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Mort de Nahel à Nanterre : ce que l'on sait de la synthèse des premiers éléments de l'enquête

Le policier soupçonné d'avoir tué Nahel, lors d'un contrôle routier la semaine dernière à Nanterre, est maintenu en détention provisoire. franceinfo a pu consulter le document qui a permis à la justice de prendre cette décision, jeudi.
Article rédigé par franceinfo
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La voiture conduite par Nahel le 27 juin 2023 à Nanterre. (DAVID LIVOIS / MAXPPP)

Dans un document que franceinfo a pu consulter, le parquet de la cour d'appel de Versailles, qui a requis mardi 4 juillet le maintien en détention provisoire du policier suspecté d'avoir tué Nahel, a commencé à reconstituer la chronologie des faits, entre 8h16 et 8h22 mardi 27 juin, à Nanterre (Hauts-de-Seine). Nahel, 17 ans, a été mortellement touché par le tir d'un policier, lors d'un contrôle routier. Sa mort a marqué le début d'une séquence de violences urbaines en France. 

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Le document en question relate notamment la première analyse faite par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) du dialogue entre Nahel et les policiers lors de ce contrôle, même si d'autres analyses des propos tenus à la fois par les policiers et par Nahel sont en cours. 

L'IGPN travaille sur les voix tirées de la bande-son d'une vidéo

Une séquence vidéo tournée par une passante est un des éléments clés de l'affaire et le document du parquet de la cour d'appel de Versailles contient une retranscription du dialogue entre les policiers et Nahel. D'autres analyses de ces propos sont toutefois toujours en cours pour établir formellement le contenu des phrases prononcées par les policiers lors du contrôle, avant que l'un des deux n'ouvre le feu. L'IGPN a identifié les mots prononcés, mais à l'exception d'une réplique, elle ne peut les attribuer formellement ni aux policiers ni à Nahel. "Au début de la séquence, on entend un échange entre trois voix différentes (V1, V2, V3) avant la détonation, que nous interprétons comme suit :
V1 : '… une balle dans la tête'
V2 : 'Coupe ! Coupe !'
V3 : 'Pousse-toi !'
V1 : 'Tu vas prendre une balle dans la tête' (propos pouvant être attribués à P1 qui agite son bras droit au même moment).
V2 : 'Coupe !'"

Dans ses premières conclusions, l'IGPN note donc que ce n'est pas l'auteur du tir mortel qui a menacé Nahel d'une balle dans la tête, mais son collègue. Le document ajoute que "juste après la détonation, la vidéo enregistre cinq ou six coups de klaxon et un vrombissement de moteur". L'IGPN constate aussi dans son rapport d'exploitation de la vidéo qu'à 8h18, "le véhicule avance soudainement, forçant les deux motards à reculer soudainement et à se coller contre le mur se trouvant derrière eux et continue sa route en allant tout droit".

Le policier met en cause le comportement de Nahel avant le tir 

Le document du parquet de la cour d'appel de Versailles synthétise les auditions après les faits du premier policier, suspecté d'avoir tué Nahel. Celui-ci y raconte qu'il en "était pratiquement son neuvième jour de travail de suite". Il indique que dès le début de son service, rue Soufflot à Nanterre, "il constate la présence d'une Mercedes" qui circule sur la voie de bus. Le brigadier dit avoir tenté de stopper le véhicule avec trois hommes à bord. Il a, selon ses dires, "signifié au conducteur de se mettre sur le côté pour un contrôle, mais celui-ci avait alors accéléré brusquement et pris la fuite".

L'auteur du tir mortel décrit ensuite une course-poursuite : suivie par les deux policiers, la voiture fait selon lui de "brusques accélérations" et franchit plusieurs "feux rouges", traversant des "carrefours 'à pleine vitesse' et sans précaution pour les piétons". Le policier accuse même le conducteur, Nahel, d'avoir fait "une embardée volontaire vers son collègue [le deuxième policier] qui était venu se mettre à son niveau"

C'est quand la voiture s'est retrouvée bloquée par d'autres voitures place Nelson-Mandela, que le brigadier raconte avoir posé sa moto et couru "au niveau du conducteur". Il explique qu'il sort son pistolet, "se place au niveau du pare-brise", et dirige son arme "en 'tir fichant' pour éviter de tirer n'importe où et pour viser le bas du corps si besoin". Toujours selon ses auditions, le policier et principal suspect "hurle au conducteur de couper le contact", tandis que son collègue, le deuxième policier "passe le haut de son corps dans l'habitacle, vraisemblablement pour essayer de maîtriser le conducteur, ou pour tenter d'appuyer sur le bouton 'stop' du contact".

Le principal policier poursuit : il déclare que Nahel ne semble ne pas "être gêné par la présence" du deuxième policier qui tente de s'introduire dans la voiture : il n'a "pas obtempéré et fait avancer et reculer le véhicule". Le policier assure dans son audition qu'il s'est alors "retrouvé acculé contre le trottoir et le muret situé derrière lui", et avoir "immédiatement pensé que le conducteur allait accélérer alors que pour lui, à cet instant précis, son collègue se trouvait toujours dans l'habitacle." Le fonctionnaire raconte ensuite avoir pris "la décision d'ouvrir le feu pour éviter [que le conducteur] ne renverse quelqu'un ou 'n'embarque' son collègue et alors que lui-même avait été 'un peu poussé', lorsque le conducteur avait accéléré." "Le suspect répète qu'à aucun moment, le conducteur n'avait voulu obéir à ses injonctions", poursuit le document.

Nahel était connu pour détention de stupéfiants

Le document du parquet de la cour d'appel de Versailles rappelle que Nahel était convoqué en septembre 2023 devant le tribunal pour enfant pour des faits de "refus d'obtempérer". Nahel était aussi connu, selon le document, pour "détention et usage de stupéfiants, provocation à la rébellion, remise d'objet à détenu". Lors du contrôle routier, Nahel n'était ni positif à l'alcool, ni aux stupéfiants.

Le policier suspect était connu pour exhibition sexuelle

Le casier judiciaire du policier auteur du tir "ne porte mention d’aucune condamnation", ajoute le document. Le suspect est toutefois "connu (...) en tant qu’auteur pour exhibition sexuelle le 7 janvier 2023 en forêt de Chauvry, dans le Val-d'Oise, et est cité comme victime à seize reprises". Lors du contrôle routier, le policier n'était ni positif à l'alcool, ni aux stupéfiants.

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