proportionnelle. Mais plus il progressera, moins il la réclamera, car le scrutin majoritaire peut, finalement, tourner en sa faveur. Le FN réclamait beaucoup la proportionnelle quand il tournait à 15%. Ce n'est plus le cas.

Quelle stratégie sera adoptée par le FN au second tour lors des futures élections ?

Il pourrait y avoir des réajustements stratégiques, et certains sont déjà engagés. Pour que le FN remporte la présidentielle, la porosité entre l'électorat des Républicains et du FN doit être maximale. En effet, l'hypothèse favorite de Marine Le Pen est d'affronter la gauche au second tour. Elle va donc placer au second plan la question économique – où la différence est la plus importante avec Les Républicains – pour insister sur la question identitaire. C'est d'ailleurs la tendance depuis l'université d'été du parti à Marseille (Bouches-du-Rhône). Ce repositionnement est facilité par la crise des migrants et les attentats du 13 novembre.

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