Crash en Ethiopie : quatre questions sur la sécurité du Boeing 737 Max
Pour la deuxième fois en quelques mois, un Boeing 737 Max s'est écrasé quelques minutes après son décollage, faisant 157 morts.
La sécurité du Boeing 737 Max est désormais remise en cause. Au lendemain du crash du vol d'Ethiopian Airlines, dimanche 10 mars, entre Addis-Abeba (Ethiopie) et Nairobi (Kenya), peu après le décollage de l'avion, les questions se multiplient à propos de cet appareil, central dans la stratégie du constructeur américain.
Quelles similitudes avec le crash de Lion Air ?
Fin octobre, c'est un Boeing 737 Max de la compagnie indonésienne Lion Air qui s'était, lui, abîmé en mer de Java tuant 189 personnes. "Il s'agit du même avion. Comme pour Lion Air, l'accident [le crash à Addis-Abeba] se passe très peu de temps après le décollage et les pilotes ont émis des messages pour dire qu'ils étaient en difficulté puis il y a eu perte de l'avion. Il est difficile de dire que cela ne ressemble pas au premier accident", constate auprès de l'AFP un expert aéronautique, qui a requis l'anonymat.
"Lorsque les boîtes noires [du vol de Lion Air] ont été exploitées, on s'est rendu compte que l'appareil avait piqué du nez 24 fois en 13 minutes et que l'équipage avait essayé toutes les procédures possibles pour éviter que le nez pique", décrypte l'ingénieur Bertrand Vilmer, expert et PDG de la société Icare Aéronautique, interrogé par France Culture. Dans les deux cas, avant la chute brutale, "une ascension initiale avec des à-coups, des descentes puis des remontées", note sur son compte Xavier Tytelman, consultant aéronautique et en sécurité aérienne.
Probablement un élément clé pour comprendre cet accident : une ascension initiale avec des à coups, dès descente puis des remontées...#AvGeek https://t.co/TRRGhULmQW
— Xavier Tytelman (@PeurAvion) 10 mars 2019
"Le pilote a mentionné qu'il avait des difficultés et qu'il voulait rentrer" et "il a eu l'autorisation" de faire demi-tour et de repartir vers Addis-Abeba, a rapporté le PDG d'Ethiopian Airlines. Par ailleurs, on sait que les conditions météorologiques étaient bonnes dimanche matin en Ethiopie. Et dans le milieu, Ethiopian Airlines est considérée comme une compagnie sérieuse. Seules les données du vol et les conversations dans le cockpit contenues dans les deux boîtes noires de l'appareil, que la compagnie a retrouvées, pourront en effet donner des éléments tangibles sur les causes exactes de l'accident : problèmes techniques, erreur de pilotage ou la combinaison de plusieurs facteurs.
Pourquoi le Boeing 737 Max est-il pointé du doigt ?
Depuis l'accident de Lion Air, le 737 Max suscite de nombreuses interrogations dans la communauté aéronautique alors que ce programme a rencontré des problèmes lors de son développement. Boeing avait même décidé de suspendre en mai 2017 les vols test en raison d'un problème de qualité de fabrication du moteur produit par CFM, co-entreprise de l'américain General Electric et du français Safran.
A la suite de l'accident du premier 737 Max de Lion Air en octobre, la communauté aéronautique s'était interrogée sur le manque d'information des compagnies et des pilotes sur son nouveau système antidécrochage (le "système [qui] doit garder l'avion dans une situation stable et sécurisée", explique Xavier Tytelman auprès du Parisien).
Comment expliquer ce manque d'information ? "Le Boeing 737 a 51 ans, il a évolué tout le long de sa vie, il a évolué avec les commandes de vol, avec les moteurs, il a évolué de façon continue. Lorsqu'un avion évolue, on demande aux compagnies de refaire un delta training (un supplément de formation sur l'appareil) pour les pilotes et cela a un coût", explique Bertrand Vilmer à France Culture.
Après le crash d'octobre, la fédération des pilotes américains a mis en lumière un problème d'informations erronées des capteurs d'incidence (censés empêcher le décrochage) "qui pourraient être le système causal de l'accident de Lion Air". Un dysfonctionnement sur ces sondes peut conduire l'ordinateur de bord, pensant être en décrochage, à mettre l'appareil en piqué alors qu'il faudrait au contraire le redresser.
Est-ce qu'il y a des Boeing 737 Max en France ?
Aucune compagnie française n'a acheté de Boeing 737 Max, selon les derniers chiffres de Boeing, en janvier 2019. Contactée par franceinfo, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) confirme qu'aucune compagnie aérienne française n'a de Boeing 737 Max dans sa flotte, qu'elle en soit propriétaire ou locataire. Air France précise que sa filiale Transavia exploite un autre modèle, le Boeing 737 800. Cette dernière possède 17 appareils de ce modèle, mais aucun 737 Max. "Nous n'en avons aucun dans la flotte, ni en commande", précise encore Air France.
D'autres compagnies européennes ont, elles, ce modèle dans leur flotte : la compagnie norvégienne Norwegian en possède déjà 18, sur un total de 110 appareils commandés. La compagnie islandaise Icelandair en possède 3 et en a commandé 2 autres. Le compagnie aérienne polonaise Enter Air a 2 Boeing 737 Max et en a commandé 4 autres. Et enfin, la compagnie allemande Tui en possède déjà 11 sur ses 72 commandés.
D'autres entreprises européennes possèdent aussi des Boeing 737 Max qu'elles louent ensuite à des compagnies aériennes. C'est le cas de AerCap qui possède 5 appareils et en a 95 autres en commande, Avolon avec 2 appareils et 18 autres en commande, SMBC Aviation Capital avec 2 appareils et 91 en commande, ainsi que CDB Financial Leasing avec un seul appareil.
Quels pays clouent au sol leurs Boeing 737 Max ?
Après l'accident de dimanche, plusieurs pays et compagnies aériennes ont provisoirement cloué au sol ce modèle de moyen-courrier, bien que Boeing ait affirmé n'avoir "aucune raison de donner de nouvelles directives aux opérateurs" aériens.
Les pays qui interdisent leur espace aérien aux 737 Max. Il s'agit de l'Australie et de Singapour. La Malaisie a elle aussi interdit de vol les Boeing 737 Max 8 dans son espace aérien.
Les pays qui suspendent les vols. Il s'agit de la Chine, l'Indonésie, la Corée du Sud, la Mongolie, le sultanat d'Oman et le Royaume-Uni.
Les compagnies qui immobilisent leurs avions. Ethiopian Airlines, à la suite de l'accident subi par un de ses avions dimanche, a cloué au sol toute sa flotte de Boeing 737 Max jusqu'à nouvel ordre. D'autres compagnies immobilisent leur 737 Max : Gol, Aeromexico ; Comair ; Cayman Airways ; Aerolineas Argentinas.
Les Etats-Unis continuent l'exploitation. Du côté des Etats-Unis, l'Agence fédérale de l'aviation (FAA), un des principaux régulateurs du transport aérien, a demandé à l'avionneur d'effectuer des modifications du 737 Max 8 et du 737 Max requises "au plus tard en avril". Ces modifications portent sur des logiciels et le système de contrôle MCAS conçus pour éviter les décrochages de ces avions. Boeing doit également actualiser le manuel destiné à la formation des pilotes de ces avions. Les autorités américaines se gardent en revanche d'immobiliser les appareils, prennant clairement le contrepied de l'Indonésie et surtout de la Chine.
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