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Au procès du Carlton, l’avocat du Nid charge DSK : "Nous ne rirons plus à l'évocation de parties fines"

Le procès est entré dans sa troisième semaine. L’audience de lundi est consacrée aux plaidoiries des parties civiles avec l'intervention d'Emmanuel Daoud, qui représente une association qui vient en aide aux prostituées.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Emmanuel Daoud, avocat du Mouvement du Nid, partie civile dans le procès du Carlton, le 12 février 2015.  (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Il s’avance sobrement au pupitre en béton du tribunal de Lille (Nord). Emmanuel Daoud est le deuxième avocat à plaider pour les parties civiles du procès du Carlton, qui entre dans sa troisième semaine, lundi 16 février. Il représente le Nid, une association qui vient en aide aux prostituées. Dans son dos, DSK écoute, bras croisés, assis à côté d’autres prévenus. Sans effet de manches, l’avocat veut pointer la pleine responsabilité, selon lui, de l'ancien directeur du FMI. S'il est relaxé dans cette affaire de proxénétisme aggravé, "beaucoup, beaucoup d’entre nous ne seront pas dupes", prévient-il.

Depuis le début du procès, la défense de Dominique Strauss-Kahn n’a pas varié : il n’a jamais su qu’il avait affaire à des prostituées dans les parties fines qu’organisaient pour lui ses fidèles serviteurs, les deux entrepreneurs David Roquet et Fabrice Paszkowski. "Etait-il si naïf, si crédule ?", feint de s’interroger Emmanuel Daoud. Puis, sur les SMS dans lesquels l'ex-patron du FMI évoque du "matériel" en prévision des parties fines : "Ils sont la manifestation écrite du peu de considération qu’il avait pour ces femmes", estime l’avocat du Nid. Et de décrire DSK comme un "Sardanapale des temps modernes", en référence à ce roi d’Assyrie célèbre pour sa luxure et sa débauche au VIIe siècle avant Jésus-Christ.

"Un avant et après le procès du Carlton"

Emmanuel Daoud prend acte du fait que le président du tribunal, Bernard Lemaire, a insisté pour que le tribunal ne soit "pas le gardien de la morale" dans cette affaire. Mais il ne souscrit pas. "Il faudrait qu'on garde le silence alors ? Ne rien dire de ceux qui parlaient, au choix, pour évoquer les femmes, de grosses, de matériel, de cheptel, de dossiers... ?" L’avocat ne mâche pas ses mots concernant l’ensemble des prévenus, dont peu ont fait le déplacement pour écouter les plaidoiries des parties civiles. Dodo la Saumure est ainsi traité de "maquignon de la pire espèce, de marchand de viande".

Plus généralement, "il y aura un avant et après le procès du Carlton", espère le représentant du Nid. Son association, souvent amenée à représenter des femmes elles-mêmes poursuivies pour proxénétisme, se porte rarement partie civile, explique-t-il. Dans cette affaire, elle a fait le "pari" que ce procès "fasse œuvre de salubrité publique", dont on puisse tirer "des enseignements". Un pari "réussi", selon maître Daoud, qui se félicite de l’annonce, le 11 février, de l’examen par le Sénat de la proposition de loi pénalisant les clients de prostituées, les 30 et 31 mars prochains.

"On l'a tous vu, ce frigo ouvert"

"Nous ne sommes plus, désormais, dans la fiction ou le fantasme, poursuit l’avocat. Nous ne rirons plus à l'évocation des parties fines." Pour lui, tout le monde l’aura compris au cours des débats : "La prostitution n'est pas un choix de carrière, n'est pas une ambition professionnelle, Jade nous l'a rappelé." Cette ancienne prostituée, qui a livré un témoignage bouleversant, a raconté comment elle avait basculé dans la prostitution en ouvrant son frigo vide, avec la crainte de se voir retirer la garde de ses deux enfants. "On l'a tous vu, ce frigo ouvert", continue Emmanuel Daoud. "Merci, mesdames, pour votre courage, votre franchise et votre dignité, lance-t-il aux quatre femmes parties civiles dans ce procès. Nous savons désormais ce qu'est la réalité quotidienne de ces femmes, poussées à faire ça parce qu'elles n'avaient pas d'autres choix."

L’avocat du Nid ne rêve pas : il n’y aura "pas de miracle", la prostitution et le proxénétisme "ne disparaîtront pas" avec ce procès. "Demain, les prostituées continueront d’arpenter le trottoir devant le palais de justice de Lille, Dodo la Saumure continuera de faire prospérer ses affaires, et des 'amis' continueront d’offrir des prostituées. Mais nous ne détournerons plus le regard." Il résume la relation client-prostituée en une phrase : "Payer, c'est savoir qu'on impose à l'autre un acte pour lequel il n'a peut-être pas eu le choix." Pour achever sa plaidoirie, Emmanuel Daoud a choisi des vers de Baudelaire, extraits de La Muse vénale : "Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir, (…) saltimbanque à jeun, étaler tes appas. Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voit pas, Pour faire épanouir la rate du vulgaire."

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