: Reportage "On ne veut pas avoir peur quand nos frères se font contrôler" : dans le cortège de la marche blanche pour Nahel, la colère des habitants des quartiers
"Police partout, justice nulle part", "Pas de justice, pas de paix". Dans le cortège de la marche blanche organisée à Nanterre (Hauts-de-Seine), jeudi 29 juin, pour rendre hommage à Nahel, tué mardi par un policier alors qu'il se trouvait au volant d'une voiture, les slogans sont unanimes. Partout, dans les chants, sur les pancartes, sur les murs, les manifestants, venus de toute l'Ile-de-France, dénoncent "des années d'injustice" et de racisme de la police vis-à-vis des habitants des quartiers.
>> Mort de Nahel à Nanterre : suivez les dernières infos en direct
Malgré le choc de l'annonce et le douloureux deuil qu'il entame, Amir, cousin de Nahel, a tenu à venir à la marche blanche qui a rassemblé 6 200 personnes selon la préfecture de police de Paris. Une façon de montrer une dernière fois à son cousin "qu'il est toujours dans (son) cœur. Je pense à lui tous les jours, je veux lui dire que je l'aime", insiste le jeune homme de 19 ans. Dans le cortège parti du quartier Pablo-Picasso, à Nanterre, en direction de la préfecture, une douleur collective s'exprime, mais pas seulement.
"En tant que maman, je suis profondément touchée"
La colère contre ce policier de 38 ans, mis en examen jeudi et placé en détention provisoire, mais aussi contre "la violence de l'institution policière", est sur toutes les lèvres et revient dans toutes les conversations. "Tous les jours, la police nous contrôle, elle nous parle mal, elle nous insulte. J'avais déjà les nerfs avant la mort de Nahel. Mais là, ça confirme ce que je pensais", relate Amir, la voix tremblante.
Fatima, 55 ans, est venue de Pontoise (Val-d'Oise) sur son jour de congé. Pourtant, elle ne connaissait ni Nahel ni sa famille. Une impulsion l'a poussée à assister à ce moment initié par la mère de la victime. Bien sûr, il y a d'abord l'envie de soutenir les proches de l'adolescent. "En tant que maman de quatre enfants, je suis profondément touchée", raconte-t-elle. Mais, comme presque toutes les personnes interrogées par franceinfo jeudi, Fatima a également une histoire avec la police à raconter. Elle évoque le jour où son fils a été frappé aux jambes lors d'un contrôle d'identité houleux. "Depuis, il est traumatisé", souffle la mère de famille.
"Il y a une impunité pour la police", dénonce Fenda*, 23 ans, vêtue de noire de la tête aux pieds. La jeune fille, habitante du quartier Pablo-Picasso de Nanterre, est venue manifester avec sa petite sœur Ami*, 19 ans. Toutes les deux s'interrompent régulièrement pour scander les slogans lancés au haut-parleur depuis une camionnette où se trouve la famille de Nahel. Les deux jeunes filles ne comprennent pas ce qui a pu se passer mardi matin, alors que le climat "était calme" entre les jeunes et la police ces derniers temps.
"S'ils nous tuent, qui va nous protéger ?"
Après un instant de silence, des applaudissements retentissent dans les rues. Ils sont nourris durant les deux heures de la marche blanche. A cet instant, les deux sœurs pensent à leur petit frère du même âge. "Il était dans la classe de Nahel, en primaire. Alors, on compatit avec la famille et on se dit que ça aurait pu être lui", raconte Fenda, de larges lunettes de soleil noires vissées sur le nez, empêchant de deviner les émotions qui la traversent.
"La police est censée nous protéger. S'ils nous tuent, alors qui va nous protéger ?", s'interroge Sofia. L'adolescente de 17 ans assure qu'elle a désormais peur face aux forces de l'ordre. Elle y pense, quotidiennement. "Quand je vais dehors et que je vois la police, je me dis que, peut-être, ils vont me tirer dessus", raconte-t-elle dans un éclat de voix, rapidement rejointe dans son récit par d'autres manifestants.
"On prétend au minimum, on veut simplement la justice sociale, insiste pour sa part Karim*. Nous sommes victimes de la violence d'une institution [la police] qui est surprotégée. On doit faire plus d'efforts que les autres pour tout, pour trouver un travail, un logement. Tout est plus dur, assure ce Nanterrien de 34 ans. Tout ce que l'on veut en retour, c'est ne pas avoir peur quand nos frères se font contrôler par la police." Alors que les violences urbaines se sont multipliées mercredi soir dans plusieurs villes de France, Karim y voit le début d'un mouvement qui ne fait que commencer après la mort de Nahel.
* Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interrogées.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.