Procès des viols de Mazan : "C'est un procès pour l'avenir, presque politique", selon l'avocate pénaliste Anne Bouillon
"On est presque sur un procès politique", a estime lundi 25 novembre sur France Inter Anne Bouillon, avocate pénaliste du barreau de Nantes et spécialiste du droit des femmes, alors que le procès des viols de Mazan s'apprête à entrer dans sa dernière ligne droite avec les réquisitoires du parquet.
"Ce qui m'a réjouie, si je puis dire, et ce, tout au long de l'audience, c'est la capacité de Gisèle Pelicot et de ses avocats à faire de ce procès un peu ce que Gisèle Halimi avait fait en 1978, c'est-à-dire à faire de ce procès une vraie tribune et à nous enjoindre à ne plus détourner le regard", a expliqué l'avocate. "C'est un procès pour l'avenir, c'est un procès pour l'espoir : maintenant il faut que ça change", a-t-elle martelé, au sujet de l'affaire à l'écho internationale jugée depuis septembre à Avignon, où 51 hommes sont accusés d'avoir violé Gisèle Pelicot alors qu'elle était inconsciente, droguée à son insu par son mari.
"L'espoir qui a été nourri et qui nous met au défi pour après, c'est qu'allons-nous faire collectivement de cette volonté farouche de cette femme de dire qu'au-delà de [sa] situation individuelle, finalement, c'est la société tout entière qu'[elle] convoque sur le banc des accusés, à côté de ces 51 hommes", a-t-elle ajouté.
"Pétris de l'idée qu'ils sont légitimes"
"J'ai été frappée par la recherche du dénominateur commun entre ces 51 hommes, a-t-elle poursuivi, ce qui lie tous ces hommes s'articule autour d'une croyance qui est pétrie de l'idée de ce qu'ils sont légitimes. Ce qui les relie tous, c'est cette croyance-là (…) qu'à un moment donné, dans certaines circonstances, à la faveur de la vulnérabilité d'une femme, de son sommeil, de son alcoolisation, à avoir accès au corps des femmes comme un sujet désincarné", a expliqué l'avocate engagée pour la cause des femmes victimes de violences conjugales et d’agressions sexuelle. "Il y a cette idée de libre accès au corps des femmes qui nous renvoie profondément à ce que nous sommes collectivement", a-t-elle souligné.
"Faisons notre révolution culturelle féministe, revoyons notre matrice et revoyons comment est-ce que nous fonctionnons collectivement", a plaidé Anne Bouillon. "Et alors là, [ce procès] servira à quelque chose", a appuyé celle qui a publié Affaires de femmes. Une vie à plaider pour elles (L’Iconoclaste). "Nous évoluons tous et toutes sur un terrain où la rencontre avec le viol est possible", a-t-elle rappelé. "Nous paramétrons nos interactions sociales à l'aune du risque du viol", a-t-elle déploré.
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