Au procès des viols de Mazan, Gisèle Pelicot quitte pour la première fois la salle d'audience, exaspérée par les dénégations d'un accusé
Après avoir écouté une heure d'interrogatoire poussif, Gisèle Pelicot a fini par craquer : pour la première fois depuis le début du procès des viols de Mazan, elle a quitté la salle d'audience, mercredi 9 octobre, excédée. C'est Vincent C., un homme de 42 ans, qui l'a manifestement poussée aux confins de sa patience.
Il était le premier des cinq accusés au programme de la semaine d'audience à être entendu par la cour criminelle du Vaucluse. Il comparaît pour s'être rendu deux fois au domicile du couple Pelicot, le 27 octobre 2019 et le 11 janvier 2020. Placé en détention provisoire, il est, comme la grande majorité de ses coaccusés, poursuivi pour "viols aggravés" sur la septuagénaire. Et comme la majorité d'entre eux, il nie avoir eu "l'intention" de violer. Et ne reconnaît donc pas les faits.
En partant pour Mazan, la première fois, il dit être persuadé qu'il va participer à "un plan à trois". Mais en arrivant, Dominique Pelicot lui précise que son épouse "est partie se coucher, elle a pris son somnifère", relate l'homme dans son box. "Je me dis : 'On va aller dans la chambre, on va la réveiller'", poursuit l'accusé. "Ça vous interroge qu'elle ne se réveille pas ?", demande le président. "Je trouve ça bizarre, mais jamais je n'aurais imaginé l'inimaginable", répond-il, reprenant les mots prononcés la veille par Pierre P., le gendre de Dominique et Gisèle Pelicot.
"En vérité, je ne réfléchis pas"
"Madame Pelicot est face à vous, parfaitement inconsciente, d'après les photos que j'ai sous les yeux... Et vous introduisez votre sexe dans sa bouche. Est-ce que ça ne révèle pas qu'il se passe quelque chose d'anormal ?", l'interroge le président. "En vérité, je ne réfléchis pas à ce moment-là", répond l'intéressé laconiquement.
"Monsieur C., je suis désolé, je veux bien que vous soyez alcoolisé, que vous soyez guidé par des besoins sexuels, mais là, une personne est en état de suffocation, vous avez quand même encore un potentiel de réflexion", insiste le président, qui commence à s'agacer. "A ce moment-là, non. J'aurais dû, je suis d'accord, mais je ne comprends pas pourquoi...", rétorque Vincent C., à peine audible.
"Vos explications suscitent l'indignation du côté de la partie civile", lâche Antoine Camus, l'avocat de Gisèle Pelicot. Mais l'accusé ne dévie pas de sa version. Laure Chabaud, l'avocate générale, prend le relais. "A supposer qu'on est dans le cadre de ce que vous appelez 'un scenario' : si on se met à la place d'une femme totalement inconsciente, on peut se demander quel est l'intérêt d'un tel jeu", résume-t-elle. "Oui", dit Vincent C, laconique.
"Je ne supporte pas cet homme-là"
"Quel est pour vous l'intérêt d'avoir un rapport sexuel avec un corps totalement inerte ?", poursuit la magistrate. "Aucun intérêt pour moi, mais c'était pour le couple, pour le satisfaire", affirme l'homme. "Donc c'est de la pure bonté ?!", s'étrangle Laure Chabaud. C'en est trop pour Gisèle Pelicot, qui se lève. Son avocat tente de la retenir. "Je ne supporte pas cet homme-là !", lui lance la septuagénaire.
Elle quitte l'audience quelques minutes. Et revient en pleine projection d'une vidéo d'un des viols commis sur elle par l'accusé. On entend ses ronflements. La lumière est crue. Le tout est filmé en gros plan. L'homme ne porte pas de préservatif. Gisèle Pelicot longe la salle pour regagner sa place. Puis s'assoit et regarde son portable.
Vincent C. a baissé la tête tout au long de la projection. Antoine Camus reprend la parole. "Pourquoi vous ne voulez pas regarder ces vidéos ?", interroge-t-il. "Parce que je ne les ai jamais vues, je sais ce que j'ai commis, et c'est insoutenable", rétorque l'homme. "Vous pensez toujours avoir fait plaisir à un couple ?", poursuit l'avocat. "Je pense que j'ai fait plaisir au mari, pas au couple", reconnaît finalement l'accusé.
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