Que risque le procureur Courroye, mis en examen dans l'affaire des fadettes ?
Le magistrat de Nanterre est soupçonné d'avoir violé la loi sur le secret des sources journalistiques dans le cadre de l'affaire Bettencourt.
Un magistrat mis en examen par un autre. Le procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine) Philippe Courroye a été mis en examen dans l'affaire des fadettes, mardi 17 janvier, par la juge d'instruction Sylvia Zimmermann. De quoi est-il soupçonné exactement ? Que risque-t-il ? FTVi fait le point sur l'affaire.
• Qu'est-ce que l'affaire dite des "fadettes" ?
Il s'agit d'une des ramifications de l’affaire Bettencourt. Selon Le Monde, les factures téléphoniques détaillées (les fameuses "fadettes") de Gérard Davet et Jacques Follorou, deux journalistes enquêtant sur l’affaire Bettencourt, ont été consultées par les services de renseignements après la publication dans le quotidien du soir, le 18 juillet 2010, d'extraits du procès-verbal de l'audition de Patrice de Maistre à la brigade financière. L'ex-gestionnaire de fortune de l’héritière de L’Oréal y indiquait avoir recruté l'épouse d'Eric Woerth, alors ministre du Travail, en échange de la Légion d'honneur.
• De quoi est soupçonné le procureur Courroye ?
Il a été mis en examen pour "collecte illicite de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal et illicite et violation du secret des correspondances". Autrement dit, ce procureur proche de Nicolas Sarkozy est soupçonné de s'être procuré illégalement ces factures téléphoniques. Dans quel but ? Le procureur aurait cherché à prouver que sa rivale dans l'affaire Bettencourt, la juge Isabelle Prévost-Desprez, parlait à la presse, violant le secret professionnel.
Le 6 décembre, la Cour de Cassation a estimé que sa procédure ouverte afin d'identifier les informateurs de journalistes du Monde avait bien violé la loi sur le secret des sources, ouvrant la voie à une mise en examen de Philippe Courroye.
• Que risque-t-il ?
Le procureur de Nanterre a annoncé avoir déposé "deux recours" à l'encontre de cette mise en examen et martelé qu'il ne démissionnerait pas. Présomption d'innocence oblige, rien ne contraint en effet Philippe Courroye à démissionner. Mais d'autres formes de mises à l'écart peuvent le menacer.
Sur l'initiative du garde des Sceaux ou du procureur général - ici, celui de Versailles -, le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi en urgence d'une demande "d'interdiction temporaire d'exercice", en attendant une décision définitive sur la procédure judiciaire et l'action disciplinaire.
Autre piste envisageable pour la hiérarchie du procureur Courroye : demander une mission d'inspection des services judiciaires, "une façon de montrer qu'il y a une réaction à la mise en examen, mais avec le risque d'un grand déballage au sein de la juridiction", a expliqué une source syndicale.
Rien n'empêche enfin une mutation du procureur de Nanterre, voire un détachement ou une mise en disponibilité de la magistrature de Philippe Courroye, qui n'en manifeste cependant pas l'intention. Sa hiérarchie pourrait toutefois lui forcer la main.
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