Procès du Carlton : DSK, les SMS et sa "garçonnière"
Lors de son dernier jour d'audition devant le tribunal de Lille, jeudi, l'ex-directeur du FMI a dû s'expliquer sur des textos où il évoquait des soirées. Il a aussi apporté des précisions concernant son appartement parisien qui servait à recevoir des femmes.
Pour son troisième jour d'audition devant le tribunal correctionnel de Lille (Nord), où il est jugé pour proxénétisme aggravé dans le cadre de l'affaire dite du Carlton, Dominique Strauss-Kahn a changé de cravate. Elle n'est plus grise, mais rose foncé. Lorsqu'il est invité à s'avancer à la barre, jeudi 12 février, il boutonne sa veste noire pour rendre moins apparente cette bande de tissu colorée.
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Aujourd'hui, il est question de SMS. Trente-cinq messages envoyés par téléphone ont été versés au dossier. Ils concernent les rencontres entre DSK, l'entrepreneur Fabrice Paszkowski, "leur groupe d'amis du Nord" et les "copines". Ces dernières sont les femmes qui participeront aux sorties organisées en après-midi ou en soirée. Dans les SMS, elles sont désignées en des termes sordides et dédaigneux. "Peux-tu ou veux-tu venir voir une magnifique boîte coquine à Vienne avec du matériel ?", écrit DSK à Fabrice Paszkowski. "C'est vrai que c'est un terme inconvenant, reconnaît l'ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) à la barre. C'est du vocabulaire de corps de garde."
"C'est plus facile d'envoyer des SMS"
Le président du tribunal, Bernard Lemaire, continue la lecture des textos en s'adressant à DSK. "'Est-ce que Sylvie ça t'intéresse ?', vous demande Fabrice. Vous répondez : 'Bien-sûr'." Le président relève la tête et s'avance vers le micro."Tout ça, c'est le monde libertin ?" "Le monde libertin", acquiesce DSK.
La lecture des SMS reprend. DSK fronce les sourcils et fixe son regard sur Bernard Lemaire. Puis il souffle et lève les yeux au ciel par moments. Il a l'air agacé, mais se contient. Pour lui, tous ces messages représentent "un signe de plus que c'est Fabrice qui propose des soirées". "Ce n'est pas moi qui lui demande de les organiser", lance-t-il ensuite.
Il y a beaucoup de SMS, lui fait remarquer le président du tribunal. L'ancien patron du FMI lui répond avec un sourire qui se veut complice. "Vous savez, Monsieur le président, on s'envoie des SMS et on se dit, après coup, qu'on aurait mieux fait d'engager une conversation téléphonique. Mais c'est plus facile d'envoyer des SMS quand on a cinq minutes de libre."
Dans les SMS, on se lâche plus facilement. Ils ne sont pas destinés à être lus en dehors du contexte.
"Ça va marcher, je lui ai offert un cadeau"
On en vient au 23 janvier 2010, juste avant le premier voyage à Washington (Etats-Unis) effectué par Fabrice Paszkowski, le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde, Jade et un couple. David Roquet, l'ex-directeur d'une filiale d'Eiffage, ne participe pas à cette excursion. Il a eu un problème de passeport à l'aéroport. La veille de leur arrivée, DSK envoie un SMS à Fabrice Paszkowski pour lui parler d'un célèbre artiste qui doit avoir un rapport sexuel avec Jade. "Ça va marcher, je lui ai offert un cadeau", écrit-il. On n'en saura pas davantage sur ce qui "va marcher". DSK livre seulement quelques éléments sur le "cadeau" en question.
Je vais te faire un cadeau, ça signifie : je vais te présenter une fille formidable.
"Cela n'a rien à voir avec le qualificatif d'instigateur qu'on a voulu me coller sur les épaules", poursuit l'ex-patron du FMI. "C'est vrai que votre rôle d'instigateur est motivé dans l'ordonnance de renvoi par tous ces SMS", fait remarquer le président du tribunal. "Et ça n'a pas de sens, rétorque DSK. J'ai passé trois ans à Washington. J'ai beaucoup d'amis qui sont venus me voir. Il y en avait souvent."
"Dominique était l'attraction de la soirée"
En mai 2011, les soirées s'arrêtent brutalement. DSK a "des problèmes à New York", comme le souligne le président du tribunal. Par "problèmes", il fait référence à l'affaire du Sofitel, pour laquelle les poursuites pénales engagées par Nafissatou Diallo ont finalement été abandonnées.
Fabrice Paszkowski arrive à la barre pour donner des explications : "Je n'ai plus été sollicité par nos amis, c'est tout." "Ce n'est pas parce que Dominique Strauss-Kahn n'est plus disponible ?", interroge le président du tribunal. "Non. Tout le monde était bouleversé par son arrestation. Et je vous le répète, Dominique était l'attraction, le cadeau de la soirée."
Traduction : ces soirées n'ont pas été organisées pour l'ex-patron du FMI. "'DSK savait, DSK savait.' On ne cesse de le répéter. Non. J'veux dire, si aujourd'hui j'en suis encore là, c'est parce que je défends la vérité", ajoute Fabrice Paszkowski, qui affirme depuis trois jours que Dominique Strauss-Kahn ne savait pas que ces femmes présentes dans ces soirées étaient des prostituées. "C'est resté un secret entre David [Roquet] et moi, insiste-t-il. J'aime recevoir, je me plais dans ce rôle, de voyeur et d'hôte."
"Mise en examen ne veut pas dire coupable"
Fabrice l'hôte, et DSK l'invité ? Il est tout de même reproché à l'ancien élu socialiste d'avoir mis à disposition un appartement, situé avenue d'Iéna, à Paris, pour l'organisation de soirées en présence de prostituées. Or, c'est l'une des infractions qui caractérisent le proxénétisme. Mais sur ce point, une fois de plus, DSK s'en sort avec habileté.
Pour justifier la location de ce logement, qui plus est par un montage juridique qui ne fait pas apparaître son nom dans le bail, il explique : "Je le fais louer par un copain, c'est aussi simple que ça, il y en a pour 5 minutes."
Je suis un homme politique marié, j'ai donc besoin d'un lieu pour recevoir de manière discrète des personnalités politiques, mais aussi pour l'utiliser à des fins personnelles, disons-le.
Avant que DSK ne se rassoie, un avocat des parties civiles tient à lui poser des questions. Il débute son propos en résumant la ligne de défense de DSK : "Vous êtes adepte de relations sexuelles collectives, vous n'êtes qu'invité, vous n'intervenez jamais de quelque manière que ce soit, sauf pour donner votre agenda et l'appartement de l'avenue de Iéna, vous dites que c'est votre vie privée." "Absolument", répond DSK, satisfait.
L'avocat poursuit en citant des écoutes téléphoniques. Il cherche à mettre en contradiction le comportement de DSK pendant le procès et ses propos tenus au téléphone. Il lit des passages, et puis abat sa carte maîtresse : dans les retranscriptions des écoutes, DSK confie qu'il s'attend à être mis en examen dans l'affaire du Carlton. Pourquoi, puisqu'il affirme depuis le début qu'il n'a rien à se reprocher ? "Mais mise en examen ne veut pas dire que je suis coupable", souligne Dominique Strauss-Kahn. Il termine ainsi son audition devant le tribunal correctionnel de Lille. Comme un rideau qui se ferme, et annonce déjà l'issue du procès, qui sera actée lorsque le jugement sera prononcé.
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