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Affaire Grégory : une année d'enquête chaotique résumée en cinq dates

Après une année d'enquête, les mises en examen des trois principaux suspects ont été annulées, mercredi, pour un vice de procédure.

Article rédigé par franceinfo
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Photo non datée de Grégory Villemin, retrouvé mort en octobre 1984. (AFP)

"On a assisté l'été dernier à un coup de force judiciaire. (...) Il s'agit d'un fiasco judiciaire épouvantable, et le naufrage est confirmé par la décision rendue ce matin." Jean-Paul Teissonnière, l'avocat de Murielle Bolle, s'en est pris avec véhémence, mercredi 16 mai, aux juges en charge de l'affaire Grégory. Quelques heures plus tôt, la chambre d'instruction de Dijon a annoncé l'annulation de la mise en examen de la femme de 48 ans, ainsi que des époux Jacob, pour un vice de procédure.

Un an plus tôt, les mises en examen de ces trois suspects avait relancé, à la surprise général, ce dossier que tout le monde croyait clôt. Trente-trois ans après le meurtre du petit Grégory, dont le corps a été retrouvé dans la Vologne en 1984, nombreux sont ceux qui espéraient un dénouement à cette intrigue tragique. Un espoir aujourd'hui compromis par la levée des mises en examen. Franceinfo revient sur une année d'enquête qui résonne désormais comme un coup d'épée dans l'eau.

14 juin 2017 : de nouvelles arrestations

Le 14 juin, les gendarmes procèdent à une série d'interpellations dans la désormais célèbre vallée de la Vologne. Trois membres de la famille de Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, sont placés en garde à vue à Dijon : une tante de l'enfant, Ginette Villemin, 61 ans, Marcel Jacob, 72 ans, grand-oncle du garçon et sa femme Jacqueline, 72 ans elle aussi. Tous appartiennent au "clan Bernard Laroche". Ce cousin est le premier suspect de l'affaire. Il a été tué en 1985 par Jean-Marie Villemin alors persuadé de sa culpabilité.


Ginette Villemin est libérée sans poursuite, mais les époux Jacob, qui n'avaient jamais été inquiétés jusque-là, sont mis en examen pour "enlèvement et séquestration suivis de mort". Le couple est libéré au bout d'une semaine mais le contrôle judiciaire leur impose de demeurer séparés et éloignés de leur domicile vosgien.

29 juin 2017 : Murielle Bolle mise en examen

L'enquête semble définitivement relancée. Le 29 juin, c'est au tour de Murielle Bolle d'être mise en examen pour "enlèvement suivi de mort". Âgée de 15 ans au moment des faits, l'adolescente à la dense chevelure rousse est un témoin-clé de l'affaire. En 1984, elle avait affirmé avoir vu son beau-frère Bernard Laroche emmener Grégory dans sa voiture, avant de se rétracter.

Affabulation d'adolescent ou véritables aveux regrettés par la suite ? Un nouveau témoignage plaide pour la seconde version : celui de Patrick F. Cet homme, qui se présente comme un cousin germain de Murielle Bolle, explique s'être décidé à contacter les enquêteurs après avoir appris les arrestations des époux Jacob. D'après lui, Murielle Bolle s'était rétractée à l'époque parce qu'elle a été frappée, menacée et insultée par ses proches, décidés à innocenter Bernard Laroche. 

Malgré ce témoignage, Murielle Bolle campe sur sa version. En détention, la femme de 48 ans entame une grève de la faim pour "clamer son innocence" et réclamer une confrontation avec ce mystérieux cousin. Les enquêteurs organisent la rencontre en juillet, mais celle-ci ne donne rien. 

11 juillet 2017 : le juge Lambert se suicide

La nouvelle impulsion donnée à cette affaire provoque un drame. Le 11 juillet 2017, le premier juge d'instruction en charge de l'affaire, Jean-Michel Lambert, est retrouvé mort chez lui avec un sac plastique sur la tête, noué à l'aide d'une cravate. Une lettre qu'il a rédigée et adressée à L'Est républicain accrédite la thèse du suicide. 

A l'époque où il était en charge du dossier, Jean-Michel Lambert avait été violemment critiqué pour les errements de son instruction et pour la trop grande proximité qu'il entretenait avec les médias. On lui reproche aussi son indulgence vis-à-vis de Bernard Laroche.

"Je proclame une dernière fois que Bernard Laroche est innocent, écrit-il dans sa lettre, où il évoque les mises en examen de Marcel et Jacqueline Jacob et de Murielle Bolle. Ce énième 'rebondissement' est infâme. Il repose sur une construction intellectuelle, fondée en partie sur un logiciel. La machine à broyer s'est mise en marche pour détruire, ou abîmer, la vie de plusieurs innocents."

Extrait du courrier signé du juge Lambert, daté du 11 juillet 2017.  ((DR))

4 août 2017 : Murielle Bolle est libérée

Au mois d'août, Murielle Bolle est libérée. Comme pour les époux Jacob, son contrôle judiciaire lui impose toutefois de rester dans la Nièvre, où l'ancien maire de Saint-Honoré-les-Bains, convaincu de son innocence, a mis à sa disposition un appartement de 55 m2.

La femme de 48 ans pointe deux fois par semaine à la gendarmerie et est interdite d'entrer en contact avec les autres protagonistes de l'affaire. Dans la commune, Murielle Bolle se fait discrète. Ses journées s'enchaînent dans une morne banalité entre mots croisés, match de l'Olympique de Marseille et jeux de cartes, notamment la crapette, raconte Le Parisien.

La cour d'appel de Dijon autorise finalement les prévenus à rentrer chez eux. En novembre, Jacqueline Villemin revient dans les Vosges, suivie par son mari, un mois plus tard. Murielle Bolle retourne, quant à elle, dans son domicile le 25 avril 2018.

16 mai 2018 : les mises en examen annulées

A la surprise générale, les mises en examen des époux Jacob et de Murielle Bolle sont levées mercredi 16 mai. Dans la foulée, les avocats de la défense écument les plateaux de télévision, présentant ce revirement de situation comme la preuve de l'innocence de leurs clients. "Aujourd'hui Jacqueline Jacob et Marcel Jacob ne sont plus mis en examen, ne sont pas témoins assistés, ils n'ont plus rien à faire dans ce dossier", lance Stéphane Giuranna, l'avocat de Marcel Jacob.

C'est une très belle victoire pour nous. Murielle Bolle est innocente. Sa mise en examen tombe, son contrôle judiciaire, également.

Christophe Ballorin, avocat de Murielle Bolle

Cette annulation résulte en réalité d'un vice de procédure. Après les nombreux couacs qui ont émaillé cette affaire depuis son commencement, le dossier a été confié à la chambre d'instruction du tribunal de Dijon, qui doit statuer collégialement sur le dossier. Or, dans le cas de Murielle Bolle, c'est la magistrate Claire Barbier, seule, qui a prononcé la mise en examen. C'est pour cette raison qu'elle a été annulée, tout comme celles des époux Jacob.

Cette décision sur la forme ne marque pas nécessairement un coup d’arrêt de la procédure. "Il existe des éléments sérieux et graves qui mettent en cause les trois protagonistes", a ainsi répété Jean-Jacques Bosc, le procureur général de la cour d'appel de Dijon, interrogé par France 3. Rien n'exclut donc de potentielles nouvelles mises en examen dans les semaines ou les mois à venir. Et un nouvel épisode à cette terrible saga.

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