Emeutes après la mort de Nahel : ce qu'il faut retenir du rapport de la commission d'enquête
Une vingtaine de propositions pour réagir à des "violences (...) de nature tout à fait exceptionnelle". Le sénateur François-Noël Buffet (Les Républicains), a présenté à la presse, mercredi 10 avril, les conclusions de la commission d'enquête sur les émeutes survenues après la mort de Nahel Merzouk, tué par le tir d'un policier, le 27 juin 2023 à Nanterre (Hauts-de-Seine). Franceinfo fait le point sur l'essentiel de ce rapport qui doit être officiellement publié "d'ici la fin de la semaine".
Un bilan chiffré des violences et des dégradations
Entre le 27 juin et le 3 juillet, "une vague de pillages et de violences sans précédent" a eu lieu en France, a souligné le rapporteur de la commission. De tels actes ont été recensés dans 672 communes, soit deux fois plus que lors des émeutes urbaines de 2005. "Plus d'un millier" de blessés ont été recensés, "y compris légers", tandis que "deux décès sont directement imputables à ces violences". La commission a également noté que 684 élus et personnes chargées d'une mission de service public ont été touchés par "une vague d'agressions et d'attaques directes".
Sur le volet matériel, plus de 2 500 bâtiments ont été incendiés ou dégradés, parmi lesquels de nombreux bâtiments publics (dont 273 bâtiments des forces de l'ordre, 105 mairies et 243 écoles) et des commerces (autour de 1 500). Au total, l'estimation des dommages aux biens faite par la commission s'élève à environ un milliard d'euros, soit "quatre fois plus" qu'en 2005.
Le profil et les motivations des émeutiers
Les parlementaires estiment que quelque 50 000 émeutiers sont descendus dans la rue, tandis que 45 000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés. Le profil type de l'émeutier est "un homme, de nationalité française, âgé de 23 ans en moyenne, célibataire, sans enfant, hébergé souvent par ses parents, ayant un diplôme (...) maximum baccalauréat, plutôt en activité", a détaillé François-Noël Buffet. Parmi les points saillants, la commission note la surreprésentation des jeunes parmi les émeutiers (un tiers des personnes interpellées sont mineures, et près de 60% sont des primo-délinquants). Il n'y a en revanche pas de convergence "entre la violence émeutière et des groupes militants d'ultragauche ou des mouvements séparatistes".
S'il existe une corrélation, selon les parlementaires, entre la présence d'un quartier prioritaire de la ville et le surgissement d'émeutes, il n'en existe pas entre les lieux de violences et "les points de deal", ont conclu les sénateurs, qui expliquent avoir étudié cette piste. Le rapport note que les motivations des émeutiers étaient "protéiformes", "entre défiance de l'autorité et opportunisme". Moins de 10% des personnes interpellées ont justifié leur participation aux émeutes par le décès de Nahel ou par une volonté de contester l'action des forces de l'ordre.
Les parlementaires notent toutefois "l'existence d'une colère, violemment exprimée à l'encontre des institutions et des représentants de l'autorité publique" et nourrie par "un sentiment de relégation sociale". Ils pointent également un effet d'entraînement lié au groupe et le rôle des réseaux sociaux dans la diffusion de l'appel à participer aux émeutes.
Une vingtaine de propositions
Le rapport fait état d'une vingtaine de propositions, dans des domaines très variés, pour "tirer les leçons" de la réponse faite à l'époque par les pouvoirs publics. Le rapport s'abstient néanmoins de toute sévérité à l'égard des responsables politiques, et des forces de l'ordre, qui ont, selon eux, été "utilisées dans de bonnes conditions".
Ils préconisent néanmoins la mise au point d'un "schéma national de rétablissement et de maintien de l'ordre en contexte émeutier" et l'amélioration de l'équipement et du matériel des polices municipales "pour faire face, sur la durée, à des violences urbaines de forte intensité". Ils se prononcent en faveur du renforcement de l'équipement en vidéoprotection dans les communes volontaires. La commission propose par ailleurs "d'interdire la vente en ligne et par voie postale des mortiers d'artifice" et d'harmoniser la législation des Etats membres de l'Union européenne à ce sujet.
Surtout, elle souhaite la création "d'un cadre général de blocage de certaines fonctionnalités des réseaux sociaux" et d'applications de messageries instantanées, "sous de strictes conditions", afin d'empêcher les échanges entre émeutiers lors d'un pic de violences. Les élus souhaitent également faciliter l'identification des émeutiers en levant temporairement le caractère privé des "boucles de messages réunissant un grand nombre d'individus" et en permettant "un accès des services de renseignement et d'enquête aux échanges se tenant sur les boucles des messageries privées" lorsque celles-ci s'apparentent "à des services de communication au public en ligne".
Les parlementaires souhaitent en outre "adapter et renforcer la palette de mesures et de sanctions applicables" aux émeutiers mineurs, notamment en favorisant les travaux d'intérêt général. Enfin, ils estiment qu'il y a "un sujet" autour de "l'éducation" des mineurs et de la "responsabilité des parents", mais ne se prononcent pas sur les solutions à apporter.
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