Mort d'un conducteur de la SNCF : ce que l'on sait du drame survenu dans un TGV en marche, engendrant des retards importants la veille de Noël

Selon la compagnie, Bruno Rejony, 52 ans, s'est suicidé, mais la CGT Cheminots dénonce une "communication hâtive". Une enquête a été ouverte.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un TGV en gare de Lyon, le 9 décembre 2024, à Paris. (QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS / AFP)

La SNCF est endeuillée. Un conducteur de train est mort en tombant de son train en marche, dans la soirée du mardi 24 décembre. Le dispositif de sécurité a permis l'arrêt du train rapidement mais l'évènement a été à l'origine d'importantes perturbations sur la ligne à grande vitesse Sud-Est. Le parquet de Melun, qui a ouvert une enquête, a évoqué un possible suicide du conducteur. Selon une porte-parole du groupe, c'est, "de mémoire", la première fois qu'un tel incident se produit. Voici ce que l'on sait de ce drame survenu à la veille de Noël.

Un drame survenu dans un TGV en marche, dans le sud de la Seine-et-Marne

Il est aux environs de 20 heures, mardi, lorsque le TGV reliant Paris à Saint-Etienne, via Lyon, s'immobilise au niveau de la commune de Crisenoy, au sud de la Seine-et-Marne. Le conducteur vient de tomber du train en marche. Comme l'a expliqué Philippe Tabarot, le nouveau ministre des Transports, sur franceinfo, "le personnel s'est aperçu qu'il n'y avait plus de conducteur dans la cabine. Et très rapidement, il a compris que, quelques kilomètres plus tôt, [il] avait probablement souhaité mettre fin à ses jours".

"Les portes accessibles aux voyageurs sont durablement verrouillées mais le conducteur" a la liberté "de pouvoir ouvrir sa porte", a pour sa part expliqué mercredi sur franceinfo Renaud Kayanakis, expert transports au sein du cabinet SIA Partners. "Il a mis fin à ses jours alors que le train était en train de rouler", a confirmé la SNCF mercredi midi. Avant même cette confirmation, le parquet de Melun avait évoqué un possible suicide du conducteur. Une enquête a été ouverte mercredi "pour recherche des causes de la mort" et confiée à la compagnie de gendarmerie de Melun, a appris franceinfo auprès du parquet.

Le dispositif de sécurité s'est aussitôt enclenché

Dès que le conducteur "a abandonné son poste de conduite, les dispositifs d'arrêt automatique du train se sont activés et le train s'est arrêté automatiquement", a détaillé la SNCF, assurant que "la sécurité des passagers du train n'a été menacée à aucun moment, pas plus que la sécurité des circulations". Ce dispositif de sécurité, appelé "Veille automatique avec contrôle du maintien d'appui" (Vacma) "permet de confirmer la présence active du conducteur en permanence" dans la cabine de conduite du train, a poursuivi l'entreprise.

Le conducteur doit ainsi "alternativement appuyer puis relâcher soit une pédale avec le pied soit un contacteur avec la main". "S'il ne relâche pas la pression toutes les 30 secondes ou s'il n'appuie pas de nouveau sur le mécanisme au bout de cinq secondes, une alarme très bruyante se déclenche dans la cabine de conduite pour le faire réagir. Il a trois secondes pour le faire. S'il ne le fait pas, les moteurs du train coupent automatiquement leur effort de traction et le dispositif automatique de freinage d'urgence se déclenche en même temps", précise la compagnie.

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"De mémoire de cheminot, c'est la première fois que j'entends qu'un conducteur se jette de sa cabine TGV en pleine voie", a réagi sur franceinfo Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat First. "Il n'y a pas de pilotage automatique comme dans un avion, a-t-il souligné. C'est de l'ordre de la seconde, surtout si le train roule à 300 km/h".

Sur l'ensemble du réseau ferroviaire, il n'est "a priori" pas possible de faire dérailler volontairement un train, ajoute Renaud Kayanakis. "C'est ce qui a permis qu'il n'y ait pas de mise en danger de la vie des nombreux voyageurs qui étaient dans ce train bondé", a confirmé Philippe Tabarot, précisant qu'il y aurait toutefois également "une enquête interne" sur ces questions de sécurité.

Un conducteur "très apprécié", membre de la CGT Cheminots

Comme le rapporte France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, Bruno Rejony, 52 ans, conducteur de TGV au dépôt de Saint-Etienne, était connu pour son engagement syndical au sein de la CGT Cheminots. Il s'était notamment mobilisé contre la réforme des retraites, en 2023. "Bruno a été un militant infatigable de notre organisation", écrit le syndicat dans un communiqué publié sur X. "Il y a encore quelques jours, il travaillait les revendications des agents de conduite de Saint-Etienne sur les enjeux du maintien d'un accès au TGV pour les conducteurs ligériens", écrit encore la CGT Cheminots.

"Toute la famille cheminote est en deuil et est très marquée en ce jour de Noël par ce terrible drame", a déclaré la SNCF. Le ministre des Transports a de son côté évoqué un "conducteur très apprécié" et expérimenté. "Je crois que le geste de ce conducteur est plutôt lié à des problèmes personnels et familiaux très importants qu'à des problèmes professionnels", a par ailleurs souligné Philippe Tabarot sur CNEWS. "C'est un drame humain, en plus le jour de Noël. C'est sûr qu'il faudra se poser des questions. Raisons professionnelles ? Raisons personnelles ? Ce sera aux enquêteurs de le déterminer", a observé sur franceinfo Bernard Aubin, du syndicat First.

La CGT Cheminots déplore "une communication hâtive"

Dans son communiqué, le syndicat s'est offusqué de la "communication hâtive" de la direction de la SNCF sur cette affaire, précisant qu'une "commission sécurité, santé et conditions de travail extra" s'est tenue mercredi matin et qu'"aucun élément ne permet de privilégier telle ou telle piste, notamment le suicide". La CGT Cheminots a aussi déploré "les explications douteuses" du ministre des Transports sur les causes du drame. "Je ne doute pas un instant que l'entreprise prendra les mesures nécessaires, s'il est avéré que ce geste terrible vient d'une cause professionnelle", a rectifié Philippe Tabarot jeudi matin sur RTL, ajoutant qu'une cellule psychologique avait été mise en place "pour échanger avec tous les collègues de cet homme" et "pour voir, le cas échéant, les problématiques et les difficultés".

Le ministre a également réagi aux propos à l'antenne d'un syndicaliste, qui s'est dit choqué par ses propos sur CNews. "On aurait pu passer à côté d'une plus grande catastrophe, qui aurait pu être plus grave si le conducteur avait voulu faire dérailler son train", avait déclaré le ministre mercredi sur la chaîne. Philippe Tabarot a rappelé sur RTL qu'il avait "été le premier à dire que c'était avant tout un drame humain".

Des perturbations pour des milliers de voyageurs 

Le drame a conduit à l'immobilisation du train concerné et cinq autres, tandis qu'une dizaine de trains ont dû contourner la zone, sur la LGV Sud-Est, au départ ou à l'arrivée de la gare de Lyon, à Paris. Des milliers de passagers ont ainsi été affectés le soir du réveillon de Noël, avec des retards allant jusqu'à cinq heures.

SNCF : un conducteur se suicide en plein trajet
SNCF : un conducteur se suicide en plein trajet SNCF : un conducteur se suicide en plein trajet (franceinfo)

Le plan Pégase (Plan contre l'engorgement des gares en situation exceptionnelle), destiné à absorber l'arrivée massive de voyageurs en gare alors que la plupart des transports en commun ne sont plus en service, a été déclenché. La SNCF indique que "tous les trains ont été jusqu'à leur terminus et tous les clients ont été pris en charge, certains par taxi". Aucun train n'a été supprimé. La circulation a repris normalement mercredi.


Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.

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