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DSK peut-il revenir en politique ?

La non-publication d'un sondage soulignant que les Français apprécient les compétences de Dominique Strauss-Kahn pose la question d'un retour en politique du socialiste. Une hypothèse qui semblait encore improbable il y a peu.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'ancien directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, le 17 septembre 2013, à Belgrade (Serbie). (ALEXA STANKOVIC / AFP)

La révélation par France Info, mardi 4 mars, d'un sondage non publié par Le Parisien magazine a fait naître une question dont la réponse paraissait, jusqu'ici, évidente : un retour de Dominique Strauss-Kahn est-il possible ? Francetv info revient sur les arguments qui penchent pour ou contre le retour de l'ancien grand favori de la course à l'Elysée.

Oui, un sondage lui est favorable

Le résultat du sondage commandé par Le Parisien magazine à BVA a tellement surpris ses commanditaires que la direction de l'hebdomadaire s'est refusée à le publier, le jugeant trop partiel, comme elle s'en explique sur Le Parisien.fr. Au delà des considérations déontologiques, cette étude non publiée livre tout de même un enseignement : selon ce sondage, pour une large majorité de Français (56%), Dominique Strauss-Kahn ferait un meilleur président que François Hollande. L'ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI) arrive même en tête des 14 personnalités proposées.

BVA, qui a réalisé l'étude, aurait choisi d'insérer DSK dans cette liste de personnalités car son nom était spontanément ressorti lors d'enquêtes précédentes. Certaines études contiennent en effet des questions ouvertes laissant la liberté à un personne interrogée de soumettre elle-même un choix, notamment lors des études qualitatives, où un panel de personnes est invité à donner ouvertement son avis. Le nom de DSK a dû ressortir de certaines de ces études menées par BVA, incitant l'institut de sondage à le tester dans l'étude du Parisien magazine. Mais France Info n'y voit pas forcément un regain de popularité de DSK, plutôt "un désir de compétence des Français à la tête de l'Etat."

Si BVA a refusé de commenter son étude, un sondeur d'un autre institut, contacté par Francetv info, ne voit pas non plus de signe d'un retour en grâce de l'ancien directeur du FMI : "On n'a aucun chiffre pour le dire, il n'est plus testé dans les études depuis fin 2011. Et la dernière fois qu'il l'a été, il n'a recueilli que 16% d'opinions favorables. C'était un plongeon spectaculaire par rapport aux 46% qu'il comptait juste avant l'affaire du Sofitel. Aujourd'hui, rien n'indique que les Français l'apprécient à nouveau. Même si la vie politique peut parfois s'avérer surprenante."

Non, il a mis fin à ses activités politiques

En juillet dernier, interrogé à la télévision russe, DSK avait lui-même expliqué que sa carrière politique était définitivement révolue.

DSK : "La politique, c'est maintenant derrière moi" (EVN)

L'ancien directeur du FMI met désormais son expertise au service de grands groupes industriels et de gouvernements, notamment en Serbie. En juin 2013, le Sénat français l'avait également consulté sur la question de l'évasion fiscale. Une intervention technique qui avait provoqué une réaction outrée de la classe politique, y compris dans son propre camp.

Cette hostilité convainc certains de ces proches de ne pas souhaiter son retour en politique. "S'il revient, il se fera à nouveau massacrer, prédit pour L'Express François Pupponi, député-maire PS de Sarcelles, l'ancien fief de DSK. Il mérite mieux que le monde médiatico-politique."

Non, il doit d'abord régler ses ennuis judiciaires

Si l'envie d'un retour en politique venait piquer Dominique Strauss-Kahn, encore faudrait-il qu'il y soit autorisé. En effet, l'ancien ministre n'en a pas fini avec les ennuis judiciaires qui hypothèquent toujours son avenir professionnel. L'affaire du Sofitel de New York est juridiquement réglée, mais l'ancien ministre reste mis en examen pour "proxénétisme aggravé en réunion" dans l'affaire du Carlton de Lille.

Renvoyé en correctionnelle en décembre, DSK devrait avoir droit à un procès long de plusieurs semaines devant le tribunal de Lille, a priori à l'automne 2014. S'il est déclaré coupable, il risque jusqu'à dix ans de prison. Une peine suffisamment lourde pour écarter toute ambition politique dans le futur. L'avenir professionnel et personnel de DSK dépendra donc davantage de la décision d'un tribunal que de son potentiel regain de popularité.

Non, il est trop tard pour penser à un retour

Vu les postes qu'il a occupés et la stature qui était la sienne jusqu'en mai 2011, difficile d'imaginer un hypothétique retour de DSK ailleurs que dans une course à la présidence de la République. Mais en mai 2017, à 68 ans, ce sera probablement sa dernière occasion d'accéder au poste. "Pour pouvoir faire un retour, il faut une compétence reconnue et une image positive, parfaitement renouvelée, ce qu'il est très loin d'avoir, explique Christian Delporte, historien et auteur de Come back ! ou l'art de revenir en politique (Flammarion). Retrouver une bonne image lui demanderait trop de temps. Pour lui, c'est terminé, il est trop vieux."

Si son procès en correctionnel a bien lieu fin 2014, il pourrait être lavé des soupçons de proxénétisme et passer pour la victime d'un acharnement judiciaire. Suffisant pour relancer sa carrière politique dès 2015 ? "C'est impossible, affirme Christian Delporte. Même s'il est innocenté à Lille, il restera le Sofitel. Les femmes le rejetteront toujours, les doutes sur le viol resteront toujours en suspens. C'est une trace indélébile."

Oui, si les Français lui accordent un pardon inédit

Revenir de l'enfer est un exploit que d'autres hommes politiques français sont parvenus à accomplir. Dans le fameux sondage du Parisien magazine, la personnalité qui arrive juste derrière DSK est d'ailleurs Alain Juppé, avec 55% des voix. L'actuel maire de Bordeaux, condamné en 2004 à quatorze mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, est l'exemple type de la rédemption politique réussie, comme l'explique le Huffington Post.

Laurent Fabius, qui caracole actuellement en tête des sondages de popularité avec 61% d'opinions favorables, a lui aussi connu une traversée du désert à partir de 1991, après sa mise en cause dans l'affaire du sang contaminé, comme le détaillait Libération à l'époque. L'ancien Premier ministre a par la suite été définitivement innocenté, en 1999.

Mais à la différence de ces deux ministres revenus dans le cœur des Français, c'est pour des ennuis personnels et liés aux mœurs que DSK est tombé en disgrâce. Aucun précédent comparable n'existe à ce jour dans la vie politique française. "Les seuls hommes politiques bannis pour des affaires liées à la morale puis réhabilités sont Louis Malvy et Joseph Caillaux, arrêtés pour 'trahison' et 'intelligence avec l'Allemagne' en 1918, explique Christian Delporte. Mais on est très loin des affaires de mœurs de Dominique Strauss-Kahn, dont l'image est trop affectée auprès des Français."

Non, mais ses idées, peut-être...

Dans le cercle des ex-strauss-kahniens, on a accueilli avec prudence le sondage du Parisien. Michèle Sabban, vice-présidente socialiste de la région Ile-de-France, interrogée par L'Express, s'agace des interrogations sur un retour : "Autant interroger [la voyante] Elizabeth Teissier !" Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris cité par Le Nouvel Observateur, estime pour sa part que l'étude non publiée a bien un sens politique : "Le retour en politique de DSK n'aurait aucun sens, mais ce sondage prouve en revanche que l'orientation politique qu'il prônait était la bonne."

A l'heure où l'aile gauche du PS tire à boulets rouges sur la stratégie économique de l'exécutif, ce regain d'intérêt pour DSK, ex-héraut du social-libéralisme à la française, ne serait ainsi pas une si mauvaise nouvelle pour François Hollande, engagé dans un nouveau virage social-libéral.

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