: Reportage "J'ai œuvré pour ce pays" : les Français binationaux inquiets de la proposition du Rassemblement national de les exclure de certains postes
La proposition du Rassemblement national d'exclure les Français binationaux de certains postes sensibles continue de faire polémique notamment après plusieurs déclarations de candidats du Rassemblement national. Pourtant, depuis quelques jours, le parti tente de rassurer. Au soir du premier tour, Marine Le Pen a indiqué ne vouloir retirer aucun droit aux Français. Mardi 2 juillet, sur France Inter, elle parlait d'une "liste dérisoire", une trentaine de postes environ mais pas de liste précise. Pour elle, il s'agit d'un "sujet microscopique". Malgré tout, beaucoup de binationaux ne comprennent pas pourquoi ils sont pointés du doigt et s'inquiètent de ce que pourrait autoriser une telle mesure.
Franco-algérien, Karim Amellal est ambassadeur et délégué interministériel à la Méditerranée. Il pourrait être concerné par la mesure du RN et a donc décidé de sortir de son devoir de réserve : "Il me semble nécessaire, aujourd’hui, de prendre la parole parce que je considère que le danger est imminent." Un danger imminent mais pour lui, rien de nouveau dans cette proposition : "C'est ce vieux procès en déloyauté, ce soupçon de double allégeance. En aucune manière, évidemment, j'oublie au service de qui je suis. Je suis né en France, de culture française. Mais ne serait-ce que de dire ça me met mal à l'aise."
"Ça nous ramène directement au programme de Vichy"
Surtout, Karim Amellal assure qu'avoir cette double nationalité est une force dans sa fonction. "La double nationalité, a fortiori dans un certain nombre de fonctions comme les diplomates, les militaires, les agents de renseignement, c'est une richesse, dit-il. Parler plusieurs langues, connaître plusieurs cultures, plusieurs pays…"
Pour le Rassemblement national, ces restrictions visent à limiter le risque d'ingérence. Mais Karim Amellal y voit plutôt une envie de trier certains Français : "Ce ne sont pas les Franco-canadiens ou les Franco-allemands qui sont en cause et qui seraient exclus d'un certain nombre de fonctions. Ce sont évidemment d'autres catégories de binationaux : Franco-maghrébins, Franco-africains." Pas concerné par le projet du RN, Pierre-Eugène Burghadt, avocat au barreau de Paris, reste inquiet : "Moi je suis Franco-argentin, c'est un attachement par rapport à mes grands-parents." Il craint qu'une telle mesure n'ouvre la porte à d'autres régimes d'exceptions : "Après, ce sera les allocations familiales, toutes les interactions du citoyen dans sa vie quotidienne et ça nous ramène directement au programme de Vichy, soyons très clairs."
Comme lui, Ghada Hatem, gynécologue, ne serait pas directement concernée par le projet du Rassemblement national. D'origine libanaise, elle a choisi d'être naturalisée française en 2006, après ses études et pour elle, binational ne veut pas dire moins français : "J'ai œuvré pour ce pays. J'ai pas mal mouillé ma chemise. Je dirais que je suis peut-être plus Française. Parce que j'ai choisi. C'est comme vos amis et votre famille. Votre famille, elle vous tombe dessus, vous ne l'avez pas vraiment choisie. En revanche vos amis, vous les avez sélectionnés avec soin." Tous espèrent qu'une telle mesure soit impossible à mettre en œuvre, car elle pourrait être contraire à la Constitution et à ses principes d'égalité.
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