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Face au "ni FN ni PS", l'électeur UMP déboussolé

Dans le Gard et les Bouches-du-Rhône, les électeurs de l'UMP sont tentés par un vote FN "utile" pour faire barrage à la gauche. Reportage.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des retraités sur la place de la mairie aux Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône), le 13 juin 2012. (ILAN CARO / FTVI)

"De toute façon, ici, c'est Front national." Sur les terrasses ombragées d'Aigues-Mortes, au milieu des touristes, les autochtones en oublient presque qu'ils sont administrés par un maire socialiste, élu en 2008 à la faveur d'une triangulaire. Dimanche 17 mai, c'est une nouvelle triangulaire qui va se tenir dans la cité médiévale du Gard, cette fois à l'échelle de la circonscription. Avec, comme tête d'affiche, le tonitruant Gilbert Collard, drapé dans ses nouveaux habits "bleu Marine", arrivé en tête dimanche dernier avec 34,57% des voix.

Derrière, la socialiste Katy Guyot (32,87%) espère profiter des 5% réalisés par le Front de gauche pour le doubler sur le fil. Mais en réalité, tous les regards se tournent vers les 23,89% d'électeurs ayant choisi l'UMP Etienne Mourrut au premier tour. Le député sortant, maire du Grau-du-Roi, a beaucoup tergiversé avant de maintenir sa candidature, sans doute sous la pression de Paris. Dans sa ville, tout le monde a bien compris que son retard était beaucoup trop grand pour qu'il puisse espérer gagner. "Revoter Mourrut, ça équivaut à voter blanc", résume un de ses électeurs du premier tour, sceptique sur la stratégie "ni PS ni FN" de l'UMP nationale. "Le seul résultat, c'est que ça fera passer les socialistes", prévient un autre. Un comble, pour cette terre qui a voté Nicolas Sarkozy à plus de 56% au second tour de la présidentielle.

"Tout n'est pas à jeter au FN"

Alors, que faire ? Jean n'a pas peur de le dire : il ira directement glisser un bulletin Collard dans l'urne. Une sorte de "vote utile". Car il a beau avoir soutenu Mourrut, "tout n'est pas à jeter au FN", explique ce journaliste à la retraite, accoudé sur le zinc d'un PMU du Grau-du-Roi. Le PS a remplacé le FN dans le rôle du parti à abattre. "Vous connaissez, les trains à 1 euro ? Ça c'est encore une idée des socialos du Conseil régional [de Languedoc-Roussillon] ! Eh bien chaque dimanche, le train de Nîmes nous ramène toute la crème... Vous voyez ce que je veux dire ? Et c'est pas pour venir faire des courses au marché", raconte un autre client du bar sous l'œil approbateur de la salle.

A côté, Jacqueline, qui a voté UMP, finit par n'y plus rien comprendre. Elle non plus ne veut pas du PS, mais de là à voter FN... A force de subir les arguments de comptoir des uns et des autres, elle lâche finalement qu'elle votera blanc. Comme pour en finir avec ses hésitations. Et mettre un terme à la confusion qui s'est emparée de sa conscience.

Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, scepticisme sur le "ni-ni" 

Choisir entre le PS et le FN, c'est le dilemme auquel sont aussi contraints les électeurs de droite dans la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône, à seulement quelques kilomètres de là. Le député-maire socialiste d'Arles, président de la région Paca, a obtenu 38,4% au premier tour, 10 points devant la frontiste Valérie Laupies. Laquelle a reçu un soutien implicite du maire UMP des Saintes-Maries-de-la-Mer, Roland Chassain. Arrivé troisième, il a préféré se désister au nom de sa devise "Tous contre Vauzelle", bravant la consigne "ni-ni" de son parti, et au risque d'être exclu.

Des panneaux électoraux, le 13 juin 2012, au Grau-du-Roi (Gard). (ILAN CARO / FTVI)

Les législatives accaparent toutes les conversations aux Saintes-Maries. "A mon avis, les gens vont voter FN", pronostique Roxanne, une assistante de direction de 28 ans. "Moi, en tout cas, je ne voterai pas pour Vauzelle", dit-elle pudiquement, avant de reconnaître que son choix se porterait plutôt pour la candidate frontiste. "Franchement, quand on entend la gauche défendre le droit de vote pour les étrangers... Alors que le FN, lui, a beaucoup évolué depuis que Marine Le Pen est là."

"Obligés de baisser le pantalon"

Sur la place de la mairie, où des retraités viennent tuer le temps, on ne parle aussi que de cela. "Chassain, il a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas", assure Camille, un ancien pêcheur qui suivra le mot d'ordre de son maire. Pourquoi le FN plutôt que le PS ? "Parce qu'il y en a trop... Et qu'ils se comportent mal. Tenez, l'autre jour, deux équipes de Maghrébins se croisaient sur la route. J'ai été obligé de faire marche arrière parce qu'ils bloquaient la circulation. Voilà, on est obligés de baisser le pantalon." Pour la suite, "l'UMP a intérêt à faire des accords avec le FN. Sinon on ne revoit pas la droite au pouvoir pendant vingt ans", prédit-il.

Sur le même banc, un autre pêcheur, qui lui aussi a voté UMP, fait une lecture plus critique du "Tous contre Vauzelle" prôné par l'édile : "C'est juste une histoire de personnes. Chassain et Vauzelle, ils peuvent pas se voir !" Aux législatives de 2002, le premier avait battu le second, qui a pris sa revanche en 2007.

Le positionnement du maire ne ravit pas tout le monde. Dans une boutique de prêt-à-porter du centre-ville des Saintes-Maries, une vendeuse "qui a toujours voté à droite" est catégorique : "Hors de question que je vote FN. Ils ne comprennent rien. Les étrangers ne sont pas là pour piquer le boulot des Français, mais pour les métiers dont personne ne veut", argue cette fille d'immigrés espagnols. Bien consciente qu'ici, peu de monde partage son avis.

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