Brétigny : des écoutes révèlent que les aiguillages sont restés "pourris" pendant au moins un an après l'accident
Dans un article publié mardi, Mediapart dévoile de nouveaux extraits d'écoutes qui mettent en cause plusieurs dirigeants de la compagnie ferroviaire dans le cadre de l'enquête sur le déraillement mortel d'un train en juillet 2013.
Un wagon de révélations. Deux ans et demi après, la SNCF se retrouve de nouveau accusée dans l'enquête sur l'accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne), qui avait fait sept morts et des dizaines de blessés en juillet 2013. En cause, une éclisse, une sorte de grosse agrafe sur l'aiguillage, dont une fissure n'avait pas été détectée lors des tournées de surveillance, et dont trois des quatre boulons s'étaient cassés ou dévissés. L'éclisse avait alors pivoté, ce qui avait provoqué l'accident.
Après un nouveau rapport révélant des failles dans la sécurité, et la révélation d'écoutes de cadres de la SNC,F par Le Canard enchaîné et Le Figaro, laissant penser à des tentatives d'entrave pour ralentir l'enquête, Mediapart (article abonnés) enfonce le clou. Dans un article publié mardi 23 février, le site dévoile de nouveaux extraits d'écoutes qui mettent en cause plusieurs dirigeants de la SNCF. Ces écoutes téléphoniques ont été réalisées dans le cadre de l’instruction judiciaire.
"Multiplication de 'quasi-accidents'"
Ces nouvelles révélations indiquent que la SNCF aurait sciemment tardé à relever son niveau de sécurité pour ne pas donner l'impression de reconnaître la gravité de la situation. Les problèmes de maintenance et d'infrastructures ont perduré à Brétigny au moins jusqu'à l'automne 2014, "et sans doute au-delà", précise Mediapart. "En clair, malgré le choc provoqué par l’accident, la SNCF a, en connaissance de cause, laissé 350 trains par jour rouler sur des aiguillages 'pourris' et 'non conformes'", écrit le site.
Selon Mediapart, les passagers ont eu de la chance d'échapper à de nouvelles catastrophes. "D'autres choses aussi qui m'inquiètent, c'est la multiplication des quasi-accidents (…). Ça commence à devenir du grand n'importe quoi", expliquait Jean Bruno Delrue, responsable du sud-ouest de l’Ile-de-France, en octobre 2014, dans ces écoutes.
La maintenance pointée du doigt
La mise en place de la limitation de vitesse à Brétigny, réclamée par ce dirigeant depuis novembre 2013, a été ainsi repoussée de six mois. "Il faut qu'on trouve un prétexte parce que si on met un ralentissement, pour la justice, c'est qu'on est en tort ", explique ainsi le chef des experts maintenance, dans les écoutes.
Selon Mediapart, 60% des fissures, dont celle de Brétigny, n'ont pas été détectées. "Quand tu vois les rapports, il n'y en a pas un qui est bon. (…) La maintenance, c'est pas qu'elle est un 'peu pas bonne', c'est qu'elle est 'super mauvaise'", déplore ainsi le chef des experts maintenance. Et les exemples se multiplient au fil des écoutes. "Au-delà de la non-conformité, c'est que le matériel il est en fin de vie. On n'arrive plus à maintenir", explique-t-il aussi à ses interlocuteurs.
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