: Reportage Mort de Nahel : deux mois après les émeutes à Nanterre, les élèves de son ancien collège espèrent que "tout va rentrer dans l’ordre"
"Il a laissé un très bon souvenir au niveau de l'établissement", confie jeudi 31 août à franceinfo Michaël Bulayima, ancien professeur de lettres de Nahel. Un peu plus de deux mois après la mort du jeune homme le 27 juin dernier, tué par le tir à bout portant d'un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine), placé depuis en détention provisoire, et les émeutes qui ont suivi, c'est dans le collège Jean Perrin de Nanterre, où le jeune homme a été scolarisé jusqu'à sa troisième, en 2021, que l'enseignant reçoit franceinfo.
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Il se souvient d'un "élève qui fonctionnait correctement, qui avait des lacunes au niveau de l'apprentissage parce qu'il avait besoin d'avoir un peu plus de temps que les autres pour avancer".
"Écouter les gens et les respecter avec le cœur"
Pendant cette semaine de pré-rentrée, Michaël Bulayima est également en charge du dispositif "École ouverte", un dispositif de renforcement scolaire qui s'adresse aux élèves qui vivent dans des zones urbaines et rurales défavorisées, du CP à la terminale. Le collège Jean Perrin n'est pas classé dans le réseau "Éducation prioritaire", mais au regard des événements du début de l'été, il a pu accéder au dispositif "École ouverte". Ainsi, sur les 600 élèves accueillis dans l'établissement durant l'année, une quinzaine, âgés de 12 à 15 ans, participent depuis lundi 28 août à des ateliers de maths, du secourisme, d'arts plastiques ou encore de la confiance.
Et forcément, dans ce quartier de Nanterre, d'où tout est parti, les événements de fin juin s'invitent très rapidement. "La confiance, c'est l'amour", confie ainsi un jeune élève de 13 ans en train de dessiner des cœurs. "Il faut écouter les gens et les respecter un petit peu avec le cœur."
"Il y a de l'injustice contre les gens alors qu'ils n'ont rien fait. La police, ils sont censés aider les personnes."
Un élève de 13 ansà franceinfo
Que ces questions s'invitent dès la pré-rentrée, l'équipe pédagogique s'y attendait. Mieux : cela permet d'amorcer une réponse pédagogique après les émeutes début juillet. "Les questions sont légitimes, estime Michaël Bulayima, mais les événements récents n'ont pas changé ces questions. Nos adolescents les posent depuis longtemps."
"Des temps pour libérer la parole"
Si les questions ne sont donc pas nouvelles, il est certain qu'elles se poseront de manière plus intense que d'habitude à la rentrée. Jean-Jacques Goineau, principal du collège, confirme qu'il y aura "forcément des temps réservés aux élèves pour libérer la parole". "Sans doute que certaines choses vont remonter, explique-t-il, et vont amener les enseignants et les équipes à réfléchir à des actions". "Ça va se faire tout doucement", assure le principal, qui "a besoin d'établir un diagnostic pour savoir dans quel état d'esprit sont nos élèves".
Le professeur de lettres a lui déjà pensé ses réponses. "La première des choses qu'on répond en tant qu'enseignant, en tant que représentant de l'institution mais surtout en tant qu'adulte, c'est de rassurer sur le fait que la police ou les adultes en général, c'est d'abord un statut qui nous permet d'être au service des gens, notamment des jeunes". L'enseignant tente de leur expliquer qu'"il y a la fonction, mais qu'il y a aussi l'humain derrière".
"On ne peut pas associer les dérives des uns et des autres et en faire une généralité."
Michaël Bulayima, ancien professeur de lettres de Nahelà franceinfo
Les émeutes, "pas la meilleure manière de rendre justice"
Après la mort de Nahel, plusieurs nuits de violences, incendies de voitures, saccages de bâtiments publics et pillages de magasins, ont éclaté dans différentes villes. Plus de 3 700 personnes ont été interpellées à ce moment-là, principalement des mineurs. Ces événements aussi ont marqué les élèves de ce collège.
"On a failli brûler, se souvient aussi un petit groupe d'entre eux. On était sur les bancs, tranquillement, et on a vu un groupe de jeunes cagoulés. Ils ont mis le feu à la voiture juste à côté de nous. On a compris pourquoi ils faisaient ça", ajoute un autre.
Pour ces collégiens, les émeutes n'étaient "pas la meilleure manière de rendre justice, parce que c'était dangereux". Ils voient encore, autour d'eux, les traces de ce qu'il s'est passé. "Il y a encore des voitures brûlées qui n'ont pas été enlevées", décrivent-ils, en confiant que tout ça a aussi laissé des traces en eux.
"La nuit, on ne dormait pas, avec tout ce qui était brûlé, les voitures de police en bas. J'espère que tout va rentrer dans l'ordre."
Un collégien de Nanterreà franceinfo
Et peut-être que les choses commencent justement à revenir un tout petit peu à la normale. Car, lorsqu'on les interroge sur ce qu'on peut leur souhaiter pour cette année, la rentrée scolaire s'invite à nouveau dans les esprits : "Une bonne moyenne et moins d'heures de colle."
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